par Suroît » sam. 30 nov. 2019, 21:45
Le catéchisme, déjà cité plus haut, n'est-il pas un document du magistère de l'Eglise?
Voici le raisonnement complet de ce catéchisme sur la peine de mort
2264 L’amour envers soi-même demeure un principe fondamental de la moralité. Il est donc légitime de faire respecter son propre droit à la vie. Qui défend sa vie n’est pas coupable d’homicide même s’il est contraint de porter à son agresseur un coup mortel :
Si pour se défendre on exerce une violence plus grande qu’il ne faut, ce sera illicite. Mais si l’on repousse la violence de façon mesurée, ce sera licite... Et il n’est pas nécessaire au salut que l’on omette cet acte de protection mesurée pour éviter de tuer l’autre ; car on est davantage tenu de veiller à sa propre vie qu’à celle d’autrui (S. Thomas d’A., s. th. 2-2, 64, 7).
2265 En plus d’un droit, la légitime défense peut être un devoir grave, pour qui est responsable de la vie d’autrui. La défense du bien commun exige que l’on mette l’injuste agresseur hors d’état de nuire. A ce titre, les détenteurs légitimes de l’autorité ont le droit de recourir même aux armes pour repousser les agresseurs de la communauté civile confiée à leur responsabilité.
2266 L’effort fait par l’Etat pour empêcher la diffusion de comportements qui violent les droits de l’homme et les règles fondamentales du vivre ensemble civil, correspond à une exigence de la protection du bien commun. L’autorité publique légitime a le droit et le devoir d’infliger des peines proportionnelles à la gravité du délit. La peine a pour premier but de réparer le désordre introduit par la faute. Quand cette peine est volontairement acceptée par le coupable, elle a valeur d’expiation. La peine, en plus de protéger l’ordre public et la sécurité des personnes, a un but médicinal: elle doit, dans la mesure du possible, contribuer à l’amendement du coupable.
2267 L’enseignement traditionnel de l’Eglise n’exclut pas, quand l’identité et la responsabilité du coupable sont pleinement vérifiées, le recours à la peine de mort, si celle-ci est l’unique moyen praticable pour protéger efficacement de l’injuste agresseur la vie d’êtres humains.
Mais si des moyens non sanglants suffisent à défendre et à protéger la sécurité des personnes contre l’agresseur, l’autorité s’en tiendra à ces moyens, parce que ceux-ci correspondent mieux aux conditions concrètes du bien commun et sont plus conformes à la dignité de la personne humaine.
Aujourd’hui, en effet, étant données les possibilités dont l’Etat dispose pour réprimer efficacement le crime en rendant incapable de nuire celui qui l’a commis, sans lui enlever définitivement la possibilité de se repentir, les cas d’absolue nécessité de supprimer le coupable " sont désormais assez rares, sinon même pratiquement inexistants " (Evangelium vitae, n. 56).
Le raisonnement est inspiré de Thomas d'Aquin pour en arriver à une conclusion qui va l'encontre du recours à la peine de mort.
1) L'amour de soi fonde un droit légitime à la vie pour chaque individu.
2) Ce droit légitime fonde le droit à la légitime défense. Je ne commets pas un meurtre en supprimant la vie de celui qui veut me supprimer. Car dans ce cas, ce que
je veux, c'est la conservation légitime de ma vie, et non la suppression d'autrui...
3)... si et seulement si, dans les faits, ma réponse est proportionnelle au mal subi, afin de ne pas engager une escalade illicite de la violence. Si la réponse est proportionnelle à l'agression, alors je ne fais que
repousser la violence et je reste innocent. Si elle est disproportionnée, alors je
commets une violence et m'en rends coupable.
4) La légitime défense est soit un droit quand on considère seulement l'individu dans le souci de sa conservation individuelle, soit un devoir quand on considère les individus lorsqu'ils ont la responsabilité du droit à la vie d'autrui et du bien commun dans tous les cas où ils sont détenteurs de l'autorité légitime.
5) Le problème de la peine de mort est donc un cas particulier du principe moral de la légitime défense. On y retrouve donc le principe du licite et de l'illicite qui repose sur le devoir de proportionalité entre le délit et la peine.
6) Le recours à la peine de mort est licite car proportionnel si la culpabilité du criminel est absolument certaine...
7)...
si et seulement si d'un point de vue pratique
elle est l'unique moyen de protéger le droit à la vie des membres de la communauté (on peut penser aux cas des terroristes qui veulent mourir en martyr et qui, par leur comportement, imposent aux autorités compétentes le devoir de les supprimer sur le champ. Dans ce cas là, l'autorité repousse la violence seulement, et elle veut la préservation du bien commun, et non la mort de l'assaillant).
8) Dans tous les cas où il est possible de protéger la communauté de l'agresseur sans le recours à la peine de mort, l'autorité doit s'en tenir aux solutions alternatives et non sanglantes, par souci de conformité à la dignité humaine. Il faut donc comprendre que la peine de mort est une mesure indigne toutes les fois où elle n'est pas nécessaire pour protéger le bien commun. Je me demande si le raisonnement implicite de ce texte ne constitue pas une déduction des principes de Saint Thomas énoncé aux articles précédents, dans le sens où la peine de mort, quand elle n'est pas nécessaire pour protéger le droit à la vie des membres de la communauté, est une réponse disproportionnée au délit, ce qui la rangerait dans la catégorie des usages illicites du droit à la vie. Ainsi la peine de mort,
compte tenu de ces conditions, serait par principe immorale toutes les fois qu'elle n'est pas l'unique moyen de préservation du bien commun, selon le raisonnement de ce texte...
9) ... c'est-à-dire qu'elle serait quasiment toujours immorale, et ce par l'argument de fait du dernier paragraphe. Car les cas de necessité d'une réponse sanglante au crime sont, dans la pratique, quasiment inexistants. Par conséquent, en vertu de la condition restrictive posée au devoir de légitime défense, le recours à la peine de mort est quasiment toujours, sauf très rares exceptions, un usage disproportionné, illicite et donc immoral du droit à la vie.
L'Eglise catholique est donc contre la peine de mort. Son raisonnement me paraît trés convaincant.
Ps... je me demande comment comment concilier, à supposer qu'il y ait besoin d'une conciliation, le point 2) avec l'enseignement du Sermon sur la montagne qui dit de tendre l'autre joue. Mais peut-être que cet enseignement de Jésus ne s'applique pas aux cas extrêmes où ma vie est menacée.
Le catéchisme, déjà cité plus haut, n'est-il pas un document du magistère de l'Eglise?
Voici le raisonnement complet de ce catéchisme sur la peine de mort
[quote] 2264 L’amour envers soi-même demeure un principe fondamental de la moralité. Il est donc légitime de faire respecter son propre droit à la vie. Qui défend sa vie n’est pas coupable d’homicide même s’il est contraint de porter à son agresseur un coup mortel :
Si pour se défendre on exerce une violence plus grande qu’il ne faut, ce sera illicite. Mais si l’on repousse la violence de façon mesurée, ce sera licite... Et il n’est pas nécessaire au salut que l’on omette cet acte de protection mesurée pour éviter de tuer l’autre ; car on est davantage tenu de veiller à sa propre vie qu’à celle d’autrui (S. Thomas d’A., s. th. 2-2, 64, 7).
2265 En plus d’un droit, la légitime défense peut être un devoir grave, pour qui est responsable de la vie d’autrui. La défense du bien commun exige que l’on mette l’injuste agresseur hors d’état de nuire. A ce titre, les détenteurs légitimes de l’autorité ont le droit de recourir même aux armes pour repousser les agresseurs de la communauté civile confiée à leur responsabilité.
2266 L’effort fait par l’Etat pour empêcher la diffusion de comportements qui violent les droits de l’homme et les règles fondamentales du vivre ensemble civil, correspond à une exigence de la protection du bien commun. L’autorité publique légitime a le droit et le devoir d’infliger des peines proportionnelles à la gravité du délit. La peine a pour premier but de réparer le désordre introduit par la faute. Quand cette peine est volontairement acceptée par le coupable, elle a valeur d’expiation. La peine, en plus de protéger l’ordre public et la sécurité des personnes, a un but médicinal: elle doit, dans la mesure du possible, contribuer à l’amendement du coupable.
[b]2267 L’enseignement traditionnel de l’Eglise n’exclut pas, quand l’identité et la responsabilité du coupable sont pleinement vérifiées, le recours à la peine de mort, [u]si celle-ci est l’unique moyen praticable pour protéger efficacement de l’injuste agresseur la vie d’êtres humains[/u].
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[b][color=#FF0000]Mais si des moyens non sanglants suffisent à défendre et à protéger la sécurité des personnes contre l’agresseur, l’autorité s’en tiendra à ces moyens, parce que ceux-ci correspondent mieux aux conditions concrètes du bien commun et sont plus conformes à la dignité de la personne humaine.
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Aujourd’hui, en effet, étant données les possibilités dont l’Etat dispose pour réprimer efficacement le crime en rendant incapable de nuire celui qui l’a commis, sans lui enlever définitivement la possibilité de se [b][color=#FF0000]repentir, les cas d’absolue nécessité de supprimer le coupable " sont désormais assez rares, sinon même pratiquement inexistants " [/color][/b](Evangelium vitae, n. 56). [/quote]
Le raisonnement est inspiré de Thomas d'Aquin pour en arriver à une conclusion qui va l'encontre du recours à la peine de mort.
1) L'amour de soi fonde un droit légitime à la vie pour chaque individu.
2) Ce droit légitime fonde le droit à la légitime défense. Je ne commets pas un meurtre en supprimant la vie de celui qui veut me supprimer. Car dans ce cas, ce que [b]je veux[/b], c'est la conservation légitime de ma vie, et non la suppression d'autrui...
3)... si et seulement si, dans les faits, ma réponse est proportionnelle au mal subi, afin de ne pas engager une escalade illicite de la violence. Si la réponse est proportionnelle à l'agression, alors je ne fais que [b]repousser[/b] la violence et je reste innocent. Si elle est disproportionnée, alors je [b]commets[/b] une violence et m'en rends coupable.
4) La légitime défense est soit un droit quand on considère seulement l'individu dans le souci de sa conservation individuelle, soit un devoir quand on considère les individus lorsqu'ils ont la responsabilité du droit à la vie d'autrui et du bien commun dans tous les cas où ils sont détenteurs de l'autorité légitime.
5) Le problème de la peine de mort est donc un cas particulier du principe moral de la légitime défense. On y retrouve donc le principe du licite et de l'illicite qui repose sur le devoir de proportionalité entre le délit et la peine.
6) Le recours à la peine de mort est licite car proportionnel si la culpabilité du criminel est absolument certaine...
7)... [b][color=#FF0000]si et seulement si[/color][/b] d'un point de vue pratique[b] elle est l'unique moyen[/b] de protéger le droit à la vie des membres de la communauté (on peut penser aux cas des terroristes qui veulent mourir en martyr et qui, par leur comportement, imposent aux autorités compétentes le devoir de les supprimer sur le champ. Dans ce cas là, l'autorité repousse la violence seulement, et elle veut la préservation du bien commun, et non la mort de l'assaillant).
8) Dans tous les cas où il est possible de protéger la communauté de l'agresseur sans le recours à la peine de mort, l'autorité doit s'en tenir aux solutions alternatives et non sanglantes, par souci de conformité à la dignité humaine. Il faut donc comprendre que la peine de mort est une mesure indigne toutes les fois où elle n'est pas nécessaire pour protéger le bien commun. Je me demande si le raisonnement implicite de ce texte ne constitue pas une déduction des principes de Saint Thomas énoncé aux articles précédents, dans le sens où la peine de mort, quand elle n'est pas nécessaire pour protéger le droit à la vie des membres de la communauté, est une réponse disproportionnée au délit, ce qui la rangerait dans la catégorie des usages illicites du droit à la vie. Ainsi la peine de mort, [b]compte tenu de ces conditions[/b], serait par principe immorale toutes les fois qu'elle n'est pas l'unique moyen de préservation du bien commun, selon le raisonnement de ce texte...
9) ... c'est-à-dire qu'elle serait quasiment toujours immorale, et ce par l'argument de fait du dernier paragraphe. Car les cas de necessité d'une réponse sanglante au crime sont, dans la pratique, quasiment inexistants. Par conséquent, en vertu de la condition restrictive posée au devoir de légitime défense, le recours à la peine de mort est quasiment toujours, sauf très rares exceptions, un usage disproportionné, illicite et donc immoral du droit à la vie.
L'Eglise catholique est donc contre la peine de mort. Son raisonnement me paraît trés convaincant.
Ps... je me demande comment comment concilier, à supposer qu'il y ait besoin d'une conciliation, le point 2) avec l'enseignement du Sermon sur la montagne qui dit de tendre l'autre joue. Mais peut-être que cet enseignement de Jésus ne s'applique pas aux cas extrêmes où ma vie est menacée.