par Cinci » lun. 29 févr. 2016, 6:50
Dans la contre-histoire du libéralisme ...
«... le
Liverpool Courrier du 22 août 1832 calculait que les 3/4 du café britannique, les 15/16 de son coton, les 22/23 de son sucre et les 34/35 de son tabac étaient produits par l'esclavage (Seymour Drescher, Capitalism and antislavery, 1776-1848, Oxford Univesity Press, 1987, p.174)»
«... on pense au discours du théoricien du Sud déjà cité [John Calhoun, USA]. En effet, en 1864, la
Saturday Review - il s'agit ici d'une revue diffusée parmi les classes moyennes et supérieures - constate que les pauvres constituent en Angleterre «une caste séparée, une race», placée dans une condition sociale qui ne change pas «du berceau à la tombe», et qui est séparée du reste de la société par des barrières semblables à celles qui subsistent en Amérique entre blancs et noirs. La respectable revue anglaise poursuit ainsi :
- De l'adolescent ou de l'homme pauvre anglais on attend qu'il se souvienne toujours de la condition dans laquelle Dieu l'a placé, exactement comme on attend du Nègre qu'il se souvienne de la peau que Dieu lui a donnée. Dans les deux cas, la relation est celle qui subsiste entre un supérieur perpétuel et un inférieur perpétuel, entre un chef et un dépendant : pour grande qu'elle puisse être, aucune gentillesse ou bonté ne peut altérer cette relation. (Douglas A. Lorimer, Colour, Class and the Victorians, p.104)
A l'apartheid racial semble correspondre une sorte d'apartheid social. Dans l'Angleterre du XVIIIe siècle, Charles Seymour, duc de Somerset, fait précéder son carosse d'avant-courriers chargés de dégager la route de façon à épargner au gentilhomme la gêne de croiser des personnes et des regards plébéiens. Un siècle plus tard, une sorte de ségrégation entre les différentes classes sociales existe encore dans les églises anglaises; et le Cahier de doléances déjà cité, écrit par les paysans, se plaint du fait que, même dans de telles circonstances, l'aristocrate ait recours à un rideau afin de se protéger de tout «regard vulgaire».
Quand plus tard Senior visite Naples, ce qui l'indigne, c'est le mélange des rangs sociaux :«Sous des climats plus froids, les classes inférieures restent à la maison; ici, elles vivent dans la rue. Pire, elles sont si peu distantes des classes supérieures qu'elles habitent dans les souterrains des palais seigneuriaux. Résultat : vous ne pouvez jamais échapper à la vue ni même au contact d'une dégradation repoussante. (Nassau William Senior, cité in Hugh Brogan,
Alexis de Tocqueville. Oeuvres Complètes, vol, VI, p.52)
Qu'est-ce que le libéralisme?
«... John C, Calhoun [...] éminent homme d'État, vice-président des États-Unis au milieu du XIXe siècle, élève un hymne passionné à la liberté de l'individu, qu'il défend énergiquement, en se référant à Locke lui-même, contre tout abus et contre tout ingérence excessive du pouvoir d'État.
Mais il ne s'en tient pas là. Il ne cesse de critiquer et de condamner les gouvernements absolus et la concentration de pouvoir, mais aussi le fanatisme et l'esprit de croisade, auxquels il oppose le compromis comme principe inspirateur des authentiques gouvernements constitutionnels. Avec la même éloquence, Calhoun défend les droits des minorités. Il ne s'agit pas seulement de garantir, par le vote, l'alternance au gouvernement de différents partis : un excès de pouvoir est toujours inacceptable, même limité dans le temps [...] Il n'y a aucun doute : toutes les caractéristiques de la pensée libérale la plus aboutie et la plus séduisante semblent réunies ici.
Sauf que, Calhoun, dédaignant par ailleurs les demi-mesures et la timidité ou les craintes de ceux qui se bornent à l'accepter comme un mal nécéssaire, déclare au contraire que l'
esclavage est «un bien positif», auquel la civilisation ne peut en aucun cas renoncer. Bien sûr, il ne cesse de dénoncer l'«esprit de croisade», mais non pas pour remettre en cause l'asservissement des Noirs ou la chasse impitoyable aux esclaves fugitifs; il s'agit toujours et seulement de stigmatiser les abolitionnistes, ces «fanatiques aveugles», qui considèrent que c'est leur obligation la plus sacrée de concentrer tous leurs efforts pour détruire l'esclavage, forme de propriété légitime et garantie par la Constitution.
Alors Calhoun est-il libéral? Lord Acton, figure de premier plan du libéralisme de la seconde moitié du XIXe siècle et ami de William E. Gladstone, l'un des personnages les plus influents de l'Angleterre d'alors, n'a
aucun doute à ce sujet : Calhoun est un champion de la lutte contre l'
absolutisme sous toutes ses formes, y compris l'
absolutisme démocratique; les arguments qu'Il utilise sont la «véritable perfection de la politique» [C'est Lord Acton qui parle] Bref, avec Calhoun, on a affaire à l'un des grands auteurs et des grands esprits de la tradition et du panthéon libéraux. [...]
Une maison d'édition américaine n'a pas hésiter à republier, selon une approche néolibérale, des «Classiques de la liberté» parmi lesquels figure bien ce grand homme d'État, idéologue du Sud esclavagiste. (John C, Calhoun,
Union and Liberty, Liberty Classics, Indianapolis, 1992)
John Locke
«... le digne père du libéralisme [...] considère lui aussi que l'esclavage va de soi dans les colonies [...] Locke en personne contribue, en Caroline, à la mise en forme juridique de cette institution. Il participe à la rédaction de la règle constitutionnelle selon laquelle «tout citoyen libre de la Caroline exerce un pouvoir et une autorité sans limite sur ses esclaves noirs, quelles que soient les opinions de ceux-ci ou leur religion».
John Locke est le dernier grand philosophe qui ait cherché à justifier l'esclavage absolu et perpétuel. Cela ne l'empêche pas d'ailleurs de stigmatiser avec des mots enflammés l' «esclavage politique» que la monarchie absolue voudrait imposer; de même pour Calhoun, la théorisation de l'esclavage noir comme «bien positif» va de pair avec la mise en garde contre une concentration des pouvoirs qui risque des transformer les gouvernés en esclaves des gouvernants.
Prenons maintenant un contemporain de Locke, Andrew Fletcher, qui est un «champion de la liberté», et, en même temps, un «
champion de l'esclavage». Sur le plan politique, il se déclare «républicain par principe». Sur le plan culturel, c'est un prophète écossais des Lumières. [...] La renommée de Fletcher franchit même l'Atlantique : Thomas Jefferson le définit comme un «patriote», auquel revient le mérite d'avoir exprimé les principes politiques appartenant «aux passages les plus purs de la Constitution britannique, ceux qui se sont ensuite implantés et prospérés dans la libre Amérique». (Thomas Jefferson,
Writings, Library of America, New-York, 1984
«...
l'esclavage a été aboli aux États-Unis, non par l'autogouvernement local, mais
par la poigne de fer de l'armée de l'Union et de la dictature militaire qu'elle a momentanément imposée. Dans cette situation, Lincoln est accusé de despotisme et de jacobinisme : il a recours à des «gouvernements militaires»; pour lui le mot «loi» signifie la «volonté du président» et l'
habeas corpus le pouvoir du président d'emprisonner tout un chacun et pour la période qui lui agrée. »
Hollande, Angleterre, Amérique
Si, avant de se constituer en État indépendant, les colonies rebelles d'Amérique font partie de l'Empire anglais, celui-ci ne devient libéral qu'à partir de l'accès au trône de Guillaume III d'Orange, venu tout droit de Hollande. D'autre part, si Locke, avec son projet de
Constitution de la Caroline, se réfère à l'Amérique, c'est en Hollande, qui est à ce moment-là le «centre de la conspiration contre l'absolutisme Stuart», qu'il écrit sa première
Lettre sur la tolérance [...] On ne doit pas perdre de vue le fait que les Provinces-Unies, nées de la lutte contre l'Espagne de Philippe II, se sont dotées d'une organisation de type libéral un siècle avant l'Angleterre [...] La structure de pouvoir est elle aussi très significative : dans un pays qui est sorti victorieux du conflit contre Philippe II, il s'agit d'une oligarchie bourgeoise qui a rompu définitivement avec l'ethos de l'aristocratie terrienne. Ce sont ces bourgeois éclairés et tolérants, libéraux, qui se lancent dans l'expansion coloniale; et, à cette époque, la traite des Noirs en fait partie :
- Ce sont les Hollandais qui inaugurèrent le commerce d'esclaves à grande échelle, pour alimenter les plantations sucrières (Immanuel Wallenstein, Le système du monde du XVe siècle à nos jours, Paris, Flammarion, 1984)
Dans le
Candide de Voltaire, ce qui porte un coup très dur à l'optimisme du personnage principal, c'est la rencontre au Surinam («appartenant aux Hollandais») avec un esclave noir, réduit à un état horrible par un patron hollandais. L'esclave se réfère ainsi aux conditions de travail auxquelles il est soumis :
- Quand nous travaillons aux sucreries, et que la meule nous attrape le doigt, ou nous coupe la main : quand nous voulons nous enfuir, on nous coupe la jambe : je me suis trouvé dans les deux cas. C'est à ce prix que vous mangez du sucre en Europe.
Le premier pays à emprunter la voie du libéralisme est celui qui manifestât un attachement particulièrement tenace à l'institution de l'esclavage. Ce sont des colons hollandais qui, apparemment, ont opposés la résistance la plus acharnée aux premières mesures abolitionnistes, celles qui ont été introduites au nord des États-Unis pendant et sur la lancée de la révolution. Pour ce qui est de la Hollande proprement dite, les états généraux qui s'y tiennent en 1791 déclarent formellement que la traite des Noirs est essentielle au développement et à la prospérité et au commerce des colonies. [...] Il faut se souvenir que la Hollande n'abolit l'esclavage dans ses colonies qu'en 1863, au moment où la Confédération sécessionniste et esclavagiste du Sud des États-Unis s'achemine vers la défaite.
Dans la contre-histoire du libéralisme ...
«... le [i]Liverpool Courrier[/i] du 22 août 1832 calculait que les 3/4 du café britannique, les 15/16 de son coton, les 22/23 de son sucre et les 34/35 de son tabac étaient produits par l'esclavage (Seymour Drescher, Capitalism and antislavery, 1776-1848, Oxford Univesity Press, 1987, p.174)»
«... on pense au discours du théoricien du Sud déjà cité [John Calhoun, USA]. En effet, en 1864, la [i]Saturday Review[/i] - il s'agit ici d'une revue diffusée parmi les classes moyennes et supérieures - constate que les pauvres constituent en Angleterre «une caste séparée, une race», placée dans une condition sociale qui ne change pas «du berceau à la tombe», et qui est séparée du reste de la société par des barrières semblables à celles qui subsistent en Amérique entre blancs et noirs. La respectable revue anglaise poursuit ainsi :
[list] De l'adolescent ou de l'homme pauvre anglais on attend qu'il se souvienne toujours de la condition dans laquelle Dieu l'a placé, exactement comme on attend du Nègre qu'il se souvienne de la peau que Dieu lui a donnée. Dans les deux cas, la relation est celle qui subsiste entre un supérieur perpétuel et un inférieur perpétuel, entre un chef et un dépendant : pour grande qu'elle puisse être, aucune gentillesse ou bonté ne peut altérer cette relation. (Douglas A. Lorimer, [i]Colour, Class and the Victorians[/i], p.104) [/list]
A l'apartheid racial semble correspondre une sorte d'apartheid social. Dans l'Angleterre du XVIIIe siècle, Charles Seymour, duc de Somerset, fait précéder son carosse d'avant-courriers chargés de dégager la route de façon à épargner au gentilhomme la gêne de croiser des personnes et des regards plébéiens. Un siècle plus tard, une sorte de ségrégation entre les différentes classes sociales existe encore dans les églises anglaises; et le Cahier de doléances déjà cité, écrit par les paysans, se plaint du fait que, même dans de telles circonstances, l'aristocrate ait recours à un rideau afin de se protéger de tout «regard vulgaire».
Quand plus tard Senior visite Naples, ce qui l'indigne, c'est le mélange des rangs sociaux :«Sous des climats plus froids, les classes inférieures restent à la maison; ici, elles vivent dans la rue. Pire, elles sont si peu distantes des classes supérieures qu'elles habitent dans les souterrains des palais seigneuriaux. Résultat : vous ne pouvez jamais échapper à la vue ni même au contact d'une dégradation repoussante. (Nassau William Senior, cité in Hugh Brogan, [i]Alexis de Tocqueville. Oeuvres Complètes[/i], vol, VI, p.52)
[b]Qu'est-ce que le libéralisme?[/b]
«... John C, Calhoun [...] éminent homme d'État, vice-président des États-Unis au milieu du XIXe siècle, élève un hymne passionné à la liberté de l'individu, qu'il défend énergiquement, en se référant à Locke lui-même, contre tout abus et contre tout ingérence excessive du pouvoir d'État.
Mais il ne s'en tient pas là. Il ne cesse de critiquer et de condamner les gouvernements absolus et la concentration de pouvoir, mais aussi le fanatisme et l'esprit de croisade, auxquels il oppose le compromis comme principe inspirateur des authentiques gouvernements constitutionnels. Avec la même éloquence, Calhoun défend les droits des minorités. Il ne s'agit pas seulement de garantir, par le vote, l'alternance au gouvernement de différents partis : un excès de pouvoir est toujours inacceptable, même limité dans le temps [...] Il n'y a aucun doute : toutes les caractéristiques de la pensée libérale la plus aboutie et la plus séduisante semblent réunies ici.
Sauf que, Calhoun, dédaignant par ailleurs les demi-mesures et la timidité ou les craintes de ceux qui se bornent à l'accepter comme un mal nécéssaire, déclare au contraire que l'[b]esclavage est «un bien positif», auquel la civilisation ne peut en aucun cas renoncer[/b]. Bien sûr, il ne cesse de dénoncer l'«esprit de croisade», mais non pas pour remettre en cause l'asservissement des Noirs ou la chasse impitoyable aux esclaves fugitifs; il s'agit toujours et seulement de stigmatiser les abolitionnistes, ces «fanatiques aveugles», qui considèrent que c'est leur obligation la plus sacrée de concentrer tous leurs efforts pour détruire l'esclavage, forme de propriété légitime et garantie par la Constitution.
Alors Calhoun est-il libéral? Lord Acton, figure de premier plan du libéralisme de la seconde moitié du XIXe siècle et ami de William E. Gladstone, l'un des personnages les plus influents de l'Angleterre d'alors, n'a [b]aucun doute à ce sujet[/b] : Calhoun est un champion de la lutte contre l'[i]absolutisme[/i] sous toutes ses formes, y compris l'[i]absolutisme démocratique[/i]; les arguments qu'Il utilise sont la «véritable perfection de la politique» [C'est Lord Acton qui parle] Bref, avec Calhoun, on a affaire à l'un des grands auteurs et des grands esprits de la tradition et du panthéon libéraux. [...]
Une maison d'édition américaine n'a pas hésiter à republier, selon une approche néolibérale, des «Classiques de la liberté» parmi lesquels figure bien ce grand homme d'État, idéologue du Sud esclavagiste. (John C, Calhoun, [i]Union and Liberty[/i], Liberty Classics, Indianapolis, 1992)
[b]John Locke[/b]
«... le digne père du libéralisme [...] considère lui aussi que l'esclavage va de soi dans les colonies [...] Locke en personne contribue, en Caroline, à la mise en forme juridique de cette institution. Il participe à la rédaction de la règle constitutionnelle selon laquelle «tout citoyen libre de la Caroline exerce un pouvoir et une autorité sans limite sur ses esclaves noirs, quelles que soient les opinions de ceux-ci ou leur religion».
John Locke est le dernier grand philosophe qui ait cherché à justifier l'esclavage absolu et perpétuel. Cela ne l'empêche pas d'ailleurs de stigmatiser avec des mots enflammés l' «esclavage politique» que la monarchie absolue voudrait imposer; de même pour Calhoun, la théorisation de l'esclavage noir comme «bien positif» va de pair avec la mise en garde contre une concentration des pouvoirs qui risque des transformer les gouvernés en esclaves des gouvernants.
Prenons maintenant un contemporain de Locke, Andrew Fletcher, qui est un «champion de la liberté», et, en même temps, un «[b]champion de l'esclavage[/b]». Sur le plan politique, il se déclare «républicain par principe». Sur le plan culturel, c'est un prophète écossais des Lumières. [...] La renommée de Fletcher franchit même l'Atlantique : Thomas Jefferson le définit comme un «patriote», auquel revient le mérite d'avoir exprimé les principes politiques appartenant «aux passages les plus purs de la Constitution britannique, ceux qui se sont ensuite implantés et prospérés dans la libre Amérique». (Thomas Jefferson, [i]Writings[/i], Library of America, New-York, 1984
«...[b] l'esclavage a été aboli aux États-Unis[/b], non par l'autogouvernement local, mais [b]par la poigne de fer de l'armée de l'Union[/b] et de la dictature militaire qu'elle a momentanément imposée. Dans cette situation, Lincoln est accusé de despotisme et de jacobinisme : il a recours à des «gouvernements militaires»; pour lui le mot «loi» signifie la «volonté du président» et l'[i]habeas corpus[/i] le pouvoir du président d'emprisonner tout un chacun et pour la période qui lui agrée. »
Hollande, Angleterre, Amérique
Si, avant de se constituer en État indépendant, les colonies rebelles d'Amérique font partie de l'Empire anglais, celui-ci ne devient libéral qu'à partir de l'accès au trône de Guillaume III d'Orange, venu tout droit de Hollande. D'autre part, si Locke, avec son projet de [i]Constitution de la Caroline[/i], se réfère à l'Amérique, c'est en Hollande, qui est à ce moment-là le «centre de la conspiration contre l'absolutisme Stuart», qu'il écrit sa première[i] Lettre sur la tolérance[/i] [...] On ne doit pas perdre de vue le fait que les Provinces-Unies, nées de la lutte contre l'Espagne de Philippe II, se sont dotées d'une organisation de type libéral un siècle avant l'Angleterre [...] La structure de pouvoir est elle aussi très significative : dans un pays qui est sorti victorieux du conflit contre Philippe II, il s'agit d'une oligarchie bourgeoise qui a rompu définitivement avec l'ethos de l'aristocratie terrienne. Ce sont ces bourgeois éclairés et tolérants, libéraux, qui se lancent dans l'expansion coloniale; et, à cette époque, la traite des Noirs en fait partie :
[list]Ce sont les Hollandais qui inaugurèrent le commerce d'esclaves à grande échelle, pour alimenter les plantations sucrières (Immanuel Wallenstein, [u]Le système du monde du XVe siècle à nos jours[/u], Paris, Flammarion, 1984)[/list]
Dans le [i]Candide[/i] de Voltaire, ce qui porte un coup très dur à l'optimisme du personnage principal, c'est la rencontre au Surinam («appartenant aux Hollandais») avec un esclave noir, réduit à un état horrible par un patron hollandais. L'esclave se réfère ainsi aux conditions de travail auxquelles il est soumis :
[size=85][list]Quand nous travaillons aux sucreries, et que la meule nous attrape le doigt, ou nous coupe la main : quand nous voulons nous enfuir, on nous coupe la jambe : je me suis trouvé dans les deux cas. C'est à ce prix que vous mangez du sucre en Europe. [/list][/size]
Le premier pays à emprunter la voie du libéralisme est celui qui manifestât un attachement particulièrement tenace à l'institution de l'esclavage. Ce sont des colons hollandais qui, apparemment, ont opposés la résistance la plus acharnée aux premières mesures abolitionnistes, celles qui ont été introduites au nord des États-Unis pendant et sur la lancée de la révolution. Pour ce qui est de la Hollande proprement dite, les états généraux qui s'y tiennent en 1791 déclarent formellement que la traite des Noirs est essentielle au développement et à la prospérité et au commerce des colonies. [...] Il faut se souvenir que la Hollande n'abolit l'esclavage dans ses colonies qu'en 1863, au moment où la Confédération sécessionniste et esclavagiste du Sud des États-Unis s'achemine vers la défaite.