par apatride » mar. 03 déc. 2019, 1:26
Bonjour Invité777,
Je vais tenter une réponse car je me sens doublement légitime à intervenir, en tant qu'encore tout récemment athée convaincu, et parce que la masturbation est un des péchés avec lesquels je suis le plus en lutte. Je précise que je me place ici en tant qu'homme hétérosexuel et que je ne peux pas parler de la masturbation féminine ou d'autres orientations sexuelles, quand bien même on doit pouvoir tracer des parallèles.
C'est une première réponse qui sera forcément incomplète, mais nous pourrons peut-être approfondir les échanges si certains des aspects de ma réponse vous sont incompréhensibles ou restent à creuser.
De ce que j'en ai compris, à aucun moment le plaisir sexuel n'est condamné, il est même tout au contraire beau et louable. Maintenant il faut voir ce que l'on fait de ce plaisir. S'il est une fin en soi, alors gare, car l'homme est propice à boucler sur la recherche de plaisir et à le consommer comme une finalité et non comme un tremplin vers quelque chose qui l'élèverait plus haut.
Prenons le cas d'un bon verre de vin, même si l'analogie a sûrement ses limites : alors qu'il est très agréable et même souhaitable de partager une bonne bouteille -- ou deux
-- entre amis et favoriser ainsi une ambiance de camaraderie, le même verre de vin consommé seul, chaque jour voire plusieurs fois par jour, peut très vite se réduire à alimenter une ivresse triste.
Pour en revenir à la masturbation, on peut évoquer la même dynamique : le plaisir sexuel peut être la consécration d'une ivresse des corps partagée ayant pour fin l'approfondissement de l'amour entre deux personnes, tout comme il peut vite devenir un objet de consommation qui ne nous porte pas plus haut, voire qui peut nous laisser encore plus seul et insatisfait.
Si cet argument de nature spirituel ne vous convainc pas, ce que je peux comprendre (je vous invite néanmoins à méditer cela avant de le rejeter d'emblée), il y a aussi des arguments d'ordre psychologique qui fragilisent la vision de la masturbation comme une pratique bénigne et sans conséquences.
Citons quelques points, la liste n'est bien sûr pas exhaustive :
- l'objectivisation des femmes : disposer à l'envie d'un harem virtuel prêt à se soumettre à vos moindres flambées de désir engage l'imaginaire sur une pente dangereuse. Pour ma part j'ai pu noter que cela jette peu à peu un trouble sur le rapport aux femmes, l'imaginaire devenant habitué à générer des scènes propres à l'excitation, sans considération pour la personne humaine dans toutes ses dimensions qui ne sont pas que sexuelles.
- l'appauvrissement des relations : l'acte sexuel suppose de faire face au mystère de son partenaire, ce qui nous échappe, ce qui est insaisissable, ce qui sème le trouble, ce qui met parfois dans l'inconfort. L'imaginaire au service de la masturbation n'a que faire de tout cela et il y a un risque de favoriser une gratification facile qui nous épargne le jeu parfois ambigu des relations interpersonnelles.
- le dérèglement du développement de la personne : la constitution d'une personne en tant qu'adulte nécessite de sortir du fantasme infantile de la toute puissance et de la satisfaction immédiate, en sachant sublimer et remettre à plus tard les pulsions qui nous agitent. Céder à la masturbation peut être un moyen de retarder cette maturation. Qui plus est, on se trompe soi-même en accédant à une gratification immédiate qui n'est pas corrélée à un effort quel qu'il soit. Dans la construction de l'individu, ce peut être très dommageable.
Je m'arrête là pour le moment. L'idée principale à retenir je crois, c'est que la masturbation peut insidieusement conduire à une sorte d'auto-centrage sur soi-même comme individu totalement autonome et coupé du monde dans l'exercice de sa sexualité, et nous conduire à rabattre le plaisir sexuel sur lui-même au lieu de l'orienter ou de l'ordonner à des aspirations et un développement interpersonnel plus élevé ; la finalité en tant que croyant étant, par la voie de l'ordre correct des choses, de s'ouvrir toujours plus au tout Autre qui est Dieu.
Bonjour Invité777,
Je vais tenter une réponse car je me sens doublement légitime à intervenir, en tant qu'encore tout récemment athée convaincu, et parce que la masturbation est un des péchés avec lesquels je suis le plus en lutte. Je précise que je me place ici en tant qu'homme hétérosexuel et que je ne peux pas parler de la masturbation féminine ou d'autres orientations sexuelles, quand bien même on doit pouvoir tracer des parallèles.
C'est une première réponse qui sera forcément incomplète, mais nous pourrons peut-être approfondir les échanges si certains des aspects de ma réponse vous sont incompréhensibles ou restent à creuser.
De ce que j'en ai compris, à aucun moment le plaisir sexuel n'est condamné, il est même tout au contraire beau et louable. Maintenant il faut voir ce que l'on fait de ce plaisir. S'il est une fin en soi, alors gare, car l'homme est propice à boucler sur la recherche de plaisir et à le consommer comme une finalité et non comme un tremplin vers quelque chose qui l'élèverait plus haut.
Prenons le cas d'un bon verre de vin, même si l'analogie a sûrement ses limites : alors qu'il est très agréable et même souhaitable de partager une bonne bouteille -- ou deux :-D -- entre amis et favoriser ainsi une ambiance de camaraderie, le même verre de vin consommé seul, chaque jour voire plusieurs fois par jour, peut très vite se réduire à alimenter une ivresse triste.
Pour en revenir à la masturbation, on peut évoquer la même dynamique : le plaisir sexuel peut être la consécration d'une ivresse des corps partagée ayant pour fin l'approfondissement de l'amour entre deux personnes, tout comme il peut vite devenir un objet de consommation qui ne nous porte pas plus haut, voire qui peut nous laisser encore plus seul et insatisfait.
Si cet argument de nature spirituel ne vous convainc pas, ce que je peux comprendre (je vous invite néanmoins à méditer cela avant de le rejeter d'emblée), il y a aussi des arguments d'ordre psychologique qui fragilisent la vision de la masturbation comme une pratique bénigne et sans conséquences.
Citons quelques points, la liste n'est bien sûr pas exhaustive :
[list]l'objectivisation des femmes : disposer à l'envie d'un harem virtuel prêt à se soumettre à vos moindres flambées de désir engage l'imaginaire sur une pente dangereuse. Pour ma part j'ai pu noter que cela jette peu à peu un trouble sur le rapport aux femmes, l'imaginaire devenant habitué à générer des scènes propres à l'excitation, sans considération pour la personne humaine dans toutes ses dimensions qui ne sont pas que sexuelles. [/list]
[list]l'appauvrissement des relations : l'acte sexuel suppose de faire face au mystère de son partenaire, ce qui nous échappe, ce qui est insaisissable, ce qui sème le trouble, ce qui met parfois dans l'inconfort. L'imaginaire au service de la masturbation n'a que faire de tout cela et il y a un risque de favoriser une gratification facile qui nous épargne le jeu parfois ambigu des relations interpersonnelles.[/list]
[list]le dérèglement du développement de la personne : la constitution d'une personne en tant qu'adulte nécessite de sortir du fantasme infantile de la toute puissance et de la satisfaction immédiate, en sachant sublimer et remettre à plus tard les pulsions qui nous agitent. Céder à la masturbation peut être un moyen de retarder cette maturation. Qui plus est, on se trompe soi-même en accédant à une gratification immédiate qui n'est pas corrélée à un effort quel qu'il soit. Dans la construction de l'individu, ce peut être très dommageable.[/list]
Je m'arrête là pour le moment. L'idée principale à retenir je crois, c'est que la masturbation peut insidieusement conduire à une sorte d'auto-centrage sur soi-même comme individu totalement autonome et coupé du monde dans l'exercice de sa sexualité, et nous conduire à rabattre le plaisir sexuel sur lui-même au lieu de l'orienter ou de l'ordonner à des aspirations et un développement interpersonnel plus élevé ; la finalité en tant que croyant étant, par la voie de l'ordre correct des choses, de s'ouvrir toujours plus au tout Autre qui est Dieu.