par Carhaix » ven. 27 avr. 2018, 23:47
Elric a écrit : ↑ven. 27 avr. 2018, 9:05
Relief a écrit : ↑jeu. 26 avr. 2018, 19:40
Il faut différencier le peuple et les élites. Ce sont ces dernières qui déclarent les guerres. Si elles et leurs proches devaient être envoyés au front, il n'y aurait jamais de guerre.
N'aime la guerre que celui qui ne l'a jamais connue, ou qui est sûr de ne jamais être obligé de la faire.
Historiquement, ce sont les élites qui risquent leur peau à la guerre, à partir du moment où cette dernière se développe et dépasse le stade du rapt dans la tribu voisine.
Dans l'antiquité, les généraux combattent, et à Rome, cette charge échoit spécifiquement à des politiques (Consuls et Préfets). César comme Vercingétorix sont des combattants et risquent leur vie. Au moyen-âge, la légitimité de la noblesse tient au fait qu'ils mettent leur vie en jeu pour défendre leur territoire, et ce sont eux qui combattent à la levée du ban, pas les paysans. Puis vous avez le développement du mercenariat, mais là encore, les fils de la noblesse doivent servir pour commander ces régiments, et souvent périr, sous les armes. La conscription en France est récente, cela date des guerres de révolution. Et encore, même sous le premier empire, la majorité des troupes sont professionnelles, et les généraux sont nombreux à mourir au combat (Napoléon lui même sera blessé au feu ou au corps à corps à plusieurs reprises).
En fait il faut attendre la révolution industrielle pour que se découple la légitimité des élites au fait qu'ils risquent leur vie pour leur peuple. C'est d'ailleurs en partie cela qui entraînera la chute de la noblesse en Europe, puisqu'en dehors du métier des armes, ses tâches administratives pouvaient être occupées par d'autres.
Les innovations technologiques du XXe siècle dispensent les chefs militaires de s'exposer directement au feu de la guerre. Pourquoi César ou Napoléon risquent leur vie ? Pour galvaniser les troupes et communiquer leurs ordres aux officiers. Avec l'invention de la radio et autres moyens de communication, ce n'est plus nécessaire. Et avec le remplacement des chevaux par des chars, ce ne sont plus les mêmes conditions.
Ensuite, comme vous le dites, la levée en masse n'existe en France que depuis la Révolution. Au Moyen âge et sous l'Ancien Régime, seule une minorité faisait la guerre, les chevaliers et de la piétaille enrôlée. La mobilisation nationale n'a fonctionné que cinq fois : sous la Révolution et l'Empire, en 1870, en 1914-18, en 1939-40, et à la fin de la guerre d'Algérie. La seule période où les conscrits sont partis fleur au fusil, et ont guerroyé passionnément, c'est sous la Révolution et l'Empire. Toutes les autres guerres ont été vécues avec horreur et dégoût.
Pourquoi les soldats de l'an II ont ils répondu avec enthousiasme à la mobilisation ? Parce qu'ils se battaient pour un idéal, la liberté nouvellement conquise. En revanche, une fois passé le congrès de Vienne, il ne faut plus reparler de guerre aux Français.
Vous dites que les spectacles et divertissements détournent le peuple de la guerre. Mais l'inverse est vrai aussi. Les années folles, puis Salut les copains sont des réactions aux deux dernières guerres. Il y a donc interaction entre les deux phénomènes.
À la rigueur, on pourrait voir un lien entre le développement des spectacles dans l'Antiquité romaine, où le peuple se repaît des jeux du cirque, du stade, des courses de chars, de théâtre, alors que le citoyen est de moins en moins présent dans l'armée. Alors que le citoyen romain du début est avant tout un paysan-soldat. Mais il y a peut-être plusieurs facteurs. Ce serait plutôt l'abondance des richesses et du confort, obtenue d'ailleurs grâce à la guerre et aux conquêtes qui détournent le citoyen de ses obligations civiques. D'ailleurs, les penseurs contemporains le ressassent constamment. La richesse ramollit les mœurs. S'ajoutent des problèmes économiques et démographiques. Les provinces conquises inondent le marché de produits bon marché, le chômage de masse frappe Rome, le citoyen romain désoeuvré ne fait plus d'enfants, il se fait distribuer son denier quotidien pour aller au cirque et aux bains, du pain et des jeux...
C'est une peu ce qui arrive en Occident aujourd'hui.
Mais la cause, ce serait plutôt le luxe apporté par les conquêtes et les victoires guerrières. Et ce qui motivait la guerre, c'était la conquête de ce luxe, de ce confort.
Le serpent se mort la queue, en somme. Mais si l'homme à le choix, il préfère jouir que de se battre.
[quote=Elric post_id=381063 time=1524812705 user_id=2918]
[quote=Relief post_id=381042 time=1524764430 user_id=1443]
Il faut différencier le peuple et les élites. Ce sont ces dernières qui déclarent les guerres. Si elles et leurs proches devaient être envoyés au front, il n'y aurait jamais de guerre.
N'aime la guerre que celui qui ne l'a jamais connue, ou qui est sûr de ne jamais être obligé de la faire.
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Historiquement, ce sont les élites qui risquent leur peau à la guerre, à partir du moment où cette dernière se développe et dépasse le stade du rapt dans la tribu voisine.
Dans l'antiquité, les généraux combattent, et à Rome, cette charge échoit spécifiquement à des politiques (Consuls et Préfets). César comme Vercingétorix sont des combattants et risquent leur vie. Au moyen-âge, la légitimité de la noblesse tient au fait qu'ils mettent leur vie en jeu pour défendre leur territoire, et ce sont eux qui combattent à la levée du ban, pas les paysans. Puis vous avez le développement du mercenariat, mais là encore, les fils de la noblesse doivent servir pour commander ces régiments, et souvent périr, sous les armes. La conscription en France est récente, cela date des guerres de révolution. Et encore, même sous le premier empire, la majorité des troupes sont professionnelles, et les généraux sont nombreux à mourir au combat (Napoléon lui même sera blessé au feu ou au corps à corps à plusieurs reprises).
En fait il faut attendre la révolution industrielle pour que se découple la légitimité des élites au fait qu'ils risquent leur vie pour leur peuple. C'est d'ailleurs en partie cela qui entraînera la chute de la noblesse en Europe, puisqu'en dehors du métier des armes, ses tâches administratives pouvaient être occupées par d'autres.
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Les innovations technologiques du XXe siècle dispensent les chefs militaires de s'exposer directement au feu de la guerre. Pourquoi César ou Napoléon risquent leur vie ? Pour galvaniser les troupes et communiquer leurs ordres aux officiers. Avec l'invention de la radio et autres moyens de communication, ce n'est plus nécessaire. Et avec le remplacement des chevaux par des chars, ce ne sont plus les mêmes conditions.
Ensuite, comme vous le dites, la levée en masse n'existe en France que depuis la Révolution. Au Moyen âge et sous l'Ancien Régime, seule une minorité faisait la guerre, les chevaliers et de la piétaille enrôlée. La mobilisation nationale n'a fonctionné que cinq fois : sous la Révolution et l'Empire, en 1870, en 1914-18, en 1939-40, et à la fin de la guerre d'Algérie. La seule période où les conscrits sont partis fleur au fusil, et ont guerroyé passionnément, c'est sous la Révolution et l'Empire. Toutes les autres guerres ont été vécues avec horreur et dégoût.
Pourquoi les soldats de l'an II ont ils répondu avec enthousiasme à la mobilisation ? Parce qu'ils se battaient pour un idéal, la liberté nouvellement conquise. En revanche, une fois passé le congrès de Vienne, il ne faut plus reparler de guerre aux Français.
Vous dites que les spectacles et divertissements détournent le peuple de la guerre. Mais l'inverse est vrai aussi. Les années folles, puis Salut les copains sont des réactions aux deux dernières guerres. Il y a donc interaction entre les deux phénomènes.
À la rigueur, on pourrait voir un lien entre le développement des spectacles dans l'Antiquité romaine, où le peuple se repaît des jeux du cirque, du stade, des courses de chars, de théâtre, alors que le citoyen est de moins en moins présent dans l'armée. Alors que le citoyen romain du début est avant tout un paysan-soldat. Mais il y a peut-être plusieurs facteurs. Ce serait plutôt l'abondance des richesses et du confort, obtenue d'ailleurs grâce à la guerre et aux conquêtes qui détournent le citoyen de ses obligations civiques. D'ailleurs, les penseurs contemporains le ressassent constamment. La richesse ramollit les mœurs. S'ajoutent des problèmes économiques et démographiques. Les provinces conquises inondent le marché de produits bon marché, le chômage de masse frappe Rome, le citoyen romain désoeuvré ne fait plus d'enfants, il se fait distribuer son denier quotidien pour aller au cirque et aux bains, du pain et des jeux...
C'est une peu ce qui arrive en Occident aujourd'hui.
Mais la cause, ce serait plutôt le luxe apporté par les conquêtes et les victoires guerrières. Et ce qui motivait la guerre, c'était la conquête de ce luxe, de ce confort.
Le serpent se mort la queue, en somme. Mais si l'homme à le choix, il préfère jouir que de se battre.