par MB » jeu. 03 mai 2007, 13:04
Avé
Je voudrais dire quelques petites choses vis-à-vis de l'UE ; je trouve que beaucoup de gens ici l'accusent de tout et de n'importe quoi, sans raison valable et souvent de façon contradictoire ; parfois jusqu'à éluder des accusations qui elles, pourraient être fondées. Je me permettrai de lancer quelques réflexions - à vous d'y répondre si ça vous dit, mais pitié, en faisant de vraies phrases construites.
- D'abord, quid de la nature de la chose ? Bien souvent, quand un commissaire de Bruxelles parle, on dit : "c'est Bruxelles". Quand un sommet du Conseil européen (assemblée des chefs d'Etat ou des ministres nationaux compétents pour un domaine particulier) dit quelque chose, souvent dans le cadre d'une négociation serrée et contradictoire avec la Commission, on dit "c'est Bruxelles". Quand quelque chose se passe au Parlement de Strasbourg, même si l'on prend une décision qui ne répond pas aux voeux ni de la Commission, ni du Conseil européen, même chose ! Quand un député européen dit une chose, pareil (sauf qu'il dit le contraire d'un autre député européen). Quand un jugement est rendu par la Cour européenne (qui, je le rappelle, protège nos droits contre les abus éventuels de nos dirigeants), idem ! Bref, il faudrait arrêter d'avoir une vision essentialiste de l'institution, et cesser d'en parler comme d'une espèce de Léviathan, de monstre qui nous est extérieur, etc.
- Sur la bureaucratie européenne qu'il est de bon ton de railler : il faudrait se souvenir, une fois pour toutes, qu'il y a autant de fonctionnaires UE que de fonctionnaires municipaux parisiens. Les affaires européennes touchant quelque chose de plus vaste, je ne vois pas où est le problème.
- Sur la discipline budgétaire européenne : faudrait savoir. Nous sommes tous d'accord, ici, sur la nécessité de réduire les déficits et la dette publique. Il faut donc y mettre les moyens. C'est bien beau d'être souverainiste, mais un Etat ne peut être souverain si ses finances se trouvent en état calamiteux et ne lui permettent aucune marge de manoeuvre. Et là, je dis : merci à l'Union ! Car vu la nullité et la lâcheté de nos hommes politiques, on peut être sûr que s'ils avaient pu le faire, la France aurait un déficit de 15 % du PIB et une dette de 200 % du PIB (estimation basse...), avec deux ou trois dévaluations pour faire avaler la pilule. Beaucoup de pays ont réussi à se débrouiller avec leurs finances (même l'Allemagne s'y met), et cela ne leur fait pas de mal ; alors pourquoi pas nous ?
- Sur l'euro fort (corollaire de la question précédente) : il est censé nous être nuisible en pénalisant nos exportations. Mais alors pourquoi l'Allemagne bat-elle en ce moment tous ses records d'exportation ? pourquoi exporte-t-elle plus que la Chine ? Parce qu'elle n'a pas besoin de trafiquer la monnaie pour produire une économie compétitive, des travailleurs hyper-qualifiés, des technologies parmi les plus avancées du monde (avec en plus un coût du travail énorme). Pourquoi pas nous ?
On parle également de l'inflation, des prix qui augmentent à cause de l'euro... Mais c'est éluder les problèmes : d'abord, tous les outils statistiques (y compris ceux qu'emploient les partisans de la thèse de l'inflation) évoquent une hausse modérée des prix. Ensuite, la tendance à la hausse des prix (notamment dans l'immobilier, qui en plus, en France, répercute sur ses prix les problèmes institutionnels que subit le secteur) est un peu générale, et pas spécifique à l'UE. Enfin et surtout, si l'on a l'impression que les prix augmentent très vite, c'est que les salaires sont bloqués à cause des 35 heures. Bref : les problèmes ne sont pas ceux que l'on croit.
- On parle du lobbying, que c'est scandaleux, ce qui se passe dans les couloirs européens, etc. Mais là aussi, faudrait savoir : parce que c'est clair qu'il n'y a pas de lobbying à Paris, n'est-ce pas. C'est clair que quand un PDG de l'armement ou du pétrole appelle Chirac, celui-ci n'en tient pas compte. C'est clair aussi que lorsqu'une catégorie particulière de gens manifeste, contre toute honnêteté, pour avoir plus de fric aux dépens des autres, ou pour bloquer une réforme nécessaire, on fait preuve de courage politique ! Il me paraît évident que nous n'avons pas de leçons à donner à ce sujet.
Une remarque générale, en passant, sur cette impression française de devoir se faire dicter des choses par "Bruxelles" : les réflexes institutionnels des instances UE ne sont pas les nôtres ; nous, nous fondons nos relations de pouvoir sur la décision autoritaire venant d'en-haut ; à Bruxelles et à Strasbourg, sur la négociation, le bargaining. D'où deux conséquences : 1° nous sommes incapables de nous faire entendre parce que nous ne prenons pas la peine de savoir comment ça marche (ce n'est pas à Paris, donc ça n'existe pas), 2° quand une décision a été prise, alors qu'elle est le fruit de négociations longues et techniques, nous avons l'impression qu'elle est le fait du Prince. C'est simplement que nous sommes incapables de nous imaginer que tout ne fonctionne pas comme dans les bureaux parisiens (voilà pourquoi les Français sont si mauvais sur place).
- Sur l'athéisme, l'irréligiosité, etc. Les choses sont simples : quand on a parlé d'éluder les racines chrétiennes, etc. ce n'était pas une initiative UE, mais une initiative française, nos dirigeants ont trépigné comme des petits fous... La plupart des pays européens ont un concordat, on ne peut donc pas parler d'Etats athées. De plus, l'UE, dans la mesure où elle est cantonnée par les Etats nationaux à un rôle technique (et c'est le choix des Français en 2005, qui ont refusé d'élargir ce rôle), n'a pas vocation, en l'état actuel des choses, à avoir une justification religieuse. Cela peut changer, naturellement, mais pour cela, acceptons d'en faire une entité politique à part entière...
J'attends vos réponses
MB
Avé
Je voudrais dire quelques petites choses vis-à-vis de l'UE ; je trouve que beaucoup de gens ici l'accusent de tout et de n'importe quoi, sans raison valable et souvent de façon contradictoire ; parfois jusqu'à éluder des accusations qui elles, pourraient être fondées. Je me permettrai de lancer quelques réflexions - à vous d'y répondre si ça vous dit, mais pitié, en faisant de vraies phrases construites.
- D'abord, quid de la nature de la chose ? Bien souvent, quand un commissaire de Bruxelles parle, on dit : "c'est Bruxelles". Quand un sommet du Conseil européen (assemblée des chefs d'Etat ou des ministres nationaux compétents pour un domaine particulier) dit quelque chose, souvent dans le cadre d'une négociation serrée et contradictoire avec la Commission, on dit "c'est Bruxelles". Quand quelque chose se passe au Parlement de Strasbourg, même si l'on prend une décision qui ne répond pas aux voeux ni de la Commission, ni du Conseil européen, même chose ! Quand un député européen dit une chose, pareil (sauf qu'il dit le contraire d'un autre député européen). Quand un jugement est rendu par la Cour européenne (qui, je le rappelle, protège nos droits contre les abus éventuels de nos dirigeants), idem ! Bref, il faudrait arrêter d'avoir une vision [i]essentialiste [/i]de l'institution, et cesser d'en parler comme d'une espèce de Léviathan, de monstre qui nous est extérieur, etc.
- Sur la bureaucratie européenne qu'il est de bon ton de railler : il faudrait se souvenir, une fois pour toutes, qu'il y a autant de fonctionnaires UE que de fonctionnaires municipaux parisiens. Les affaires européennes touchant quelque chose de plus vaste, je ne vois pas où est le problème.
- Sur la discipline budgétaire européenne : faudrait savoir. Nous sommes tous d'accord, ici, sur la nécessité de réduire les déficits et la dette publique. Il faut donc y mettre les moyens. C'est bien beau d'être souverainiste, mais un Etat ne peut être souverain si ses finances se trouvent en état calamiteux et ne lui permettent aucune marge de manoeuvre. Et là, je dis : merci à l'Union ! Car vu la nullité et la lâcheté de nos hommes politiques, on peut être sûr que s'ils avaient pu le faire, la France aurait un déficit de 15 % du PIB et une dette de 200 % du PIB (estimation basse...), avec deux ou trois dévaluations pour faire avaler la pilule. Beaucoup de pays ont réussi à se débrouiller avec leurs finances (même l'Allemagne s'y met), et cela ne leur fait pas de mal ; alors pourquoi pas nous ?
- Sur l'euro fort (corollaire de la question précédente) : il est censé nous être nuisible en pénalisant nos exportations. Mais alors pourquoi l'Allemagne bat-elle en ce moment tous ses records d'exportation ? pourquoi exporte-t-elle plus que la Chine ? Parce qu'elle n'a pas besoin de trafiquer la monnaie pour produire une économie compétitive, des travailleurs hyper-qualifiés, des technologies parmi les plus avancées du monde (avec en plus un coût du travail énorme). Pourquoi pas nous ?
On parle également de l'inflation, des prix qui augmentent à cause de l'euro... Mais c'est éluder les problèmes : d'abord, tous les outils statistiques (y compris ceux qu'emploient les partisans de la thèse de l'inflation) évoquent une hausse modérée des prix. Ensuite, la tendance à la hausse des prix (notamment dans l'immobilier, qui en plus, en France, répercute sur ses prix les problèmes institutionnels que subit le secteur) est un peu générale, et pas spécifique à l'UE. Enfin et surtout, si l'on a l'impression que les prix augmentent très vite, c'est que les salaires sont bloqués à cause des 35 heures. Bref : les problèmes ne sont pas ceux que l'on croit.
- On parle du lobbying, que c'est scandaleux, ce qui se passe dans les couloirs européens, etc. Mais là aussi, faudrait savoir : parce que c'est clair qu'il n'y a pas de lobbying à Paris, n'est-ce pas. C'est clair que quand un PDG de l'armement ou du pétrole appelle Chirac, celui-ci n'en tient pas compte. C'est clair aussi que lorsqu'une catégorie particulière de gens manifeste, contre toute honnêteté, pour avoir plus de fric aux dépens des autres, ou pour bloquer une réforme nécessaire, on fait preuve de courage politique ! Il me paraît évident que nous n'avons pas de leçons à donner à ce sujet.
Une remarque générale, en passant, sur cette impression française de devoir se faire dicter des choses par "Bruxelles" : les réflexes institutionnels des instances UE ne sont pas les nôtres ; nous, nous fondons nos relations de pouvoir sur la décision autoritaire venant d'en-haut ; à Bruxelles et à Strasbourg, sur la négociation, le [i]bargaining[/i]. D'où deux conséquences : 1° nous sommes incapables de nous faire entendre parce que nous ne prenons pas la peine de savoir comment ça marche (ce n'est pas à Paris, donc ça n'existe pas), 2° quand une décision a été prise, alors qu'elle est le fruit de négociations longues et techniques, nous avons l'impression qu'elle est le fait du Prince. C'est simplement que nous sommes incapables de nous imaginer que tout ne fonctionne pas comme dans les bureaux parisiens (voilà pourquoi les Français sont si mauvais sur place).
- Sur l'athéisme, l'irréligiosité, etc. Les choses sont simples : quand on a parlé d'éluder les racines chrétiennes, etc. ce n'était pas une initiative UE, mais une initiative française, nos dirigeants ont trépigné comme des petits fous... La plupart des pays européens ont un concordat, on ne peut donc pas parler d'Etats athées. De plus, l'UE, dans la mesure où elle est cantonnée par les Etats nationaux à un rôle technique (et c'est le choix des Français en 2005, qui ont refusé d'élargir ce rôle), n'a pas vocation, en l'état actuel des choses, à avoir une justification religieuse. Cela peut changer, naturellement, mais pour cela, acceptons d'en faire une entité politique à part entière...
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MB