par Fée Violine » dim. 01 sept. 2013, 0:20
Chapitre 3. L'image du monde des temps modernes se désagrège. Une autre apparaît
- Ces trois éléments (nature, personnalité/sujet, culture) étaient jusqu'à présent tenus pour inaliénables, mais ils perdent de leur valeur ; sans nier les bénéfices apportés par les temps modernes.
- Vers 1930, changement dans les rapports avec la nature. Elle n'est plus vue comme maternelle mais plutôt étrangère et dangereuse. Le monde n'est plus divin, infini (cf. Giordano Bruno), rassurant, ni une norme valable (contrairement à la technique).
La nature est juste un espace et une matière pour une oeuvre. Aux temps modernes on ne se souciait que d'utilité et de bien-être mais pas des dévastations causées. Dans les temps qui commencent, l'homme sait que ce qui est en jeu dans la technique, c'est surtout la domination. "L'homme cherche à saisir les éléments de la nature comme ceux de l'existence humaine, ce qui représente des possibilités infinies d'édifier, mais aussi de détruire, surtout quand il s'agit de la nature humaine, beaucoup moins ferme et assurée en soi qu'on ne le pense généralement. Il y a donc là un danger absolu et croissant à l'infini du fait que c'est l'État anonyme qui exerce son emprise".
- Changement aussi dans les rapports avec la personnalité et le sujet. Le sujet était maître de lui-même, mais avec la technique, "l'idée de personnalité créatrice qui édifie son propre moi, ainsi que celle de sujet autonome, n'est évidemment plus la norme". Maintenant c'est l'homme de la masse. Avant, la masse était constituée d'êtres qui pouvaient "devenir des individus et se créer leur vie propre". Mais la masse actuelle est quelque chose de différent, tout est soumis à une organisation qui semble raisonnable et l'homme obéit au programme. "Il semble de plus en plus naturel de considérer les hommes comme des objets" (administration et statistiques; violations des individus, des groupes, des peuples). L'homme doit faire attention de sauver un minimum de ce qui fait sa qualité d'homme.
"Le fait humain essentiel, c'est d'être une personne, appelée par Dieu et donc apte à répondre d'elle-même et à intervenir dans la réalité en vertu d'une force intérieure qui la rend capable de poser un commencement". "Le nivellement qu'apporte le grand nombre conduira-t-il uniquement à la perte de la personnalité, ou aussi à celle de la personne? On peut accepter la première éventualité, non la seconde". Dans ce processus il y a du positif : la camaraderie, d'où possibilité de reconquérir des valeurs humaines (bonté, compréhension, justice). Sinon, l'homme succombera aux forces anonymes.
Avec le développement de la technique, les rapports homme/nature changent, deviennent plus abstraits, indirects. "Le contenu de ses actes ne peut plus être pour lui objet d'expérience", il devient "non-humain" (ce terme n'est pas un jugement de valeur) (mais on peut dire aussi qu'un mode de sentir indirect se développe. D'où accès à l'art abstrait).
La nature n'est plus naturelle. Bien sûr il reste des fleurs, des jardins, des montagnes, des étoiles, mais attention à tout ce qui tend à faire disparaître la libre nature. "Au nom de la plus élémentaire légitime défense, l'homme doit s'efforcer de retrouver le caractère premier de son être, esprit et corps, de se retrouver chez lui dans le monde perdu des symboles"; et aussi pour ce qui concerne la santé, l'éducation, la culture.
- Changement culturel.
"L'homme des temps modernes est convaincu qu'il se trouve enfin face à la réalité". Il a foi dans le progrès. Maintenant nous comprenons que c'était une erreur.
Cette culture a été critiquée (par Rousseau; par les chrétiens). "Aujourd'hui le doute et la critique viennent de la culture elle-même (...) parce qu'on ne peut pas faire confiance à l'oeuvre humaine, pas plus qu'à la nature". La culture (science, philosophie, pédagogie, littérature, sociologie) des temps modernes s'est trompée sur l'homme (matérialisme, idéalisme, existentialisme). "L'homme que conçoivent les temps modernes n'existe pas". L'homme est "une personne finie qui existe en tant que telle (...), appelée par Dieu, en relation avec les choses et avec les autres personnes". "L'homme des temps modernes pense que tout accroissement de pouvoir est en soi un progrès": en fait, c'est ambivalent, la possibilité de mal utiliser sa puissance est de plus en plus grande car la conscience n'augmente pas en même temps que la technique. La puissance devient démoniaque, au vrai sens du terme; car personne n'est responsable, la puissance vit pour ainsi dire par elle-même, elle est sans maître. "Quand la conscience de l'homme n'assume pas la responsabilité de la puissance, les démons en prennent possession (...): des êtres spirituels, créés bons par Dieu, mais déchus, séparés de lui, qui ont opté pour le mal et sont maintenant résolus à perdre sa création. Ce sont ces démons qui régissent la puissance de l'homme : par ses instincts apparemment naturels mais rebelles en réalité; par sa logique apparemment si serrée mais en réalité si influençable; par son égoïsme si démuni sous toutes les violences. Lorsqu'on considère l'histoire des dernières années sans préjugés rationalistes et naturalistes, son comportement et ses dispositions psychologiques et spirituelles parlent assez clairement".
(à suivre)
Chapitre 3. L'image du monde des temps modernes se désagrège. Une autre apparaît
- Ces trois éléments (nature, personnalité/sujet, culture) étaient jusqu'à présent tenus pour inaliénables, mais ils perdent de leur valeur ; sans nier les bénéfices apportés par les temps modernes.
- Vers 1930, changement dans les rapports avec la nature. Elle n'est plus vue comme maternelle mais plutôt étrangère et dangereuse. Le monde n'est plus divin, infini (cf. Giordano Bruno), rassurant, ni une norme valable (contrairement à la technique).
La nature est juste un espace et une matière pour une oeuvre. Aux temps modernes on ne se souciait que d'utilité et de bien-être mais pas des dévastations causées. Dans les temps qui commencent, l'homme sait que ce qui est en jeu dans la technique, c'est surtout la domination. "L'homme cherche à saisir les éléments de la nature comme ceux de l'existence humaine, ce qui représente des possibilités infinies d'édifier, mais aussi de détruire, surtout quand il s'agit de la nature humaine, beaucoup moins ferme et assurée en soi qu'on ne le pense généralement. Il y a donc là un danger absolu et croissant à l'infini du fait que c'est l'État anonyme qui exerce son emprise".
- Changement aussi dans les rapports avec la personnalité et le sujet. Le sujet était maître de lui-même, mais avec la technique, "l'idée de personnalité créatrice qui édifie son propre moi, ainsi que celle de sujet autonome, n'est évidemment plus la norme". Maintenant c'est l'homme de la masse. Avant, la masse était constituée d'êtres qui pouvaient "devenir des individus et se créer leur vie propre". Mais la masse actuelle est quelque chose de différent, tout est soumis à une organisation qui semble raisonnable et l'homme obéit au programme. "Il semble de plus en plus naturel de considérer les hommes comme des objets" (administration et statistiques; violations des individus, des groupes, des peuples). L'homme doit faire attention de sauver un minimum de ce qui fait sa qualité d'homme.
"Le fait humain essentiel, c'est d'être une personne, appelée par Dieu et donc apte à répondre d'elle-même et à intervenir dans la réalité en vertu d'une force intérieure qui la rend capable de poser un commencement". "Le nivellement qu'apporte le grand nombre conduira-t-il uniquement à la perte de la personnalité, ou aussi à celle de la personne? On peut accepter la première éventualité, non la seconde". Dans ce processus il y a du positif : la camaraderie, d'où possibilité de reconquérir des valeurs humaines (bonté, compréhension, justice). Sinon, l'homme succombera aux forces anonymes.
Avec le développement de la technique, les rapports homme/nature changent, deviennent plus abstraits, indirects. "Le contenu de ses actes ne peut plus être pour lui objet d'expérience", il devient "non-humain" (ce terme n'est pas un jugement de valeur) (mais on peut dire aussi qu'un mode de sentir indirect se développe. D'où accès à l'art abstrait).
La nature n'est plus naturelle. Bien sûr il reste des fleurs, des jardins, des montagnes, des étoiles, mais attention à tout ce qui tend à faire disparaître la libre nature. "Au nom de la plus élémentaire légitime défense, l'homme doit s'efforcer de retrouver le caractère premier de son être, esprit et corps, de se retrouver chez lui dans le monde perdu des symboles"; et aussi pour ce qui concerne la santé, l'éducation, la culture.
- Changement culturel.
"L'homme des temps modernes est convaincu qu'il se trouve enfin face à la réalité". Il a foi dans le progrès. Maintenant nous comprenons que c'était une erreur.
Cette culture a été critiquée (par Rousseau; par les chrétiens). "Aujourd'hui le doute et la critique viennent de la culture elle-même (...) parce qu'on ne peut pas faire confiance à l'oeuvre humaine, pas plus qu'à la nature". La culture (science, philosophie, pédagogie, littérature, sociologie) des temps modernes s'est trompée sur l'homme (matérialisme, idéalisme, existentialisme). "L'homme que conçoivent les temps modernes n'existe pas". L'homme est "une personne finie qui existe en tant que telle (...), appelée par Dieu, en relation avec les choses et avec les autres personnes". "L'homme des temps modernes pense que tout accroissement de pouvoir est en soi un progrès": en fait, c'est ambivalent, la possibilité de mal utiliser sa puissance est de plus en plus grande car la conscience n'augmente pas en même temps que la technique. La puissance devient démoniaque, au vrai sens du terme; car personne n'est responsable, la puissance vit pour ainsi dire par elle-même, elle est sans maître. "Quand la conscience de l'homme n'assume pas la responsabilité de la puissance, les démons en prennent possession (...): des êtres spirituels, créés bons par Dieu, mais déchus, séparés de lui, qui ont opté pour le mal et sont maintenant résolus à perdre sa création. Ce sont ces démons qui régissent la puissance de l'homme : par ses instincts apparemment naturels mais rebelles en réalité; par sa logique apparemment si serrée mais en réalité si influençable; par son égoïsme si démuni sous toutes les violences. Lorsqu'on considère l'histoire des dernières années sans préjugés rationalistes et naturalistes, son comportement et ses dispositions psychologiques et spirituelles parlent assez clairement".
(à suivre)