par Cinci » mer. 01 nov. 2017, 19:44
La perversion du particularisme
Dans le cours publié d'Éric Voeglin sur Hitler et les Allemands, le préfacier, ancien auditeur de ces cours, raconte qu'un jour un étudiant posa la question de la séduction exercée par Hitler sur les Allemands, et s'entendit répondre par Voeglin :"Parmi les droits de l'homme, cher Monsieur, ne figure pas le droit d'être un imbécile. Vous n'avez pas le droit d'être un idiot." Autrement dit, cette séduction ne peut recevoir aucune explication, sinon par la bêtise de ceux qui tombent dans le panneau.
On ne peut pas accepter cette explication de Voeglin.
Qu'un courant de pensée ou parti politique soit odieux, cela signifie-t-il qu'il est relayé par des crétins? Que ses supporters se soient trompés, cela les définit-il comme des crétins? Tant d'autres se sont trompés, dont on ne remet pas en cause l'intelligence.
Voeglin pose au départ une question essentielle : le plus intéressant est moins de savoir comment Hitler a pu exister, que de savoir pourquoi les Allemands ont suivi Hitler.
Il parle du "déclin intellectuel et spirituel", d'un "illetrisme spirituel". Je crois qu'il faut distinguer soigneusement l'insuffisance intellectuelle - la bêtise - et l'insuffisance spirituelle - privation de sens, privation de moralité. Il suffit d'observer les sociétés avec un oeil un peu exercé pour remarquer que les individus plein de chaleur spirituelle et de qualités de coeur ne sont pas forcément, loin de là, les plus intelligents ni les plus cultivés. D'ailleurs, les critiques de l'Église ont souvent argué, notamment au XIXe siècle, que la spiritualité prenait racine dans l'imbécilité populaire [...] Ce qui s'est révélé faux également : on peut être un intellectuel croyant, et il n'est pas exigé d'être sot pour croire.
L'idiot et le criminel
Autant Voeglin avait certainement raison de mettre en avant le phénomène d'effondrement spirituel comme une des conditions de possibilité du nazisme, autant je ne pense pas qu'un effondrement intellectuel puisse être ici un facteur significatif. Il est très probable que la déchristianisation à l'oeuvre pendant tout le XIXe siècle en Europe, a été l'une des conditions de possibilité du développement des doctrines eugénistes et raciales. Un christianisme plus enraciné aurait pu offrir une résistance aux entreprises criminelles, et Emmanuel Todd a démontré que les régions allemandes les plus hostiles au nazisme furent en même temps celles dans lesquelles les religions avaient le mieux survécu.
Lorsque Voeglin dit qu'une société libre aurait pu se développer en Allemagne après 1918 "si les gens s'étaient montrés un peu plus intelligents qu'ils ne l'ont été", je pense qu'il se livre à une confusion. Il insiste en donnant la définition de la bêtise au sens où quelqu'un , à cause de la perte de réalité, se montre incapable d'orienter correctement son action dans le monde dans lequel il vit. Dans ce cas, pourquoi ne faudrait-il pas prêter aux communistes une stupidité définitive, en raison de leur manque patent de réalité?
Je ne pense pas non plus que le manque de culture, et cette prétention de tout savoir qui caractérise les ignorants, soit l'antichambre de la barbarie davantage qu'un intellectualisme poussé. Que le discours de Hitler fût celui de ce que nous appelons aujourd'hui "un con solennel", verbeux et ignare et donnant d'autant plus de leçons qu'il ignore tout, comme le raconte Voeglin à propos d'un écrit de Mann, et comme le confirme Rauschnig, cela n'infère pas sa criminalité. Un très grand nombre de ces "cons solennels" ont accédé au pouvoir et s'y pavannent encore, à tous les niveaux, qui ne sont aucunement criminels. Un homme est moral s'il a été éduqué correctement, et cela n'entre pas du tout en compte dans son intelligence. Si Hitler a été Hitler, ce n'est pas parce qu'il était bête, mais parce qu'il était méchant, l'un étant indépendant de l'autre.
Dire que nous n'avons aucun droit à la bêtise ne saurait avoir de sens que si la bêtise était d'une façon ou d'une autre volontaire. Ce n'est pas le cas. Du pauvre hère qui est crétin de naissance, on ne peut dire s'Il a droit ou non à la bêtise. La question est ailleurs : il est rivé sans le vouloir, et sans doute sans même le savoir, à sa stupidité. C'est pourquoi Voeglin prend soin de différencier deux sortes de bêtises : celle de l'homme simple, qui se trouve incapable de coordonner les éléments de sa pensée entre eux, ce qui ne l'empêche pas éventuellement d'être moral, sociable, sympathique; et puis ce qu'il nomme la "bêtise supérieure", qu'il entend par une perte de réalité, une déshumanisation. Ici il ne s'agit pas d'une faiblesse de l'entendement, mais d'un déraillement de l'esprit, d'une perversion de l'esprit souvent engendrée par l'arrogance, par l'ubris.
Mais ceci est purement théorique, et sans application dans l'histoire des idées, puisqu'on ne voit aucun exemple de dénonciation de la "bêtise supérieure".
[...]
Il apparaît évident aujourd'hui que le communisme représentait un déraillement de l'esprit (et non pas une faiblesse de l'entendement), une prétention à la démiurgie capable de voiler la réalité et par exemple capable de nommer la terreur un bonheur : état qui signe la "bêtise supérieure" dans sa définition même.
Et pourtant personne n'aurait l'idée de conclure à la bêtise de Lénine. Chacun attestera que Lénine était un homme fort intelligent, et l'accusation de bêtise portée à son encontre rendrait ridicule son contradicteur. Lénine était certainement un esprit dévoyé, dont l'intelligence sophistiquée menait à la justification du crime. Nous dirons certainement qu'il était immoral - devenu immoral par amoralisme foncier, c'est à dire par une volonté de supprimer la morale bourgeoise, ce qui finissait par légitimer une inhumanité satisfaite. Il n'avait rien d'un idiot.
Liaisons dangereuses
On sait la relation réelle entre le conservatisme allemand du début du XXe siècle et le nazisme commençant. Bien sûr, le nazisme puise à des sources essentiellement païennes, il s'appuie sur l'eugénisme et le darwinisme du XIXe siècle, toutes idées qui n'ont rien à voir avec le conservatisme. Mais il recèle à sa naissance suffisamment d'idées conservatrices pour que les tenants de ce courant aient envie de le suivre, même si nombre d'entre eux l'abandonneront après quelques expériences. C'est le cas d'Hermann Rauschnig, qui s'Inscrit au parti en 1931, et le quitte quelques années plus tard, après y avoir occupé de hautes fonctions. Son témoignage est mélancolique et signifiant :"Je ne renie nullement les convictions qui m'ont fait adhérer autrefois au national-socialisme. Mais le parti me demanda d'arrêter les prêtres catholiques qui n'avaient pas son agrément, de mettre la population juive hors la loi et de dissoudre les partis (Hermann Rauschnig, La révolution du nihilisme, 1940, p. 19)
Le cas de Hans Grimm est analogue, même si Grimm, inscrit dans le courant du néoconservatisme agraire, ne fut jamais membre du parti. Julius Jung, adepte d'un idéal communautaire et hostile à l'individualisme libéral ainsi qu'au régime des partis, se trouva en proximité de pensée avec le national-socialisme naissant, puis exprima rapidement son désaccord : en tant que conservateur, il défendait la primauté de la personne humaine, l'État de droit, le fédéralisme et le rôle de la religion. Le 30 juin 1934, il fut assassiné par le pouvoir, avec plusieurs adeptes du même courant.
Comme partout en Europe à cette époque, le courant conservateur allemand regrette l'inéluctable fin des paysans, l'émancipation des femmes et la dégradation des moeurs. Il déplore le remplacement du guerrier par le marchand, de l'homme héroïque par le bourgeois si peu romanesque. Il méprise la démocratie décadente de Weimar. Substantiellement, il est nostalgique de l'âge holiste du Saint Empire, de la société-communauté ou plutôt de l'image idéalisée qu'il s'en fait. Les descriptions par Hitler de l'Europe efféminée, de la décadence politique et morale, son éloge du courage combatif contre l'intelligence crépusculaire : tout cela ne pouvait que plaire aux esprits conservateurs, et les persuader au début qu'ils avaient trouver là le champion capable de porter leurs convictions.
Le nazisme récupéra ainsi un certain nombre de déçus de Weimar et surtout de désespérés de la modernité, qui s'approchèrent de lui pour des raisons négatives, et s'éloignèrent quand ils perçurent la réalité du programme hitlérien. Rauschnig montre bien comment le conservatisme allemand se détruit lui-même dans cette alliance vénéneuse, fût-elle éphémère. D'autant que certains, et il évoque son cas personnel, en acceptant des compromissions dans le genre "faire un bout de chemin ensemble", comme disaient les socialistes à propos des communistes, ébréchaient leur propre conscience :"Nous eûmes tort de tolérer, même provisoirement, l'atteinte portée au droit et à la justice, à l'humanité et à la liberté personnelle."
En tout cas, le fait que le nazisme puisa au départ son fonds de commerce protestataire dans les courants de pensée anti-modernes, est d'un grand secours pour expliquer le destin du populisme contemporain. Cette alliance historique allait contribuer largement à la mise au ban du conservatisme européen, si lié aux idées populistes.
Comment cela est-il possible, puisqu'en réalité, le nazisme aux yeux d'un conservateur, est un nihilisme (c'est d'ailleurs ce que dit Rauschnig), au sens où il prône la tabula rasa, met en coupe réglée toutes les valeurs de la civilisation, récuse avec ardeur la moindre norme y compris morale, défend le positivisme juridique qui n'est autre que le droit du plus fort, exalte la violence nue? Le nazisme ne cherche pas à restaurer une situation perdue (sinon mythique), mais à détruire tout ce qui a toujours été, de façon à faire émerger un monde nouveau et un homme nouveau. Ce qui est bien le contraire de tout conservatisme.
[color=#0000BF][b]La perversion du particularisme
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Dans le cours publié d'Éric Voeglin sur Hitler et les Allemands, le préfacier, ancien auditeur de ces cours, raconte qu'un jour un étudiant posa la question de la séduction exercée par Hitler sur les Allemands, et s'entendit répondre par Voeglin :"Parmi les droits de l'homme, cher Monsieur, ne figure pas le droit d'être un imbécile. Vous n'avez pas le droit d'être un idiot." Autrement dit, cette séduction ne peut recevoir aucune explication, sinon par la bêtise de ceux qui tombent dans le panneau.
On ne peut pas accepter cette explication de Voeglin.
Qu'un courant de pensée ou parti politique soit odieux, cela signifie-t-il qu'il est relayé par des crétins? Que ses supporters se soient trompés, cela les définit-il comme des crétins? Tant d'autres se sont trompés, dont on ne remet pas en cause l'intelligence.
Voeglin pose au départ une question essentielle : le plus intéressant est moins de savoir comment Hitler a pu exister, que de savoir pourquoi les Allemands ont suivi Hitler.
Il parle du "déclin intellectuel et spirituel", d'un "illetrisme spirituel". Je crois qu'il faut distinguer soigneusement l'insuffisance intellectuelle - la bêtise - et l'insuffisance spirituelle - privation de sens, privation de moralité. Il suffit d'observer les sociétés avec un oeil un peu exercé pour remarquer que les individus plein de chaleur spirituelle et de qualités de coeur ne sont pas forcément, loin de là, les plus intelligents ni les plus cultivés. D'ailleurs, les critiques de l'Église ont souvent argué, notamment au XIXe siècle, que la spiritualité prenait racine dans l'imbécilité populaire [...] Ce qui s'est révélé faux également : on peut être un intellectuel croyant, et il n'est pas exigé d'être sot pour croire.
[b]L'idiot et le criminel
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Autant Voeglin avait certainement raison de mettre en avant le phénomène d'effondrement spirituel comme une des conditions de possibilité du nazisme, autant je ne pense pas qu'un effondrement intellectuel puisse être ici un facteur significatif. Il est très probable que la déchristianisation à l'oeuvre pendant tout le XIXe siècle en Europe, a été l'une des conditions de possibilité du développement des doctrines eugénistes et raciales. Un christianisme plus enraciné aurait pu offrir une résistance aux entreprises criminelles, et Emmanuel Todd a démontré que les régions allemandes les plus hostiles au nazisme furent en même temps celles dans lesquelles les religions avaient le mieux survécu.
Lorsque Voeglin dit qu'une société libre aurait pu se développer en Allemagne après 1918 "si les gens s'étaient montrés un peu plus intelligents qu'ils ne l'ont été", je pense qu'il se livre à une confusion. Il insiste en donnant la définition de la bêtise au sens où quelqu'un , à cause de la perte de réalité, se montre incapable d'orienter correctement son action dans le monde dans lequel il vit. Dans ce cas, pourquoi ne faudrait-il pas prêter aux communistes une stupidité définitive, en raison de leur manque patent de réalité?
Je ne pense pas non plus que le manque de culture, et cette prétention de tout savoir qui caractérise les ignorants, soit l'antichambre de la barbarie davantage qu'un intellectualisme poussé. Que le discours de Hitler fût celui de ce que nous appelons aujourd'hui "un con solennel", verbeux et ignare et donnant d'autant plus de leçons qu'il ignore tout, comme le raconte Voeglin à propos d'un écrit de Mann, et comme le confirme Rauschnig, cela n'infère pas sa criminalité. Un très grand nombre de ces "cons solennels" ont accédé au pouvoir et s'y pavannent encore, à tous les niveaux, qui ne sont aucunement criminels. Un homme est moral s'il a été éduqué correctement, et cela n'entre pas du tout en compte dans son intelligence. Si Hitler a été Hitler, ce n'est pas parce qu'il était bête, mais parce qu'il était méchant, l'un étant indépendant de l'autre.
Dire que nous n'avons aucun droit à la bêtise ne saurait avoir de sens que si la bêtise était d'une façon ou d'une autre volontaire. Ce n'est pas le cas. Du pauvre hère qui est crétin de naissance, on ne peut dire s'Il a droit ou non à la bêtise. La question est ailleurs : il est rivé sans le vouloir, et sans doute sans même le savoir, à sa stupidité. C'est pourquoi Voeglin prend soin de différencier deux sortes de bêtises : celle de l'homme simple, qui se trouve incapable de coordonner les éléments de sa pensée entre eux, ce qui ne l'empêche pas éventuellement d'être moral, sociable, sympathique; et puis ce qu'il nomme la "bêtise supérieure", qu'il entend par une perte de réalité, une déshumanisation. Ici il ne s'agit pas d'une faiblesse de l'entendement, mais d'un déraillement de l'esprit, d'une perversion de l'esprit souvent engendrée par l'arrogance, par l'ubris.
Mais ceci est purement théorique, et sans application dans l'histoire des idées, puisqu'on ne voit aucun exemple de dénonciation de la "bêtise supérieure".
[...]
Il apparaît évident aujourd'hui que le communisme représentait un déraillement de l'esprit (et non pas une faiblesse de l'entendement), une prétention à la démiurgie capable de voiler la réalité et par exemple capable de nommer la terreur un bonheur : état qui signe la "bêtise supérieure" dans sa définition même.
Et pourtant personne n'aurait l'idée de conclure à la bêtise de Lénine. Chacun attestera que Lénine était un homme fort intelligent, et l'accusation de bêtise portée à son encontre rendrait ridicule son contradicteur. Lénine était certainement un esprit dévoyé, dont l'intelligence sophistiquée menait à la justification du crime. Nous dirons certainement qu'il était immoral - devenu immoral par amoralisme foncier, c'est à dire par une volonté de supprimer la morale bourgeoise, ce qui finissait par légitimer une inhumanité satisfaite. Il n'avait rien d'un idiot.
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On sait la relation réelle entre le conservatisme allemand du début du XXe siècle et le nazisme commençant. Bien sûr, le nazisme puise à des sources essentiellement païennes, il s'appuie sur l'eugénisme et le darwinisme du XIXe siècle, toutes idées qui n'ont rien à voir avec le conservatisme. Mais il recèle à sa naissance suffisamment d'idées conservatrices pour que les tenants de ce courant aient envie de le suivre, même si nombre d'entre eux l'abandonneront après quelques expériences. C'est le cas d'Hermann Rauschnig, qui s'Inscrit au parti en 1931, et le quitte quelques années plus tard, après y avoir occupé de hautes fonctions. Son témoignage est mélancolique et signifiant :"Je ne renie nullement les convictions qui m'ont fait adhérer autrefois au national-socialisme. Mais le parti me demanda d'arrêter les prêtres catholiques qui n'avaient pas son agrément, de mettre la population juive hors la loi et de dissoudre les partis (Hermann Rauschnig, [i]La révolution du nihilisme[/i], 1940, p. 19)
Le cas de Hans Grimm est analogue, même si Grimm, inscrit dans le courant du néoconservatisme agraire, ne fut jamais membre du parti. Julius Jung, adepte d'un idéal communautaire et hostile à l'individualisme libéral ainsi qu'au régime des partis, se trouva en proximité de pensée avec le national-socialisme naissant, puis exprima rapidement son désaccord : en tant que conservateur, il défendait la primauté de la personne humaine, l'État de droit, le fédéralisme et le rôle de la religion. Le 30 juin 1934, il fut assassiné par le pouvoir, avec plusieurs adeptes du même courant.
Comme partout en Europe à cette époque, le courant conservateur allemand regrette l'inéluctable fin des paysans, l'émancipation des femmes et la dégradation des moeurs. Il déplore le remplacement du guerrier par le marchand, de l'homme héroïque par le bourgeois si peu romanesque. Il méprise la démocratie décadente de Weimar. Substantiellement, il est nostalgique de l'âge holiste du Saint Empire, de la société-communauté ou plutôt de l'image idéalisée qu'il s'en fait. Les descriptions par Hitler de l'Europe efféminée, de la décadence politique et morale, son éloge du courage combatif contre l'intelligence crépusculaire : tout cela ne pouvait que plaire aux esprits conservateurs, et les persuader au début qu'ils avaient trouver là le champion capable de porter leurs convictions.
Le nazisme récupéra ainsi un certain nombre de déçus de Weimar et surtout de désespérés de la modernité, qui s'approchèrent de lui pour des raisons négatives, et s'éloignèrent quand ils perçurent la réalité du programme hitlérien. Rauschnig montre bien comment le conservatisme allemand se détruit lui-même dans cette alliance vénéneuse, fût-elle éphémère. D'autant que certains, et il évoque son cas personnel, en acceptant des compromissions dans le genre "faire un bout de chemin ensemble", comme disaient les socialistes à propos des communistes, ébréchaient leur propre conscience :"Nous eûmes tort de tolérer, même provisoirement, l'atteinte portée au droit et à la justice, à l'humanité et à la liberté personnelle."
En tout cas, le fait que le nazisme puisa au départ son fonds de commerce protestataire dans les courants de pensée anti-modernes, est d'un grand secours pour expliquer le destin du populisme contemporain. Cette alliance historique allait contribuer largement à la mise au ban du conservatisme européen, si lié aux idées populistes.
Comment cela est-il possible, puisqu'en réalité, le nazisme aux yeux d'un conservateur, est un nihilisme (c'est d'ailleurs ce que dit Rauschnig), au sens où il prône la [i]tabula rasa[/i], met en coupe réglée toutes les valeurs de la civilisation, récuse avec ardeur la moindre norme y compris morale, défend le positivisme juridique qui n'est autre que le droit du plus fort, exalte la violence nue? Le nazisme ne cherche pas à restaurer une situation perdue (sinon mythique), mais à détruire tout ce qui a toujours été, de façon à faire émerger un monde nouveau et un homme nouveau. Ce qui est bien le contraire de tout conservatisme.[/color]