Bonjour PaxetBonum,
Je comprends d’autant mieux votre position qu’elle fut longtemps la mienne et celle de la majorité des catholiques, d’ailleurs. Toutefois, je n’ai jamais cru que les naturistes « croyaient rétablir etc.. » pour la bonne raison que c’était leur prêter une référence catho que je ne pensais pas être la leur (j’étais parfois à la limite du dénigrement) et sinon, cela me semblait être juste une façon de répondre à nos accusations qui tournait court en utilisant nos concepts. Je le pense toujours maintenant que je les connais, et j’ai rarement entendu cet argument nommé parmi eux.
Si la nudité peut-être source de tentation (donc de péché) suite au péché originel, vous conviendrez que le corps en lui-même et sa nudité n’y sont pour rien : le responsable est le regard, ou plus exactement l’âme de celui qui regarde.
C’est le même débat qu’a mené Jésus à propos de ce qui souille le corps (il était question d’hygiène, d’aliment et de coeur), et qui ne vient pas de l’extérieur mais de l’intérieur, il suffit de transposer. Or pour que ce regard (le cœur) pèche, il suffit d’un sourire, d’un visage, d’une chute de rein, d’une chevelure, d’un galbe de sein ou de fesse ou de…, bref la nudité n’y est pas nécessaire et n’y ajoute rien.
Si l’on compare la nudité intégrale (je ne parle pas de celle sophistiquée et mise en scène par la pub ou des films) à celle que notre société a banalisée par les maillots de bain, permettez-moi de penser que l’effet est plutôt le contraire : la vue d’un sexe n’a rien de très excitante en soi, ce serait là encore plutôt le contraire (les naturistes ne sont pas en érection). Une poitrine féminine est bien plus excitante quand il y a un bas monokini, voire un haut, que quand la femme est nue et qu’elle ne saute plus aux yeux mais se moule et se fond dans l’harmonie générale du corps. Idem pour des fesses « habillées » (souvent moulées ou mises en valeur). Faites le test avec votre femme, si vous êtes marié… Le fait de voir l’ensemble relativise les qualités des parties qui provoquent le désir coupable, et favorise la simple contemplation du vrai, voire du beau telle que l’a exprimée Mulher et rappelé par Grégory.
Saint Augustin, de par son passé de luxure, a jouis d’une certaine autorité en la matière qui appartient à ces théologiens ayant suscité cette vision de honte liée aux parties sexuelles. Or que dit-il lui-même quand il cherche à l’expliquer ? Je le cite :
« Il est écrit en effet : « ils étaient nus et n’en rougissaient pas » (gen, 2, 25), non que leur nudité leur fut inconnue, mais elle n’était pas encore honteuse. Le temps n’était pas encore venu où la passion mettrait en mouvement ces membres en dehors de la volonté, où la désobéissance de l’homme aurait à entendre le reproche que la chair exprime silencieusement par sa désobéissance. »
Il est donc clair, sauf pour ceux qui voulaient déjà critiquer et ne trouvaient pas de prétexte, que ces mots se situent en quelque sorte au-dessus du lot qu’ils accablent, lui prêtant une symbolique supérieure qu’ils désignent comme devenue inaccessible et dont ils gardent une coupable nostalgie.
On en a fait le rêve des naturistes… Mais ils supposent une théorie et y référent. Or, trêve de mélancolie, quand il s’agit de vivre ici et maintenant, ils n’ont plus d’autre sens que celui d’une exhortation à se souvenir pour ne plus recommencer (le péché) vu ses conséquences désastreuses.
Sauf que leur signification et ce point de vue dégrade l’œuvre de Dieu, Lui adresse un reproche (l’état naturel serait une tentation pour autrui ?) alors que leur intention est manifestement et seulement de nous inviter à ne plus permettre de telles ou une telle rétrogradation (c’est un jeu dangereux que de jouer sur cette corde là… ! Car c’est nier ou douter de la capacité restauratrice de Dieu… Bouder presque son pardon et sa providence.)
Par ailleurs, ce « reproche que la chair exprime silencieusement par sa désobéissance » ne concerne pas la chair en tant que telle, mais le désir mauvais, donc l’âme. La confusion entre ce que désigne le mot « chair » dans la bible a été la cause de bien des erreurs et malentendus.
L’ascèse châtiait le corps, l’affaiblissait, or en le rendant moins fort on ne le rendait pas plus fort face aux tentations, ce n’est pas vrai et c’est même le contraire !
Quant à l’effet rédempteur (par association) de la souffrance, il y en a une à renforcer le corps (et qui lutte aussi contre la paresse et développe bien des qualités pas que physiques) et qui présente un vrai but (car aucune de ces ascèses n’a osé aller jusqu’à l’amputation préconisée par les évangiles, qu’elles considéraient comme offensante (pour eux ou pour Dieu) !
Le corps au contraire, naturellement, « résiste » au mal. Tout excès affaiblit le plaisir et peut provoquer des maladies. Le corps nous le fait bien sentir quand nous mangeons trop, buvons trop, nous soûlons de trop de musiques ou de parfums, un massage qui dépasse une heure/une heure trente ne suscite plus rien : nos sens sont saturés et ne « captent » plus… Nos sentiments négatifs affectent nos organes (la médecine chinoise ou ayurvédique ou tant d’autres holistiques le savent et qui ont fait preuve de leur efficacité.)
Quand plutôt que trop, il s‘agit de « moins », même constat : car notre intelligence même se développe par le biais des stimulations sensorielles.
Il convient de le respecter, le nôtre autant que celui des autres, et de les voir ces corps avec le regard adéquat y participe et y contribue.
Et cela donne tant de bonheur que changer cela pour adopter un regard concupiscent représente une perte, et non quelque chose d’aussi désirable.
Le regard pervers finit par disparaître (se baisser) quand ce qu’il regarde soutient son regard au lieu de l’esquiver, ne l’évite pas mais le sature, et qu’un autre regard l’observe et le toise en profondeur. Il est comme obligé de se confesser ou doit se masquer au point d’en perdre la raison qui le poussait à exister puisque tout est offert (principe évangélique : donner plus que ce qui nous est demandé…même à un voleur, donc si péché : la responsabilité ne se joue donc pas dans ce sens !).
Notre peau est plus forte que nous ou que notre regard (lequel peut se concentrer sur le mal perçu en l’autre qui ne peut plus se cacher et le foudroyer) pour résister aux agressions concupiscentes qui ne passent pas à l’acte mais relèvent de la menace.
Je ne cherche pas ici à vous convaincre, juste à vous expliquer. J’ai donné les raisons pour lesquelles j’ai franchi le pas, mais je n’ai pas encore parlé de celles que j’y ai trouvé « à postériori ». Ayant été victime d’incestes et de multiples viols dans mon jeune âge, le naturisme a réellement eut un effet guérisseur sur ma psyché. Je me le suis très bien expliqué. Certes, ce n’est pas une raison pour le généraliser forcément, mais précisément, les naturistes souhaitent rester en « petit comité » (ils m‘en voudraient de trop plaider leur cause !) et que leur pratique ne soit pas banalisée, où se rencontrerait la mixité partout.
Il s’agit donc bien d’une pratique qui se veut remplir un rôle social (un SAS de sécurité ou de décompression) à l’égard d’une société où s’accumulent de nombreuses perversités, non ou mal dénoncées, mal reconnues et mal soignées, contre lesquelles on ne sait pas se préserver.
Pour une autre raison mais qui en répond, s’il s’y rencontre aussi beaucoup de professions médicales ou paramédicales : je pense que ce n’est pas pour rien : elles voient souvent des corps mal portants ou morcelés, en risque de perdre leur dignité.
Je ne prétends pas enfin que ce soit la meilleure voie pour ne pas pécher, mais cela en est une, et de même que chacun selon sa sensibilité est appelé à vivre des choses particulières et d’une certaine façon. Toujours le même refrain : il y a ainsi plusieurs maisons dans la maison du père…