par Cinci » ven. 01 sept. 2017, 3:43
Bonjour,
J'aimerais juste faire un petit retour sur un des textes de dimanche le 27 août dernier, le vingt-et-unième dimanche de l'année ordinaire.
D'abord on lit une allusion au pouvoir des clés détenu par le Ressuscité dans la grande vision du premier chapitre de l'Apocalypse :"Je suis le Premier et le Dernier; et le Vivant; je suis mort, et voici, je suis vivant pour les siècles des siècles, et je tiens les clés de la mort et de l'Hadès" (Ap 1,18) C'est bien Jésus, triomphant de la mort, qui est annoncé là : l'image des clés ici nous suggère qu'il a pouvoir d'enfermer les puissances de mort. C'est au mal qu'il ferme la porte cf également Mt 16,19 pour l'évangile de ce jour.
Pour l'origine de l'expression du "pouvoir des clés" :
Première lecture
Isaïe 22,19-23
"Parole du Seigneur adressée à Shebna le gouverneur.
Je vais te chasser de ton poste,`
t'expulser de ta place.
Et, ce jour-là, j'appellerai mon serviteur,
Eliakim, fils de Hilkias.
Je le revêtirai de ta tunique,
je le ceindrai de ton écharpe,
je lui remettrai tes pouvoirs :
il sera un père pour les habitants de Jérusalem
et pour la maison de Juda.
Je mettrai sur son épaule la clef de la maison de David :
s'il ouvre, personne ne fermera,
s'il ferme, personne n'ouvrira.
Je le rendrai stable comme un piquet
qu'on enfonce dans un sol ferme;
il sera comme un trône de gloire pour la maison de son père."
Commentaire :
Nous sommes à la cour de Jérusalem sous le règne d'Ezéchias, c'est à dire vers 700 avant J.C. Ezéchias est le fils d'Achaz, c'est de lui que le prophète Isaïe avait annoncé la naissance en disant :"Voici que la jeune femme est enceinte et va enfanter un fils, elle lui donnera le nom d'Emmanuel" (Is 7,14)
Shebna fut donc gouverneur du palais de Jérusalem au cours du règne d'Ezéchias (716-687). Le poste de gouverneur du palais était certainement important puisqu'il y avait un véritable rituel d'intronisation au moment de la nomination : on en devine des bribes à travers le texte d'aujourd'hui.
En particulier, le gouverneur recevait une tunique et une écharpe qui étaient les insignes de sa fonction. Concrètement, parmi les attributions du gouverneur de Jérusalem, figurait le pouvoir des clés. Au moment de la remise solennelle des clés du palais royal, il recevait plein pouvoir sur les entrées au palais (et donc sur la possibilité d'être mis en présence du roi) et l'on disait sur lui la formule rituelle :"Je mets sur son épaule la clef de la maison de David : s'il ouvre, personne ne fermera, s'il ferme, personne n'ouvrira" (Is 22,22) C'était donc un symbole d'autorité sur le royaume et la marque d'une très grande confiance de la part du roi.
Mais Shebna s'est mal comporté [...]
Je m'explique : le père d'Ezéchias, le roi Achaz, avait dû accepter la tutelle de l'empire assyrien; le prophète ne l'avait pas souhaitée mais il estimait que la faiblesse du royaume de Jérusalem interdisait toute révolte.
Ezéchias, au contraire, tout au long de son règne, cherchera à recouvrer son indépendance, quitte à s'allier avec l'Égypte. Mais celui lui coûtera très cher, à lui et à son peuple; car chaque tentative de révolte contre le suzerain assyrien, chaque marque d'insoumission est durement réprimée. En 701, effectivement, l'empereur assyrien Sennachérib envahit toute la région, mata très durement les insoumis, annexa purement et simplement la plupart des villes qui composaient le royaume de Jérusalem, aggrava considérablement les conditions financières de sa tutelle et Ezéchias fut bien obligé de se soumettre définitivement.
Les conseils d'alliance avec l'Égypte prodigués par Shebna à Ezéchias étaient donc fort mal inspirés. C'est le premier reproche que lui faisait Isaïe. Il y en avait visiblement un second; toujours entre les lignes, on devine que Shebna se préoccupait de ses propres intérêts et non de ceux du peuple de Dieu. Or, il lui avait été clairement précisé le jour de sa prise de fonction qu'il devait être "un père pour les habitants de Jérusalem et pour la maison de Juda."
La décision du prophète Isaïe est donc prise : il annonce à Shebna sa destitution et son remplacement par un nouveau gouverneur du palais, Eliakim, un véritable serviteur du peuple.
On peut s'étonner que la Bible, livre dans lequel nous cherchons fondamentalement un langage théologique, une révélation sur Dieu, se complaise à tant de récits historiques, plus ou moins touffus d'ailleurs et aux intrigues de palais, dont celle de Shebna et Eliakim par exemple. Première leçon, Dieu n'est pas à chercher ailleurs que dans le creux même de notre vie; et rien dans nos vies n'est trop insignifiant à ses yeux. Il se révèle au jour le jour dans notre histoire. C'est là qu'il faut apprendre à lire sa présence et son action.
Deuxièmement, nous découvrons le rôle des prophètes. On ne peut qu'admirer la véhémence du prophète, tout occupé, lui, des véritables intérêts du peuple de Dieu. C'est l'une des caractéristiques d'un véritable prophète.
Troisièmement, la grande, l'unique préoccupation de Dieu et qui doit être celle de ses serviteurs est le service du peuple : dans la Bible, on ne manque jamais une occasion de rappeler aux responsables que la seule raison d'être de tout pouvoir (celui du roi ou du gouverneur) est l'intérêt du peuple. A tel point que, dès que l'avenir de son peuple est gravement en jeu, Dieu intervient!
Dernière remarque : pour les auteur du Nouveau Testament, il ne fait pas de doute que Jésus-Christ est le véritable maître des clés; (c'est lui qui, réellement, nous met en présence du Roi. L'Apocalypse, en particulier, en parle à plusieurs reprises; dans sa lettre à Philadelphie, par exemple :"Ainsi parle le Saint, le Véritable, qui tient la clé de David, qui ouvre et nul ne fermera, qui ferme et nul ne peut ouvrir" Ap 3,7)
Extrait tiré de :
Marie-Noëlle Thabut, L'intelligence des Écritures, p.310
Bonjour,
J'aimerais juste faire un petit retour sur un des textes de dimanche le 27 août dernier, le vingt-et-unième dimanche de l'année ordinaire.
D'abord on lit une allusion au pouvoir des clés détenu par le Ressuscité dans la grande vision du premier chapitre de l'Apocalypse :"Je suis le Premier et le Dernier; et le Vivant; je suis mort, et voici, je suis vivant pour les siècles des siècles, et [b]je tiens les clés de la mort et de l'Hadès[/b]" ([b]Ap 1,18[/b]) C'est bien Jésus, triomphant de la mort, qui est annoncé là : l'image des clés ici nous suggère qu'il a pouvoir d'enfermer les puissances de mort. C'est au mal qu'il ferme la porte cf également Mt 16,19 pour l'évangile de ce jour.
Pour l'origine de l'expression du "pouvoir des clés" :
[b]Première lecture
[/b]
Isaïe 22,19-23
"Parole du Seigneur adressée à Shebna le gouverneur.
Je vais te chasser de ton poste,`
t'expulser de ta place.
Et, ce jour-là, j'appellerai mon serviteur,
Eliakim, fils de Hilkias.
Je le revêtirai de ta tunique,
je le ceindrai de ton écharpe,
je lui remettrai tes pouvoirs :
il sera un père pour les habitants de Jérusalem
et pour la maison de Juda.
Je mettrai sur son épaule la [b]clef de la maison de David[/b] :
s'il ouvre, personne ne fermera,
s'il ferme, personne n'ouvrira.
Je le rendrai stable comme un piquet
qu'on enfonce dans un sol ferme;
il sera comme un trône de gloire pour la maison de son père."
Commentaire :
[color=#0000FF]Nous sommes à la cour de Jérusalem sous le règne d'Ezéchias, c'est à dire vers 700 avant J.C. Ezéchias est le fils d'Achaz, c'est de lui que le prophète Isaïe avait annoncé la naissance en disant :"Voici que la jeune femme est enceinte et va enfanter un fils, elle lui donnera le nom d'Emmanuel" (Is 7,14)
Shebna fut donc gouverneur du palais de Jérusalem au cours du règne d'[b]Ezéchias[/b] (716-687). Le poste de gouverneur du palais était certainement important puisqu'il y avait un véritable rituel d'intronisation au moment de la nomination : on en devine des bribes à travers le texte d'aujourd'hui.
En particulier, le gouverneur recevait une tunique et une écharpe qui étaient les insignes de sa fonction. Concrètement, parmi les attributions du gouverneur de Jérusalem, figurait le [b]pouvoir des clés[/b]. Au moment de la remise solennelle des clés du palais royal, il recevait [b]plein pouvoir sur les entrées au palais[/b] (et donc sur la possibilité d'être mis en présence du roi) et l'on disait sur lui la formule rituelle :"Je mets sur son épaule la clef de la maison de David : s'il ouvre, personne ne fermera, s'il ferme, personne n'ouvrira" (Is 22,22) C'était donc un symbole d'autorité sur le royaume et la marque d'une très grande confiance de la part du roi.
Mais Shebna s'est mal comporté [...]
Je m'explique : le père d'Ezéchias, le roi Achaz, avait dû accepter la tutelle de l'empire assyrien; le prophète ne l'avait pas souhaitée mais il estimait que la faiblesse du royaume de Jérusalem interdisait toute révolte.
Ezéchias, au contraire, tout au long de son règne, cherchera à recouvrer son indépendance, quitte à s'allier avec l'Égypte. Mais celui lui coûtera très cher, à lui et à son peuple; car chaque tentative de révolte contre le suzerain assyrien, chaque marque d'insoumission est durement réprimée. En 701, effectivement, l'empereur assyrien Sennachérib envahit toute la région, mata très durement les insoumis, annexa purement et simplement la plupart des villes qui composaient le royaume de Jérusalem, aggrava considérablement les conditions financières de sa tutelle et Ezéchias fut bien obligé de se soumettre définitivement.
Les conseils d'alliance avec l'Égypte prodigués par Shebna à Ezéchias étaient donc fort mal inspirés. C'est le premier reproche que lui faisait Isaïe. Il y en avait visiblement un second; toujours entre les lignes, on devine que Shebna se préoccupait de ses propres intérêts et non de ceux du peuple de Dieu. Or, il lui avait été clairement précisé le jour de sa prise de fonction qu'il devait être "un père pour les habitants de Jérusalem et pour la maison de Juda."
La décision du prophète Isaïe est donc prise : il annonce à Shebna sa destitution et son remplacement par un nouveau gouverneur du palais, Eliakim, un véritable serviteur du peuple.
On peut s'étonner que la Bible, livre dans lequel nous cherchons fondamentalement un langage théologique, une révélation sur Dieu, se complaise à tant de récits historiques, plus ou moins touffus d'ailleurs et aux intrigues de palais, dont celle de Shebna et Eliakim par exemple. Première leçon, Dieu n'est pas à chercher ailleurs que dans le creux même de notre vie; et rien dans nos vies n'est trop insignifiant à ses yeux. Il se révèle au jour le jour dans notre histoire. C'est là qu'il faut apprendre à lire sa présence et son action.
Deuxièmement, nous découvrons le rôle des prophètes. On ne peut qu'admirer la véhémence du prophète, tout occupé, lui, des véritables intérêts du peuple de Dieu. C'est l'une des caractéristiques d'un véritable prophète.
Troisièmement, la grande, l'unique préoccupation de Dieu et qui doit être celle de ses serviteurs est le service du peuple : dans la Bible, on ne manque jamais une occasion de rappeler aux responsables que la seule raison d'être de tout pouvoir (celui du roi ou du gouverneur) est l'intérêt du peuple. A tel point que, dès que l'avenir de son peuple est gravement en jeu, Dieu intervient!
Dernière remarque : pour les auteur du Nouveau Testament, il ne fait pas de doute que Jésus-Christ est le [b]véritable maître des clés[/b]; (c'est lui qui, réellement, nous met en présence du Roi. L'[i]Apocalypse[/i], en particulier, en parle à plusieurs reprises; dans sa lettre à Philadelphie, par exemple :"[b]Ainsi parle le Saint[/b], le Véritable, [b]qui tient la clé de David, qui ouvre et nul ne fermera, qui ferme et nul ne peut ouvrir[/b]" [b]Ap 3,7[/b])
Extrait tiré de :
[b]Marie-Noëlle Thabut[/b], [u]L'intelligence des Écritures[/u], p.310 [/color]