par Christian » ven. 02 févr. 2007, 19:24
Cher Franck,
je ne saurais concevoir l'union des intérêts collectifs et de l'intérêt général ailleurs que dans la personne d'un monarque absolu. Ce modèle est hélas assez peu réaliste à l'heure actuelle, toutefois il peut ressurgir à n'importe quel instant à l'occasion d'une crise particulièrement grave. N'est-ce pas là l'essence philosophique de l'article 16 de notre Constitution?
Oui, mais ce
sauveur ne le serait que d’une
communauté, les chrétiens, par ex., ou les Maghrébins. Il n’existe plus un
intérêt général de cette entité que vous appelez encore "la France". Par exemple, si "la France" devait entrer en guerre avec l’Algérie, ou une coalition arabe, une bonne partie de la population de nationalité française ne verrait pas son
intérêt coïncider avec celui de "la France". Elle prendrait sans doute le parti de l’adversaire.
Nous retrouvons ici la faiblesse des empires au 19ème siècle, et ce qui a causé leur chute en 1914 : leur incapacité à effectuer des
levées en masse. Un Hongrois voulait bien vivre à côté d’un Slovène, mais pas mourir pour lui.
L’insondable stupidité de Bush, en déclarant une guerre de civilisation au lieu d’une opération de police contre des délinquants de droit commun, a sommé chacun de choisir son camp. Il est donc plus difficile aujourd’hui pour un Arabe de se dire pro-occidental, comme il était devenu impossible pour un Français de se dire pro-allemand en septembre 39.
Le multiculturalisme européen n'est en réalité qu'une façade se bornant à des particularismes folkloriques et linguistiques, rendant ainsi le projet européen viable.
Oui, tout à fait. C’est pourquoi le projet
politique européen, comme tout projet politique étatique ou supra-étatique, est voué à l’échec.
Croyez-vous que l'homme puisse réellement se débarrasser de sa concupiscence, de son désir de domination sur ses prochains, a fortiori s'ils sont différents? Comment cohabiter de surcroît avec une culture prônant notre aliénation ou notre anéantissement? C'est tout bonnement impossible, et nous n'allons probablement pas nous laisser détruire sans réagir.
Je ne sais pas si l’être humain peut se débarrasser de son désir de domination, mais il peut sans doute le canaliser vers des dominations moins meurtrières que la politique. Les Japonais, ce n’est qu’un exemple, ont cherché dans l’économie le triomphe qu’ils n’ont pu obtenir militairement.
Ensuite, il n’y a plus de contrée lointaine sur notre planète. Nous cohabitons avec les Chinois et les Indiens. Si les Musulmans sont un danger pour nous, ils le sont à Ryad autant qu’à Clichy. Mais si nous croyons à nos valeurs, nous avons plus de chances de métisser celle des autres en nous frottant à eux qu’en les déportant. Et si nous ne croyons plus à ces valeurs, notre civilisation se délitera d’elle-même. L’action des Musulmans, ou des Chinois, ou de n’importe quel étranger, ne fera que modifier l’échéance de quelques décennies.
(En fait, comme je l’ai écrit déjà ici, notre civilisation, quoiqu’il arrive, ne disparaîtra pas. Elle sera métabolisée par nos successeurs, comme la civilisation grecque a fertilisé celle des conquérants romains, et celle des Romains a transformé celle des envahisseurs barbares.)
Bien à vous
Christian
[align=center]
La nature d'une civilisation, c'est ce qui s'agrège autour d'une religion.
Notre civilisation est incapable de construire un temple ou un tombeau.
Elle sera contrainte de trouver sa valeur fondamentale, ou elle se décomposera.
André Malraux, entrevue radiodiffusée, le 3 juin 1956[/align]
Cher Franck,
[quote]je ne saurais concevoir l'union des intérêts collectifs et de l'intérêt général ailleurs que dans la personne d'un monarque absolu. Ce modèle est hélas assez peu réaliste à l'heure actuelle, toutefois il peut ressurgir à n'importe quel instant à l'occasion d'une crise particulièrement grave. N'est-ce pas là l'essence philosophique de l'article 16 de notre Constitution?[/quote]
Oui, mais ce [i]sauveur [/i]ne le serait que d’une[i] communauté[/i], les chrétiens, par ex., ou les Maghrébins. Il n’existe plus un [i]intérêt [b]général [/b][/i]de cette entité que vous appelez encore "la France". Par exemple, si "la France" devait entrer en guerre avec l’Algérie, ou une coalition arabe, une bonne partie de la population de nationalité française ne verrait pas son [i]intérêt [/i]coïncider avec celui de "la France". Elle prendrait sans doute le parti de l’adversaire.
Nous retrouvons ici la faiblesse des empires au 19ème siècle, et ce qui a causé leur chute en 1914 : leur incapacité à effectuer des [i]levées en masse[/i]. Un Hongrois voulait bien vivre à côté d’un Slovène, mais pas mourir pour lui.
L’insondable stupidité de Bush, en déclarant une guerre de civilisation au lieu d’une opération de police contre des délinquants de droit commun, a sommé chacun de choisir son camp. Il est donc plus difficile aujourd’hui pour un Arabe de se dire pro-occidental, comme il était devenu impossible pour un Français de se dire pro-allemand en septembre 39.
[quote]Le multiculturalisme européen n'est en réalité qu'une façade se bornant à des particularismes folkloriques et linguistiques, rendant ainsi le projet européen viable.[/quote]
Oui, tout à fait. C’est pourquoi le projet[i] politique [/i]européen, comme tout projet politique étatique ou supra-étatique, est voué à l’échec.
[quote]Croyez-vous que l'homme puisse réellement se débarrasser de sa concupiscence, de son désir de domination sur ses prochains, a fortiori s'ils sont différents? Comment cohabiter de surcroît avec une culture prônant notre aliénation ou notre anéantissement? C'est tout bonnement impossible, et nous n'allons probablement pas nous laisser détruire sans réagir.[/quote]
Je ne sais pas si l’être humain peut se débarrasser de son désir de domination, mais il peut sans doute le canaliser vers des dominations moins meurtrières que la politique. Les Japonais, ce n’est qu’un exemple, ont cherché dans l’économie le triomphe qu’ils n’ont pu obtenir militairement.
Ensuite, il n’y a plus de contrée lointaine sur notre planète. Nous cohabitons avec les Chinois et les Indiens. Si les Musulmans sont un danger pour nous, ils le sont à Ryad autant qu’à Clichy. Mais si nous croyons à nos valeurs, nous avons plus de chances de métisser celle des autres en nous frottant à eux qu’en les déportant. Et si nous ne croyons plus à ces valeurs, notre civilisation se délitera d’elle-même. L’action des Musulmans, ou des Chinois, ou de n’importe quel étranger, ne fera que modifier l’échéance de quelques décennies.
(En fait, comme je l’ai écrit déjà ici, notre civilisation, quoiqu’il arrive, ne disparaîtra pas. Elle sera métabolisée par nos successeurs, comme la civilisation grecque a fertilisé celle des conquérants romains, et celle des Romains a transformé celle des envahisseurs barbares.)
Bien à vous
Christian
[align=center][color=brown][b]La nature d'une civilisation, c'est ce qui s'agrège autour d'une religion.
Notre civilisation est incapable de construire un temple ou un tombeau.
Elle sera contrainte de trouver sa valeur fondamentale, ou elle se décomposera.[/b][/color]
[size=75]André Malraux, entrevue radiodiffusée, le 3 juin 1956[/size][/align]