par Cinci » dim. 30 nov. 2014, 22:36
C'est pour illustrer le genre d'enseignement qui ferait du bien à entendre, en tout cas pour moi. J'imagine que ce le serait pour d'autres aussi.
- [+] Texte masqué
- Homélie 33
«C’est la miséricorde que je ceux et non les sacrifices
En lisant l’Évangile avec une attention soutenue, une constante se dégage :
Ce sont les individus les plus mal préparés qui sont choisis par le Sauveur.
Ces derniers ont une longueur d’avance sur ceux qui présentent de meilleures conditions.
Ceci est vrai en ce qui regarde les Apôtres et cette loi vaut également pour ceux qui sont admis dans la noce.
Les êtres enfoncés dans les ténèbres se révèlent comme étant plus près de la lumière que les modèles de vertu et de fidélité.
Les endettés et les exclus sont plus près du salut que les tenants de l’orthodoxie la plus stricte.
Ce matin, le cas de Mathieu le publicain vient accentuer cette révolution opérée par l’évangile.
Nous lisons l’évangile, nous le méditons à longueur de vie, mais notre combat arrive difficilement à se situer là où l’essentiel du message est situé. Les pauvres sont choisis, mais à l’encontre de ce qui se dégage de la loi ancienne où ces derniers, le plus souvent, étaient choisis par Dieu pour se voir comblés de biens, à la manière de Job qui, de la déchéance la plus complète, passe à une situation plus avantageuse que celle qui avait précédé sa descente aux enfers ici, le pauvre est élu pour devenir plus pauvre encore et mourir dans la dernière pauvreté, à l’exemple de son Maître. Le faible reçoit le privilège d’une attention particulière, mais pour être invité à s’enfoncer plus avant dans son impuissance, jusqu’à imiter son Sauveur qui, sans se défendre, se laisse condamner après avoir été jugé injustement.
Enfin, à ceux dont les droits ne sont pas reconnus on promet que leur situation ne s’améliorera pas, au contraire, s’ils entendent devenir les disciples du Maître.
Le changement de perspective est si prononcé que nos efforts pour assimiler le texte et le mettre en pratique arrivent très difficilement à passer la rampe.
Nous persistons à accorder plus d’importance au signe qu’à l’essentiel de la réalité signifiée.
Notre regard porte difficilement plus loin que nos seuls horizons humains.
Quelques rares exceptions sont là comme témoins des véritables valeurs.
C’est en découvrant le mystère et nous laissant informer par lui que nous verrons nos habitudes changer, sans que nous ayons à y porter la main.
J’ai raconté déjà l’histoire de ce jeune dont le vestiaire était toujours en désordre, ce qui faisait le désespoir de sa mère et qui, du jour au lendemain, est devenu un modèle d’ordre et de propreté : il venait de vivre le grand amour, et l’événement s’était traduit dans ses actes sans que personne ait besoin d’intervenir. La mère avait travaillé en vain à le corriger, et voilà que, sans son aide, le miracle s’accomplit.
Tout ceci nous laisse entendre que la correction de notre agir doit être le résultat d’un changement intérieur, et non pas un chemin pour y parvenir. Surveiller notre agir et nous efforcer de l’améliorer pour qu’il laisse entendre aux autres que notre cœur est changé est donc une sorte de fausse représentation.
C’est la surabondance de ce que nous portons dans le cœur qui a mission d’influencer nos actes, et non le contraire.
Le Sauveur n’a pas ménagé les paraboles pour nous faire comprendre que nos actes bons n’ont de valeur que s’ils sont un rejaillissement de la surabondance du cœur, et pour nous laisser voir aussi que nos actes mauvais, en dépit de leur nombre et de leur gravité, ne sont pas des obstacles pour avoir part à la noce. Cette leçon était si importante que le Christ, dans sa Sagesse, n’a pas cru bon de prévenir les fausses interprétations de ceux qui en profiteraient pour pécher davantage, le pardon du Père étant si inconditionnel, et les vertueux si maltraités. Des êtres mal disposés sont instantanément blanchis tandis que des justes qui ont fourni de généreux efforts pour sauvegarder leur intégrité sont laissés pour compte.
Si nous accordons tant d’importance à nos actes c’est, le plus souvent, dans la mesure où notre cœur n’est pas rempli à déborder.
Avec cette conclusion bouleversante que nos actes bons sont plus menaçants pour nous que nos fautes. Les saints sont les seuls à se réjouir de leurs fautes et à pleurer sur leur vertu : quelle changement de perspective! La bouchée est redoutable à avaler, mais surveiller notre agir, nous efforcer de témoigner de l’évangile par le côté irréprochable de nos actes est un contre-témoignage aux yeux de l’évangile.
Non que nous ne devions pas nous corriger mais, tout au contraire, il est si important de nous corriger, et nos efforts pour y arriver aboutissent à un résultat trop lamentable qu’il faut nous soumettre à une révolution plus en profondeur et accepter que la gratuité de l’Amour opère elle-même la transformation qui, elle, sera radicale et définitive.
Le témoignage que le monde attend de nous, les croyants, est la mise en lumière d’une vérité introuvable chez les humains, à savoir que les yeux de l’Amour accordent tellement d’importance à l’enfant qui est là devant lui que cette lumière fait instantanément disparaître les ombres qu’il porte au visage.
Le sommet de la paix évangélique ne peut jaillir que de nos abîmes de perdition et de notre découragement à y porter remède.
Pourquoi notre vie chrétienne n’est-elle pas parfaite? Parce que notre agir n’est pas à la hauteur, ou parce que nous hésitons à passer dans la logique de la charité? Pouvons-nous nous rendre le témoignage que nous avons compris la folie du message?
Notre conversion sera chose faite, non pas quand tous la verront dans la perfection de nos actes, mais quand nous-mêmes, nous pourrons la lire dans le regard du Père posé sur nous. L’Évangile nous aura changé le cœur quand, les ténèbres plein le cœur, nous pourrons nous présenter devant l’Amour avec un visage rayonnant de lumière.»
- Yves Girard, prêtre, moine cistercien
http://www.syldi.com/homelies.htm
C'est pour illustrer le genre d'enseignement qui ferait du bien à entendre, en tout cas pour moi. J'imagine que ce le serait pour d'autres aussi.
[spoiler][color=#004080][b]Homélie 33[/b]
«C’est la miséricorde que je ceux et non les sacrifices
En lisant l’Évangile avec une attention soutenue, [b]une constante[/b] se dégage :
Ce sont[b] les individus les plus mal préparés[/b] [b]qui sont choisis[/b] par le Sauveur.
Ces derniers ont une longueur d’avance sur ceux qui présentent de meilleures conditions.
Ceci est vrai en ce qui regarde les Apôtres et cette loi vaut également pour ceux qui sont admis dans la noce.
[u]Les êtres enfoncés dans les ténèbres[/u] se révèlent comme étant [u]plus près de la lumière que les modèles de vertu[/u] et de fidélité.
Les endettés et les exclus sont [u]plus près du salut[/u] que les tenants de l’orthodoxie la plus stricte.
Ce matin, le cas de Mathieu le publicain vient accentuer cette révolution opérée par l’évangile.
Nous lisons l’évangile, nous le méditons à longueur de vie, mais notre combat arrive difficilement à se situer là où l’essentiel du message est situé. Les pauvres sont choisis, mais à l’encontre de ce qui se dégage de la loi ancienne où ces derniers, le plus souvent, étaient choisis par Dieu pour se voir comblés de biens, à la manière de Job qui, de la déchéance la plus complète, passe à une situation plus avantageuse que celle qui avait précédé sa descente aux enfers ici, le pauvre est élu pour devenir plus pauvre encore et mourir dans la dernière pauvreté, à l’exemple de son Maître. Le faible reçoit le privilège d’une attention particulière, mais pour être invité à s’enfoncer plus avant dans son impuissance, jusqu’à imiter son Sauveur qui, sans se défendre, se laisse condamner après avoir été jugé injustement.
Enfin, à ceux dont les droits ne sont pas reconnus on promet que leur situation ne s’améliorera pas, au contraire, s’ils entendent devenir les disciples du Maître.
Le changement de perspective est si prononcé que nos efforts pour assimiler le texte et le mettre en pratique arrivent très difficilement à passer la rampe.
Nous persistons à accorder plus d’importance au signe qu’à l’essentiel de la réalité signifiée.
Notre regard porte difficilement plus loin que nos seuls horizons humains.
Quelques rares exceptions sont là comme témoins des véritables valeurs.
C’est en découvrant le mystère et nous laissant informer par lui que nous verrons nos habitudes changer, sans que nous ayons à y porter la main.
J’ai raconté déjà l’histoire de ce jeune dont le vestiaire était toujours en désordre, ce qui faisait le désespoir de sa mère et qui, du jour au lendemain, est devenu un modèle d’ordre et de propreté : il venait de vivre le grand amour, et l’événement s’était traduit dans ses actes sans que personne ait besoin d’intervenir. La mère avait travaillé en vain à le corriger, et voilà que, sans son aide, le miracle s’accomplit.
Tout ceci nous laisse entendre que la correction de notre agir doit être le résultat d’un changement intérieur, et non pas un chemin pour y parvenir. Surveiller notre agir et nous efforcer de l’améliorer pour qu’il laisse entendre aux autres que notre cœur est changé est donc une sorte de fausse représentation.
C’est la surabondance de ce que nous portons dans le cœur qui a mission d’influencer nos actes, et non le contraire.
Le Sauveur n’a pas ménagé les paraboles pour nous faire comprendre que nos actes bons n’ont de valeur que s’ils sont un rejaillissement de la surabondance du cœur, et pour nous laisser voir aussi [u]que nos actes mauvais, en dépit de leur nombre et de leur gravité, ne sont pas des obstacles pour avoir part à la noce[/u]. Cette leçon était si importante que le Christ, dans sa Sagesse, n’a pas cru bon de prévenir les fausses interprétations de ceux qui en profiteraient pour pécher davantage, le pardon du Père étant si inconditionnel, et les vertueux si maltraités. Des êtres mal disposés sont instantanément blanchis tandis que des justes qui ont fourni de généreux efforts pour sauvegarder leur intégrité sont laissés pour compte.
Si nous accordons tant d’importance à nos actes c’est, le plus souvent, dans la mesure où notre cœur n’est pas rempli à déborder.
Avec cette conclusion bouleversante que [u]nos actes bons sont plus menaçants pour nous que nos fautes[/u]. Les saints sont les seuls à se réjouir de leurs fautes et à pleurer sur leur vertu : quelle changement de perspective! La bouchée est redoutable à avaler, mais surveiller notre agir, nous efforcer de témoigner de l’évangile par le côté irréprochable de nos actes est un contre-témoignage aux yeux de l’évangile.
Non que nous ne devions pas nous corriger mais, tout au contraire, il est si important de nous corriger, et nos efforts pour y arriver aboutissent à un résultat trop lamentable [b]qu’il faut nous soumettre à une révolution plus en profondeur et accepter que la gratuité de l’Amour opère elle-même la transformation qui, elle, sera radicale et définitive[/b].
Le témoignage que le monde attend de nous, les croyants, est la mise en lumière d’une vérité introuvable chez les humains, à savoir que les yeux de l’Amour accordent tellement d’importance à l’enfant qui est là devant lui que cette lumière fait instantanément disparaître les ombres qu’il porte au visage.
[u]Le sommet de la paix évangélique ne peut jaillir que de nos abîmes[/u] de perdition et de[u] notre découragement à y porter remède[/u].
[size=150]Pourquoi notre vie chrétienne n’est-elle pas parfaite?[/size] Parce que notre agir n’est pas à la hauteur,[size=150] ou parce que nous hésitons à passer dans la logique de la charité?[/size] Pouvons-nous nous rendre le témoignage que nous avons compris la folie du message?
Notre conversion sera chose faite, non pas quand tous la verront dans la perfection de nos actes, mais quand nous-mêmes, nous pourrons la lire dans le regard du Père posé sur nous. L’Évangile nous aura changé le cœur quand, les ténèbres plein le cœur, nous pourrons nous présenter devant l’Amour avec un visage rayonnant de lumière.»[/spoiler]
- [b]Yves Girard[/b], prêtre, moine cistercien[/color]
http://www.syldi.com/homelies.htm