L'autorité de l'Eglise catholique

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par Christian » ven. 13 mai 2005, 11:02

zefdebruz a écrit :Est-ce que finalement le seul défaut dans la cuirasse d'un libéralisme acceptable, selon la définition et les contours qu'en donnent Christian, ne serait-il pas une dimension ontologique essentielle : le don gratuit, le don total de soi, sans nul retour à attendre.
Le don présuppose la libre disposition de soi, de son corps, de son temps et de ses biens. On ne peut donner que ce que l’on possède en pleine propriété. Le libéralisme est la seule pensée politique qui réclame cette propriété de soi pour chaque être humain.

Le libéralisme est donc le régime qui étend au maximum la possibilité d’être généreux.

Ensuite, que les gens le soient ou pas, est une affaire de conscience individuelle. Mais ce n’est pas en les volant qu’on leur apprend la beauté du don.

Bien à vous
Christian

par zefdebruz » jeu. 12 mai 2005, 21:43

[align=justify]Est-ce que finalement le seul défaut dans la cuirasse d'un libéralisme acceptable, selon la définition et les contours qu'en donnent Christian, ne serait-il pas une dimension ontologique essentielle : le don gratuit, le don total de soi, sans nul retour à attendre.
Si Dieu était libéral il n'aurait jamais créé, se suffisant entièrement à Lui-même, puisqu'il n'est pas seul (Dieu Trinitaire) , Parfait, et comblé en tout. Le seul motif de la Création, et de l'Homme son sommet, est le surcroît débordant d'Amour le poussant à partager Sa Gloire et sa Joie.
Notre Dieu est un Dieu qui se donne, qui n'achète ni ne vend. :)[/align]

par guelfo » jeu. 12 mai 2005, 18:54

Charles a écrit :
Christian a écrit :
Que non. Ce serait autodestructeur, car de quelle autorité alors se réclamerait le libéralisme lui-même ?

D'aucune autorité mais du pouvoir du plus fort. La hiérarchie politique ou dans l'entreprise est une protection de l'individu contre l'écrasement qui le guette dans la mêlée des rivalités.
Charles, tu ne sais visiblement pas ce qu'est le libéralisme. Le grand combat libéral est l'état de droit, et donc précisément la délimitation du pouvoir.
Christian a écrit :Plus une société est libérale, plus elle vibre, se densifie ; libérée de la relation hiérarchique du politique, elle est irriguée d’une infinité horizontale d’associations, entreprises, syndicats, clubs, églises, où chacun reconnaît une autorité par le fait même de s’y agréger.
Les sociétés les plus libérales : New-York, Londres, Berlin, Paris... sont pleines de célibataires stériles et dépressifs épuisés par une compétition dont le but est le pouvoir, c'est-à-dire le pouvoir d'achat.
Bravo pour la caricature. Dis-moi, quelle société non-libérale as-tu à nous donner en exemple ?
Christian a écrit : Tu confonds antériorité et supériorité. Il n’existe pas d’individus hors d’une société. Cela ne veut pas dire que la société soit supérieure à l’individu ni que ce dernier lui soit asservi. « L’homme n’est pas fait pour le sabbat ». Par ailleurs, le libéralisme, n’a pas vocation à remplacer l’Eglise, il ne lui appartient simplement pas de poser la question de Dieu.
L'antériorité implique une certaine supériorité. Et même l'autorité se fonde en partie sur cette antériorité... "Avant les siècles, Je Suis"... Pour aller au fond de cette question, nous devrions faire l'analyse du terme grec "archè", le commencement qui gouverne, qui commande ce qui vient après lui.

Il n'est pas question de souhaiter que la société asservisse l'individu mais de lui reconnaître sa légitime supériorité, non pas supériorité absolue ce qui serait du totalitarisme mais supériorité inscrite dans la nature humaine elle-même, car la société est la relation humaine. Et il serait absurde de concevoir l'homme comme un individu délié de toutes les exigences de la relation humaine.
Je ne comprends pas ta logique; d'abord, pourquoi l'antériorité impliquerait-elle la supériorité ? Ca n'a pas de sens. De la même manière, ce n'est pas parce que l'homme vit en société que la société, qui après tout n'est qu'un concept, lui serait supérieure. D'ailleurs, ça me semble contraire à la tradition chrétienne qui met l'individu face à son créateur.
Christian a écrit : Au contraire. Dans la mesure où une conduite humaine n’est plus dictée par le pouvoir politique, elle est renvoyée aux autorités morales, églises, sages, parents, qui peuvent et doivent informer notre conscience morale.
Elle est renvoyée d'abord et presque exclusivement à la télévision et au médias :

Pour la dixième année consécutive, l’institut de sondage « Eurodata Worldwilde TV » rend public son rapport annuel. Sur les 2,5 milliards de téléspectateurs dans le monde, ce sont les Américains qui regardent le plus la télévision : 4 heures et 25 minutes par jour, et par personne ! L’Europe figure en deuxième position avec une moyenne de 3 heures 30 de télé quotidienne.

S'il s'agit d'une autorité, elle est complètement immorale, n'exprimant que des impératifs catégoriques du genre "Just do it" (quoi d'ailleurs, acheter des chaussures ?) ou "C'est ça !" (quoi, le bonheur ? boire du soda ?)...
Une fois de plus, tu caricatures. Ton argument est en fait un argument contre la liberté: si les gens sont libres, ils pourront faire des choses qui me déplaisent.
Christian a écrit : Encore une fois, affirmation gratuite. Esthétiquement, la plupart des libéraux sont diantrement conservateurs, et j’ai beaucoup de mal à arracher mes amis idéologiques à Carolus Duran et à Bouguerau.
L'art contemporain, obsédé par l'avant-gardisme, manifeste l'incapacité à admettre qu'on est précédé, dépassé et qu'on puisse s'inscrire avec bonheur dans une histoire culturelle (voir Harold rosenberg, Jean-Phillipe Domecq et Jean clair), d'où l'expression "la tradition du nouveau" ou de la rupture.
Quel lien avec le libéralisme ? :blink:
Christian a écrit : Juste, car la morale qui devient législation cesse d’être morale. Elle n’est plus obéie en conscience, mais par crainte de la répression (sauf par ceux qui lui obéissaient déjà et pour qui la législation était donc inutile).
Pas du tout, la morale devient aussi législation pour ceux qui ne peuvent se comporter correctement sans risque d'une sanction. Ce n'est pas parce que tels ou tels principes moraux sont inscrits dans la loi que soudainement, je ne les reconnaîtrais plus comme bons en conscience mais seulement par crainte de la répression. Par contre, pour celui qui serait tenté de se ficher complètement de respecter mes biens, ma santé, mes enfants, etc. et d'agir en conséquence, cela change peut-être quelque chose.

Et avant cela, l'inscription dans la loi de principes moraux manifeste que la société à laquelle j'appartiens les reconnaît comme "nos" valeurs communes, les valeurs de notre vie commune, la morale regardant d'abord le comportement dans la relation humaine, société ou communauté.
Voir ce que je répondais à VR.
Christian a écrit :La liberté d’action des entreprises est inscrite dans la reconnaissance de la propriété privée.
Oui mais cette liberté ne peut être sans limites : les conditions de travail imposées aux ouvriers européens au XIX° siècle ou aujourd'hui dans le tiers-monde sont abusives.
Précisément, l'explosion capitaliste a très rapidement permis de dépasser ce stade et d'améliorer le niveau de vie général, parce qu'il ne peut y avoir de production sans clients.
Christian a écrit : Que je sache, les mesures policières, et même militaires, ne sont pas le seul fait des Etats totalitaires. Or, elles sont dirigées trop souvent contre des gens pacifiques, qui n’ont commis d’autre crime que de vouloir vivre ‘autrement’.
Oui enfin, cela n'est pas le cas en Europe aujourd'hui. L'Etat de droit est une conquête, il ne faut pas exagérer non plus : "ton trop souvent" et ton "contre des gens pacifiques" me paraissent un peu fantasmés. Le "pacifisme" des petits et grand délinquants doit être une notion nouvelle. ;-)
Je crois que toute analyse dépassionnée du comportement de l'état français, et des autres d'ailleurs, montre que Christian a parfaitement raison. Songe par exemple au soutien français aux génocidaires rwandais. Songe aux Algériens assassinés en plein Paris et en parfaite impunité pendant la guerre d'Algérie. Etc, etc.
Christian a écrit : Raisonnement tautologique. Si tu y consens, tu ne subis pas de violence. Les libéraux pensent simplement que le reflux de la politique permet à ceux qui ne sont pas d’accord entre eux de néanmoins vivre en paix.
Choisir et consentir ne sont pas la même chose. Bien que je consente à être déterminé par ma naissance, à avoir une langue maternelle, etc. et à être précédé par la grâce, je ne les ai pas choisis et donc je pourrais considérer que ce sont des violences qui me sont faites absolument. Un certain existentialisme défend cette possibilité, que ma liberté implique que je ne sois pas même précédé par une nature humaine déterminée.
Que tu consentes ou non à ta condition personnelle n'a aucune espèce d'importance dès lors que tu n'as pas le choix. Cela n'a aucun intérêt de parler de liberté dans ce contexte, elle n'a un sens que si tu as le choix.
Christian a écrit :Je ne vois ce que « la possibilité de conflits éventuels » a d’attrayant.
Penser qu'on puisse arriver à un rapport de l'Eglise et du monde exempt de conflits me paraît complètement utopique. Les conflits sont faits pour être résolus.
Christian a écrit : Il n’y a que le pouvoir, pas l'autorité, qui soit à contester. Car c’est lui qui peut imposer sa loi, même aux dissidents.

Contrairement à ceux d’un pouvoir, les dissidents d’une autorité, entreprises, église, association, discutent bien sûr, mais ne contestent pas. S'ils sont en désaccord irrémédiable, ils deviennent tout simplement les clients, fidèles ou membres d‘une autre entreprise, église ou association.
J'ai plutôt le sentiment d'une crise générale de l'autorité qui accompagne d'ailleurs une crise de pouvoir (voir les articles et essais récurrents sur "La France est-elle gouvernable ?")

Mais l'enjeu me semble, au fond, bien plus celui de l'autorité que du pouvoir. Je pense qu'on vit dans le "Je Me mets par-dessus tout" de Max Stirner et le "Il est interdit d'interdire" de Mai 68, c'est-à-dire dans la négation pure et simple de l'autorité.
C'est tout à fait exact, mais je ne vois pas le rapport avec le libéralisme, plutôt avec un certain socialisme "libertaire", qui remplace l'arbitraire du chef par celui de chaque trouffion.

par Charles » jeu. 12 mai 2005, 18:34

Christian a écrit :
La critique des libéraux porte sur la possibilité et la légitimité même de l'autorité, quelle qu'elle soit

Que non. Ce serait autodestructeur, car de quelle autorité alors se réclamerait le libéralisme lui-même ?

D'aucune autorité mais du pouvoir du plus fort. La hiérarchie politique ou dans l'entreprise est une protection de l'individu contre l'écrasement qui le guette dans la mêlée des rivalités.
Christian a écrit :Plus une société est libérale, plus elle vibre, se densifie ; libérée de la relation hiérarchique du politique, elle est irriguée d’une infinité horizontale d’associations, entreprises, syndicats, clubs, églises, où chacun reconnaît une autorité par le fait même de s’y agréger.
Les sociétés les plus libérales : New-York, Londres, Berlin, Paris... sont pleines de célibataires stériles et dépressifs épuisés par une compétition dont le but est le pouvoir, c'est-à-dire le pouvoir d'achat.
Christian a écrit :
Parce que le libéralisme est un individualisme, parce qu'il récuse toute antériorité sur l'individu, de la société, de Dieu...
Tu confonds antériorité et supériorité. Il n’existe pas d’individus hors d’une société. Cela ne veut pas dire que la société soit supérieure à l’individu ni que ce dernier lui soit asservi. « L’homme n’est pas fait pour le sabbat ». Par ailleurs, le libéralisme, n’a pas vocation à remplacer l’Eglise, il ne lui appartient simplement pas de poser la question de Dieu.
L'antériorité implique une certaine supériorité. Et même l'autorité se fonde en partie sur cette antériorité... "Avant les siècles, Je Suis"... Pour aller au fond de cette question, nous devrions faire l'analyse du terme grec "archè", le commencement qui gouverne, qui commande ce qui vient après lui.

Il n'est pas question de souhaiter que la société asservisse l'individu mais de lui reconnaître sa légitime supériorité, non pas supériorité absolue ce qui serait du totalitarisme mais supériorité inscrite dans la nature humaine elle-même, car la société est la relation humaine. Et il serait absurde de concevoir l'homme comme un individu délié de toutes les exigences de la relation humaine.
Christian a écrit :
Individuellement, ce refus se traduit par une revendication d'indépendance absolue vis-à-vis d'une quelconque autorité morale ;
Au contraire. Dans la mesure où une conduite humaine n’est plus dictée par le pouvoir politique, elle est renvoyée aux autorités morales, églises, sages, parents, qui peuvent et doivent informer notre conscience morale.
Elle est renvoyée d'abord et presque exclusivement à la télévision et au médias :

Pour la dixième année consécutive, l’institut de sondage « Eurodata Worldwilde TV » rend public son rapport annuel. Sur les 2,5 milliards de téléspectateurs dans le monde, ce sont les Américains qui regardent le plus la télévision : 4 heures et 25 minutes par jour, et par personne ! L’Europe figure en deuxième position avec une moyenne de 3 heures 30 de télé quotidienne.

S'il s'agit d'une autorité, elle est complètement immorale, n'exprimant que des impératifs catégoriques du genre "Just do it" (quoi d'ailleurs, acheter des chaussures ?) ou "C'est ça !" (quoi, le bonheur ? boire du soda ?)...
Christian a écrit :
[ce refus se traduit ] esthétiquement par ce qu'Harold Rosenberg appelait la tradition du nouveau ;
Encore une fois, affirmation gratuite. Esthétiquement, la plupart des libéraux sont diantrement conservateurs, et j’ai beaucoup de mal à arracher mes amis idéologiques à Carolus Duran et à Bouguerau.
L'art contemporain, obsédé par l'avant-gardisme, manifeste l'incapacité à admettre qu'on est précédé, dépassé et qu'on puisse s'inscrire avec bonheur dans une histoire culturelle (voir Harold rosenberg, Jean-Phillipe Domecq et Jean clair), d'où l'expression "la tradition du nouveau" ou de la rupture.
Christian a écrit :
[ce refus se traduit ] politiquement, par une revendication d'absolue originalité de la législation dans l'indépendance totale vis-à-vis de toute morale ; économiquement, par la revendication d'absolue liberté d'action des entreprises.
Juste, car la morale qui devient législation cesse d’être morale. Elle n’est plus obéie en conscience, mais par crainte de la répression (sauf par ceux qui lui obéissaient déjà et pour qui la législation était donc inutile).
Pas du tout, la morale devient aussi législation pour ceux qui ne peuvent se comporter correctement sans risque d'une sanction. Ce n'est pas parce que tels ou tels principes moraux sont inscrits dans la loi que soudainement, je ne les reconnaîtrais plus comme bons en conscience mais seulement par crainte de la répression. Par contre, pour celui qui serait tenté de se ficher complètement de respecter mes biens, ma santé, mes enfants, etc. et d'agir en conséquence, cela change peut-être quelque chose.

Et avant cela, l'inscription dans la loi de principes moraux manifeste que la société à laquelle j'appartiens les reconnaît comme "nos" valeurs communes, les valeurs de notre vie commune, la morale regardant d'abord le comportement dans la relation humaine, société ou communauté.
Christian a écrit :La liberté d’action des entreprises est inscrite dans la reconnaissance de la propriété privée.
Oui mais cette liberté ne peut être sans limites : les conditions de travail imposées aux ouvriers européens au XIX° siècle ou aujourd'hui dans le tiers-monde sont abusives.
Christian a écrit :
Comme je l'ai déjà dit, je défends une conception politique de la vie sociale, ni libérale, ni totalitaire. Ta remarque sur "les mesures policières" montre que tu ne conçois de société possible qu'appartenant à l'une de ce deux extrêmes.
Que je sache, les mesures policières, et même militaires, ne sont pas le seul fait des Etats totalitaires. Or, elles sont dirigées trop souvent contre des gens pacifiques, qui n’ont commis d’autre crime que de vouloir vivre ‘autrement’.
Oui enfin, cela n'est pas le cas en Europe aujourd'hui. L'Etat de droit est une conquête, il ne faut pas exagérer non plus : "ton trop souvent" et ton "contre des gens pacifiques" me paraissent un peu fantasmés. Le "pacifisme" des petits et grand délinquants doit être une notion nouvelle. ;-)
Christian a écrit :
Je reconnais une autorité morale et politique absolue de l'Eglise catholique, la nécessité d'un pouvoir politique temporel, et la possibilité de conflits éventuels entre les deux. J'appartiens à l'Eglise selon ma liberté et par une grâce, j'appartiens à une société temporelle particulière par ma naissance et j'y consens volontiers. Ces choses que je n'ai pas choisies ne me paraissent pas être nécessairement des violences qu'on me ferait et qui mériteraient que je m'insurge contre elles.
Raisonnement tautologique. Si tu y consens, tu ne subis pas de violence. Les libéraux pensent simplement que le reflux de la politique permet à ceux qui ne sont pas d’accord entre eux de néanmoins vivre en paix.
Choisir et consentir ne sont pas la même chose. Bien que je consente à être déterminé par ma naissance, à avoir une langue maternelle, etc. et à être précédé par la grâce, je ne les ai pas choisis et donc je pourrais considérer que ce sont des violences qui me sont faites absolument. Un certain existentialisme défend cette possibilité, que ma liberté implique que je ne sois pas même précédé par une nature humaine déterminée.
Christian a écrit :Je ne vois ce que « la possibilité de conflits éventuels » a d’attrayant.
Penser qu'on puisse arriver à un rapport de l'Eglise et du monde exempt de conflits me paraît complètement utopique. Les conflits sont faits pour être résolus.
Christian a écrit :
Ni que je doive contester l'autorité de l'Eglise, sous le seul prétexte qu'elle n'est qu'une autorité - pas un pouvoir - et donc qu'elle ne peut exister comme telle sans mon consentement.
Il n’y a que le pouvoir, pas l'autorité, qui soit à contester. Car c’est lui qui peut imposer sa loi, même aux dissidents.

Contrairement à ceux d’un pouvoir, les dissidents d’une autorité, entreprises, église, association, discutent bien sûr, mais ne contestent pas. S'ils sont en désaccord irrémédiable, ils deviennent tout simplement les clients, fidèles ou membres d‘une autre entreprise, église ou association.
J'ai plutôt le sentiment d'une crise générale de l'autorité qui accompagne d'ailleurs une crise de pouvoir (voir les articles et essais récurrents sur "La France est-elle gouvernable ?")

Mais l'enjeu me semble, au fond, bien plus celui de l'autorité que du pouvoir. Je pense qu'on vit dans le "Je Me mets par-dessus tout" de Max Stirner et le "Il est interdit d'interdire" de Mai 68, c'est-à-dire dans la négation pure et simple de l'autorité.

par sola » jeu. 12 mai 2005, 16:22

hum, "les catholiques"... en matière économique... vous me direz si st benoit labre, st françois d'assise, l'abbé pierre, sont des conservateurs...

une religieuse de jouarre disait dans un reportage: "ici, tout le monde travaille, selon ses capacités, jusqu'à la fin de sa vie, avec une tâche qui lui est adaptée, et c'est un message que nous aimons envoyer à la société d'aujourd'hui".

j'ai bcp aimé cela.
si chacun se voyait attribuer une tâche qu'il sait utile à sa communauté, pas néfaste à sa santé, pour laquelle il toucherait la rétribution dont il a besoin, avec la possibilité de proposer des changements et des améliorations évidemment (je ne parle pas du communisme, là!), la société serait vivable.
on en est loin. :(
je ne sais pas quel nom ça porte, cette idéologie. le jouarrisme... ;-)

par guelfo » jeu. 12 mai 2005, 16:18

J'applaudis des pieds et des mains à ce qu'à écrit Christian. Une nuance cependant :
Christian a écrit :
[ce refus se traduit ] politiquement, par une revendication d'absolue originalité de la législation dans l'indépendance totale vis-à-vis de toute morale ; (...)
Juste, car la morale qui devient législation cesse d’être morale. Elle n’est plus obéie en conscience, mais par crainte de la répression (sauf par ceux qui lui obéissaient déjà et pour qui la législation était donc inutile).
Si la loi et la morale sont en effet indépendants, cela n'implique pas que la loi soit arbitraire. En dernière analyse, le libéralisme se fonde en effet sur la reconnaissance du droit naturel. C'est un point essentiel de rencontre avec la doctrine de l'Eglise, et c'est précisément ici que se situe le plus grand désaccord avec le socialisme, qui postule la malléabilité du droit et de la société. Bien sûr, les libéraux qui se méfient du concept de droit naturel ne manquent pas; mais j'ai la faiblesse de croire que c'est parce qu'ils ne saisissent pas ce qu'est le droit naturel et qu'ils sont jusnaturalistes de la même manière que Monsieur Jourdain s'exprimait en prose.

par Christian » jeu. 12 mai 2005, 15:32

Cher Charles,
La question ici disputée ne porte pas sur le pouvoir mais sur l'autorité dans l'Eglise et en général

Oui.
La critique des libéraux porte sur la possibilité et la légitimité même de l'autorité, quelle qu'elle soit


Que non. Ce serait autodestructeur, car de quelle autorité alors se réclamerait le libéralisme lui-même ?

Plus une société est libérale, plus elle vibre, se densifie ; libérée de la relation hiérarchique du politique, elle est irriguée d’une infinité horizontale d’associations, entreprises, syndicats, clubs, églises, où chacun reconnaît une autorité par le fait même de s’y agréger.
Parce que le libéralisme est un individualisme, parce qu'il récuse toute antériorité sur l'individu, de la société, de Dieu...
Tu confonds antériorité et supériorité. Il n’existe pas d’individus hors d’une société. Cela ne veut pas dire que la société soit supérieure à l’individu ni que ce dernier lui soit asservi. « L’homme n’est pas fait pour le sabbat ». Par ailleurs, le libéralisme, n’a pas vocation à remplacer l’Eglise, il ne lui appartient simplement pas de poser la question de Dieu.
... et tout dépassement, c'est-à-dire toute hiérarchie, il est la négation radicale à la fois de l'insertion naturelle de l'homme dans la société et de tout rapport appaisé à Dieu et à l'Eglise.
Je ne sais d’où tu tires cette affirmation.
Individuellement, ce refus se traduit par une revendication d'indépendance absolue vis-à-vis d'une quelconque autorité morale ;
Au contraire. Dans la mesure où une conduite humaine n’est plus dictée par le pouvoir politique, elle est renvoyée aux autorités morales, églises, sages, parents, qui peuvent et doivent informer notre conscience morale.
[ce refus se traduit ] esthétiquement par ce qu'Harold Rosenberg appelait la tradition du nouveau ;
Encore une fois, affirmation gratuite. Esthétiquement, la plupart des libéraux sont diantrement conservateurs, et j’ai beaucoup de mal à arracher mes amis idéologiques à Carolus Duran et à Bouguerau.
[ce refus se traduit ] politiquement, par une revendication d'absolue originalité de la législation dans l'indépendance totale vis-à-vis de toute morale ; économiquement, par la revendication d'absolue liberté d'action des entreprises.
Juste, car la morale qui devient législation cesse d’être morale. Elle n’est plus obéie en conscience, mais par crainte de la répression (sauf par ceux qui lui obéissaient déjà et pour qui la législation était donc inutile).

La liberté d’action des entreprises est inscrite dans la reconnaissance de la propriété privée.
Comme je l'ai déjà dit, je défends une conception politique de la vie sociale, ni libérale, ni totalitaire. Ta remarque sur "les mesures policières" montre que tu ne conçois de société possible qu'appartenant à l'une de ce deux extrêmes.
Que je sache, les mesures policières, et même militaires, ne sont pas le seul fait des Etats totalitaires. Or, elles sont dirigées trop souvent contre des gens pacifiques, qui n’ont commis d’autre crime que de vouloir vivre ‘autrement’.
Je reconnais une autorité morale et politique absolue de l'Eglise catholique, la nécessité d'un pouvoir politique temporel, et la possibilité de conflits éventuels entre les deux. J'appartiens à l'Eglise selon ma liberté et par une grâce, j'appartiens à une société temporelle particulière par ma naissance et j'y consens volontiers. Ces choses que je n'ai pas choisies ne me paraissent pas être nécessairement des violences qu'on me ferait et qui mériteraient que je m'insurge contre elles.
Raisonnement tautologique. Si tu y consens, tu ne subis pas de violence. Les libéraux pensent simplement que le reflux de la politique permet à ceux qui ne sont pas d’accord entre eux de néanmoins vivre en paix. Je ne vois ce que « la possibilité de conflits éventuels » a d’attrayant.
Je n'ai pas le sentiment que la loi soit NECESSAIREMENT un viol de ma conscience.
Elle ne l’est pas lorsqu’elle sert tes intérêts ou tes convictions. Mais dans ce cas, l’unanimité étant rare, elle viole les intérêts ou les convictions d’un autrui. Précisément, ce qui me gêne. C’est d’ailleurs une raison pour laquelle je ne vote pas. Je ne me sens pas d’imposer un programme politique à des braves gens qui me font savoir par affiches et discours qu’ils n’en veulent pas. (J’aimerais d’ailleurs, par courtoisie, qu’ils me rendent la pareille et ne m’imposent pas le leur, de programme).
Ni que je doive contester l'autorité de l'Eglise, sous le seul prétexte qu'elle n'est qu'une autorité - pas un pouvoir - et donc qu'elle ne peut exister comme telle sans mon consentement.
Il n’y a que le pouvoir, pas l'autorité, qui soit à contester. Car c’est lui qui peut imposer sa loi, même aux dissidents.

Contrairement à ceux d’un pouvoir, les dissidents d’une autorité, entreprises, église, association, discutent bien sûr, mais ne contestent pas. S'ils sont en désaccord irrémédiable, ils deviennent tout simplement les clients, fidèles ou membres d‘une autre entreprise, église ou association.
De plus les rapports de force que suppose finalement le libéralisme me répugnent, car sans autorité c'est à cela qu'on arrive nécessairement : acheter, manipuler, écraser.
Non sequitur.

Bien à toi
Christian

par Charles » jeu. 12 mai 2005, 11:28

Cher Christian,
Christian a écrit :Je ne peux pas qualifier ta position , mon cher Charles, d’un autre mot que ‘libérale’. Il t’écorche la bouche, soit. Tu l’associes à la vulgarité et au lucre de l’économie capitaliste, soit encore. Tu y vois la dégradation des mœurs, l’éclatement des familles, l’irrespect de Dieu, soit toujours. Mais si je t’ai bien lu, tu es conscient qu’aucune mesure policière ne rendra les gens sobres et généreux, les couples harmonieux et féconds, ni ne remplira les églises.
La question ici disputée ne porte pas sur le pouvoir mais sur l'autorité dans l'Eglise et en général.

La critique des libéraux porte sur la possibilité et la légitimité même de l'autorité, quelle qu'elle soit.

Parce que le libéralisme est un individualisme, parce qu'il récuse toute antériorité sur l'individu, de la société, de Dieu... et tout dépassement, c'est-à-dire toute hiérarchie, il est la négation radicale à la fois de l'insertion naturelle de l'homme dans la société et de tout rapport appaisé à Dieu et à l'Eglise.

Individuellement, ce refus se traduit par une revendication d'indépendance absolue vis-à-vis d'une quelconque autorité morale ; esthétiquement par ce qu'Harold Rosenberg appelait la tradition du nouveau ; politiquement, par une revendication d'absolue originalité de la législation dans l'indépendance totale vis-à-vis de toute morale ; économiquement, par la revendication d'absolue liberté d'action des entreprises.

Comme je l'ai déjà dit, je défends une conception politique de la vie sociale, ni libérale, ni totalitaire. Ta remarque sur "les mesures policières" montre que tu ne conçois de société possible qu'appartenant à l'une de ce deux extrêmes. Ce n'est pas parce que je rejette le totalitarisme que je suis nécessairement libéral, car je conçois le totalitarisme comme une perversion de l'autorité, du pouvoir et de la société mais ne rejette aucun de ces trois-là. Je pense qu'il sont très nécessaires et qu'il est aussi pervers d'y renoncer complètement que de les pousser à l'extrême.
Christian a écrit :Donc tu es libéral.

Je ne le dis pas pour t’annexer à cette cause. Personne ne me paie pour en être le sergent recruteur. Mais depuis que nous bataillons sur ce sujet, je me suis demandé où se situait véritablement l’achoppement de nos positions. Je crois qu’il tient simplement à ceci, tu es d’accord d’être libéral, peut-être pas radical, peut-être pas pur et dur, mais tu ne veux pas en arborer l’étiquette.

Soit. Peu importe le flacon, pourvu qu’on ait l’ivresse.
Je ne suis donc pas libéral, loin de là. Je reconnais une autorité morale et politique absolue de l'Eglise catholique, la nécessité d'un pouvoir politique temporel, et la possibilité de conflits éventuels entre les deux. J'appartiens à l'Eglise selon ma liberté et par une grâce, j'appartiens à une société temporelle particulière par ma naissance et j'y consens volontiers. Ces choses que je n'ai pas choisies ne me paraissent pas être nécessairement des violences qu'on me ferait et qui mériteraient que je m'insurge contre elles. Je n'ai pas le sentiment que la loi soit NECESSAIREMENT un viol de ma conscience. Ni que je doive contester l'autorité de l'Eglise, sous le seul prétexte qu'elle n'est qu'une autorité - pas un pouvoir - et donc qu'elle ne peut exister comme telle sans mon consentement. De plus les rapports de force que suppose finalement le libéralisme me répugnent, car sans autorité c'est à cela qu'on arrive nécessairement : acheter, manipuler, écraser.

par Charles » mer. 11 mai 2005, 15:25

Bonjour Christian :) ,
Christian a écrit :Le monde d’après la Chute est ainsi corrompu que les projets des uns ne peuvent pas toujours être favorables aux autres (ou leur apparaître tel). Un prof facétieux proposait à ses élèves la dissertation suivante : « Vous analyserez du point de vue du ver de terre le distique suivant de l’Athalie de Racine :
Aux petits des oiseaux, [Dieu] donne la pâture
Et Sa bonté s’étend à toute la nature ».

Il faut donc une règle d’arbitrage entre des intérêts différents. Ce peut être la loi du plus gros gourdin, comme le revendique Callicles, dans le dialogue de Platon que Charles évoque ci-dessus. Ou celle de la naissance, selon Hobbes, par ex. Ou celle des plus nombreux, comme Rousseau.
Dans le Gorgias, c'est l'émergence consciente de ce qu'on appelle aujourd'hui l'Etat de droit, et même de la civilisation qui se comprend elle-même comme réalité politique et juridique.
Christian a écrit :Contre eux tous, les libéraux réservent à chaque être humain une sphère de souveraineté (son corps et ses biens) au sein de laquelle il peut agir comme il l’entend (en ayant pris conseil des sages et des experts), sans empiéter sur la sphère d’autrui.
La position de Calliclès est celle de la barbarie et de la tyrannie. Parce que justement il comprend sa place dans la communauté humaine comme "une sphère de souveraineté (son corps et ses biens)" sans reconnaître de souveraineté politique antérieure et supérieure à lui, immédiatement il se trouve dans la démarche de s'assurer lui-même la défense de cette sphère : immédiatement il arrive à la conclusion que seul le tyran est à l'abri, que seul celui qui domine et écrase tous les autre garantit sa sphère individuelle de souveraineté contre les empiètement possibles des autres. Car pour être cohérent, c'est la possibilité seule d'un empiètement qui suffit à justifier cette escalade fulgurante des moyens de garantie et de défense menant à l'apologie de la tyrannie. Calliclès défend la privatisation de la police, de l'armée, des tribunaux, des prisons... son idéal est la féodalité, où l'individu le plus fort s'assure lui-même de sa sécurité, dans sa place forte personnelle, entouré de sa garde personnelle... la dimension paranoïaque de son expérience de la vie sociale crève les yeux...

par guelfo » mer. 11 mai 2005, 11:12

Charles a écrit :
guelfo a écrit : Ne pas accepter une autorité qui prétend s'étendre à des domaines où elle n'a aucune compétence, c'est tout ce que tu veux, mais ce n'est pas de l'ignorance.
Tu mélanges deux sens du mot "compétence" : connaissance et légitimité. Dans quels domaines l'Eglise n'aurait donc "aucune" de ces compétences ? Connaissance ou légitimité ?
L'Eglise n'a pas à défendre tel ou tel régime économique ou politique. Elle n'a pas l'expertise nécessaire, et ce n'est pas son rôle, sauf lorsque les effet pervers de ces régimes s'étendent à des domaines qui ressortent de sa compétence, comme cela a été le cas des totalitarismes nazi et communistes.
guelfo a écrit : En matière spirituelle.
Elle a donc condamné le communisme en abusant de son autorité qui n'aurait du être que "spirituelle" ?
Le communisme est anti-religieux, fondé sur le vol, et surtout extraordinairement meurtrier (près de 100.000.000 de morts).

Il ne s'agit pas d'une simple doctrine politique et/ou économique, il s'agit d'une idéologie ennemie du genre humain et de la civilisation. L'Eglise avait donc le devoir de la condamner.

Si je peux comprendre qu'on oppose le libéralisme au socialisme, mettre le libéralisme au même plan que le communisme ressort de la mauvaise foi la plus crasse.
guelfo a écrit :Je ne partage pas le dolorisme qui consiste à estimer qu'une autorité n'est juste que si elle te "coûte". :cool:
Merci de montrer où tu as trouvé une telle idée dans mon message... ;-)
:lol:
guelfo a écrit :Remarque d'ailleurs que le corollaire de mon point de vue est que je te reconnais comme catholique, ainsi qu'Aramis d'ailleurs, bien que vous soyez des adversaires politiques. Le contraire ne semble pas être vrai en ce qui te concerne. Qui est le plus "catholique", au sens étymologique de ce mot ?

CEC 837 " Sont incorporés pleinement à la société qu’est l’Église ceux qui, ayant l’Esprit du Christ, acceptent intégralement son organisation et tous les moyens de salut institués en elle, et qui, en outre, grâce aux liens constitués par la profession de foi,les sacrements, le gouvernement ecclésiastique et la communion, sont unis, dans l’ensemble visible de l’Église, avec le Christ qui la dirige par le Souverain Pontife et les évêques. L’incorporation à l’Église, cependant, n’assure pas le salut pour celui qui, faute de persévérer dans la charité, reste bien ‘de corps’ au sein de l’Église, mais non ‘de cœur’ "(LG 14).
Que veux-tu dire ?

par Christian » mer. 11 mai 2005, 8:45

Je ne peux pas qualifier ta position , mon cher Charles, d’un autre mot que ‘libérale’. Il t’écorche la bouche, soit. Tu l’associes à la vulgarité et au lucre de l’économie capitaliste, soit encore. Tu y vois la dégradation des mœurs, l’éclatement des familles, l’irrespect de Dieu, soit toujours. Mais si je t’ai bien lu, tu es conscient qu’aucune mesure policière ne rendra les gens sobres et généreux, les couples harmonieux et féconds, ni ne remplira les églises.

Donc tu es libéral.

Je ne le dis pas pour t’annexer à cette cause. Personne ne me paie pour en être le sergent recruteur. Mais depuis que nous bataillons sur ce sujet, je me suis demandé où se situait véritablement l’achoppement de nos positions. Je crois qu’il tient simplement à ceci, tu es d’accord d’être libéral, peut-être pas radical, peut-être pas pur et dur, mais tu ne veux pas en arborer l’étiquette.

Soit. Peu importe le flacon, pourvu qu’on ait l’ivresse.

Skol !
Christian

par Christian » mer. 11 mai 2005, 7:30

Bonjour Zefdebruz,

Le monde d’après la Chute est ainsi corrompu que les projets des uns ne peuvent pas toujours être favorables aux autres (ou leur apparaître tel). Un prof facétieux proposait à ses élèves la dissertation suivante : « Vous analyserez du point de vue du ver de terre le distique suivant de l’Athalie de Racine :
Aux petits des oiseaux, [Dieu] donne la pâture
Et Sa bonté s’étend à toute la nature ».

Il faut donc une règle d’arbitrage entre des intérêts différents. Ce peut être la loi du plus gros gourdin, comme le revendique Callicles, dans le dialogue de Platon que Charles évoque ci-dessus. Ou celle de la naissance, selon Hobbes, par ex. Ou celle des plus nombreux, comme Rousseau.

Contre eux tous, les libéraux réservent à chaque être humain une sphère de souveraineté (son corps et ses biens) au sein de laquelle il peut agir comme il l’entend (en ayant pris conseil des sages et des experts), sans empiéter sur la sphère d’autrui.

Charlotte refuse donc légitimement l’amour de Werther, même si ce dernier en mourra. C’est tragique, mais pourquoi n’épouserait-elle pas l’homme qu’elle aime ? quelle autre règle lui imposer pour disposer de son corps ? Octave Mouret ouvre donc légitimement son grand magasin Au Bonheur des Dames, même s’il ruine les petits commerces déjà installés. C’est tragique, mais quelle autre règle lui imposer pour disposer de ses biens ? pourquoi n’aurait-il pas le droit lui aussi d’offrir ses idées et ses produits aux clients ?

En ce qui concerne le libéralisme, nous butons souvent sur des problèmes de sens, de concept,et de sémantique, d'où viennent tous les malentendus: ce que l'Eglise condamne ce n'est certainement pas la liberté d'entreprendre et de produire de la richesse en vue du bien commun, mais elle condamne une forme de libéralisme qui ne place pas l'homme au centre de l'économie, […]
le marché existe pour l'homme et non l'inverse
Pour répondre à votre souci de définition, Guelfo a fait une topographie de la question dans un article récent (je n’ai pas le temps juste maintenant de le retrouver) et il n’y a rien à ajouter. Aucun libéral ne niera que « le marché soit fait pour l’homme ». Mais aucune législation, quelle qu’elle soit, ne pourra réconcilier les intérêts et les passions. C’est la condition humaine. C’est l’échec annoncé de tout projet politique. Seul l’amour parvient à cette réconciliation. Or justement, il échappe à toute politique.

Cordialement
Christian

par Charles » mer. 11 mai 2005, 1:23

Christian a écrit :Comment concilies-tu ces citations que tu nous proposes
L'autorité exclut l'usage de moyens extérieurs de coercition ; là où la force est employée, l'autorité proprement dite a échoué…
.. à la différence du judaïsme et de l'Islam, [l’Eglise catholique] n'apporte pas une loi censée régir positivement toutes les actions des hommes dans la cité
avec ton affirmation
L'Eglise catholique a la pleine légitimité à condamner par exemple le communisme et à le qualifier d'intrinsèquement pervers, même chose pour le libéralisme moral et politique
Mais ne vois-tu pas que la question ne porte pas sur le pouvoir (coercition) mais sur l'autorité. S'il ne s'agissait que de dire" l'Eglise n'a pas de pouvoir en matière politique ou économique", je pense que tout le monde serait d'accord. Elle-même ne prétend pas à un tel pouvoir ("Mon Royaume n'est pas de ce monde."), mais par contre elle a une autorité légitime et même absolue en matière morale et politique. Car comment la parole du Christ pourrait-elle être vaine et sans portée pour ces domaines qui sont ceux de la relation humaine ? L'homme se perd-il en construisant des moteurs qui tombent en panne ou robinets qui fuient ? Non, il se perd en péchant contre Dieu et les hommes, dans la relation humaine.

De plus l'autorité dans l'Eglise correspond pleinement à la conception décrite par Hannah Arendt, car c'est une autorité établie sur la foi, c'est-à-dire la liberté, et où "chacun reconnaît la justesse et la légitimité et où tous deux ont d'avance leur place fixée".
Christian a écrit :Le libéralisme est la seule pensée politique qui exclut ‘l’usage de moyens extérieurs de coercition’, précisément pour laisser des ‘autorités’ concurrentes s’exprimer dans la société. Et s’il n’y avait pas d’autorités concurrentes, nous serions dans la position du judaïsme primitif et de l’Islam de toujours, celle que tu dénonces avec Pierre Manent, d’une ‘loi qui régirait positivement toutes les actions des hommes dans la cité’.
Ce sont surtout des pouvoirs concurrents qui s'y affrontent, c'est très différent.
Christian a écrit :L’Eglise ne peut pas condamner le libéralisme (et elle ne le fait d’ailleurs pas – ou plus) sans prétendre, soit imposer un ordre moral, qui serait renier la mission même du Christ, soit, en exerçant le pouvoir et en n’imposant pas cet ordre moral, devenir complice de ceux qui vivent en dehors de l’Eglise, des pornographes aux parpaillots.
Ce qui s'oppose à l'ordre moral n'est pas un joyeux désordre, c'est un ordre contraire, l'ordre immoral. Je renvoie au Gorgias de Platon et à la discussion entre Socrate et Calliclès :

"Pindare d'ailleurs, j'en ai bien l'impression, exprime les mêmes idées que moi dans l'ode où il parle de "la loi, reine du monde, des êtres mortels et des dieux immortels" ; et justement, cette loi, dit-il "conduit le monde d’une main souveraine, pour justifier la plus extrême violence ; j'en veux pour preuve les travaux d'Héraclès : sans rien payer..." - c'est à peu près ce qu'il dit, je ne connais pas l'ode par coeur - ; en tout cas, il dit qu'Héraclès a pris avec lui les boeufs de Géryon, sans avoir payé Géryon, sans que celui-ci, non plus, lui en ait fait cadeau, certain que c'est bien là le droit de la nature, que les boeufs et tous les autres biens des êtres inférieurs et plus faibles appartiennent en entier à l'homme qui leur est supérieur en force et en qualité." (Calliclès, 484b)

Enfin, comme le dit très justement Zefdebruz, la doctrine sociale de l'Eglise n'est pas une troisième voie. Elle ne propose pas une organisation sociale particulière qu'elle voudrait voir appliquer ; je le répète il ne s'agit pas de pouvoir mais d'autorité, et là, il est parfaitement légitime qu'elle affirme, selon ses principes, la perversité ou les dérives de tel ou tel système d'organisation sociale.

par zefdebruz » mar. 10 mai 2005, 22:45

[align=justify]Christian,

Que mettez vous concrètement derrière l'expression " ordre moral" ? Il me semble que l'Eglise n'impose pas l'ordre moral mais le prêche comme condition nécessaire du bien commun, tout en respectant notre liberté...

Je ne vois pas rien de péjoratif dans l'idée d'ordre ( sauf quand l'ordre est "donné" ou lorsqu'il n'est pas "consenti" ), et à partir de là je préfère que l'ordre des choses soit moral, plutôt qu'immoral ou amoral. Ce qu'il est d'ailleurs intrinsèquement et naturellement par la grâce et la Sagesse de Dieu ! :)

En ce qui concerne le libéralisme, nous butons souvent sur des problèmes de sens, de concept,et de sémantique, d'où viennent tous les malentendus: ce que l'Eglise condamne ce n'est certainement pas la liberté d'entreprendre et de produire de la richesse en vue du bien commun, mais elle condamne une forme de libéralisme qui ne place pas l'homme au centre de l'économie, je parle d'homme en tant que personne créée à l'image et à la ressemblance de Dieu, non pas un homo economicus facteur de production ( ou d'épargne, ou de consommation ). De même que le Shabbat a été créé pour l'homme, nous pourrions paraphraser en disant que le marché existe pour l'homme et non l'inverse.

La Doctrine Sociale de l'Eglise, encore une fois, n'est pas une sorte de troisième voie, l'Eglise ne propose pas de "modèle" économique, mais elle donne les balises, les bornes et l'éclairage nécessaire pour que le modèle choisi, soit non seulement vivable, mais fasse grandir l'homme, sous le regard de Dieu, dans la société qu'il se construit.

Bien à vous.[/align]

par Christian » mar. 10 mai 2005, 22:36

Contrairement à Guelfo et Gaudeamus, je reconnais pleinement à l’Eglise une compétence et une autorité en matière économique. Elle ne sort pas de son domaine en recommandant aux êtres humains quel usage de leur capital humain et matériel les fera grandir et leur apportera, et à leur communauté, les satisfactions les plus profondes.

Je reconnais cette autorité pour moi. Je respecte la même autorité des ayatollahs, rabbins et autres gourous pour dire à leurs fidèles comment eux doivent se comporter dans le monde économique. Eux. Car ne partageant pas leur foi, je ne me considère pas lié par leurs prescriptions.

J’avouerai même ma sympathie pour l’idéal communiste, parfaitement compatible, comme je l’ai écrit sur un autre fil, avec le libéralisme. Ceux qui veulent mettre en commun leurs moyens de production, partager également leur revenu, renoncer à leur héritage, doivent pouvoir le faire. Entre eux. Merci de ne pas m’inclure.

Le libéralisme est simplement le système qui permet la compatibilité de tous ces engagements. Ceux qui ne correspondent pas à la ‘loi naturelle’, si l’on veut utiliser ce concept, recruteront moins, disparaîtront ou se régénèreront. La seule alternative au libéralisme est d’imposer un de ces modes de vie et d’interdire les autres.

Même si c’est le mien qui est ainsi imposé (et si ça ne l’était pas ?), ce n’est pas par cette violence que je veux le voir triompher.

Christian

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