Droits de l'Homme et Évangile ?

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Déclaration universelle des Droits de l'Homme de 1948

par Christophe » mar. 14 juin 2005, 22:12

Pour partir sur des bases saines, je me permets de reproduire la-dite déclaration...

[align=center]Déclaration universelle des Droits de l'Homme de 1948[/align]

[+] Texte masqué
[align=justify]PRÉAMBULE

Considérant que la reconnaissance de la dignité inhérente à tous les membres de la famille humaine et de leurs droits égaux et inaliénables constitue le fondement de la liberté, de la justice et de la paix dans le monde.

Considérant que la méconnaissance et le mépris des droits de l'homme ont conduit à des actes de barbarie qui révoltent la conscience de l'humanité et que l'avènement d'un monde où les êtres humains seront libres de parler et de croire, libérés de la terreur et de la misère, a été proclamé comme la plus haute aspiration de l'homme.

Considérant qu'il est essentiel que les droits de l'homme soient protégés par un régime de droit pour que l'homme ne soit pas contraint, en suprême recours, à la révolte contre la tyrannie et l'oppression.

Considérant qu'il est essentiel d'encourager le développement de relations amicales entre nations.

Considérant que dans la Charte les peuples des Nations Unies ont proclamé à nouveau leur foi dans les droits fondamentaux de l'homme, dans la dignité et la valeur de la personne humaine, dans l'égalité des droits des hommes et des femmes, et qu'ils se sont déclarés résolusà favoriser le progrès social et à instaurer de meilleures conditions de vie dans une liberté plus grande.

Considérant que les États Membres se sont engagés à assurer, en coopération avec l'Organisation des Nations Unies, le respect universel et effectif des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Considérant qu'une conception commune de ces droits et libertés est de la plus haute importance pour remplir pleinement cet engagement.

L'Assemblée Générale proclame la présente Déclaration Universelle des Droits de l'Homme comme l'idéal commun à atteindre par tous les peuples et toutes les nations afin que tous les individus et tous les organes de la société, ayant cette Déclaration constamment à l'esprit, s'efforcent, par l'enseignement et l'éducation, de développer le respect de ces droits et libertés et d'en assurer, par des mesures progressives d'ordre national et international, la reconnaissance et l'application universelles et effectives, tant parmi les populations des États Membres eux-mêmes que parmi celles des territoires placés sous leur juridiction.


Article premier.

Tous les êtres humains naissent libres et égaux en dignité et en droits. Ils sont doués de raison et de conscience et doivent agir les uns envers les autres dans un esprit de fraternité.


Article 2.

Chacun peut se prévaloir de tous les droits et de toutes les libertés proclamés dans la présente Déclaration, sans distinction aucune, notamment de race, de couleur, de sexe, de langue, de religion, d'opinion politique ou de toute autre opinion, d'origine nationale ou sociale, de fortune, de naissance ou de toute autre situation.

De plus, il ne sera fait aucune distinction fondée sur le statut politique, juridique ou international du pays ou du territoire dont une personne est ressortissante, que ce pays ou territoire soit indépendant, sous tutelle, non autonome ou soumis à une limitation quelconque de souveraineté.


Article 3.

Tout individu a droit à la vie, à la liberté et à la sûreté de sa personne.


Article 4.

Nul ne sera tenu en esclavage ni en servitude; l'esclavage et la traite des esclaves sont interdits sous toutes leurs formes.


Article 5.

Nul ne sera soumis à la torture, ni à des peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants.


Article 6.

Chacun a le droit à la reconnaissance en tous lieux de sa personnalité juridique.


Article 7.

Tous sont égaux devant la loi et ont droit sans distinction à une égale protection de la loi. Tous ont droit à une protection égale contre toute discrimination qui violerait la présente Déclaration et contre toute provocation à une telle discrimination.


Article 8.

Toute personne a droit à un recours effectif devant les juridictions nationales compétentes contre les actes violant les droits fondamentaux qui lui sont reconnus par la constitution ou par la loi.


Article 9.

Nul ne peut être arbitrairement arrêté, détenu ou exilé.


Article 10.

Toute personne a droit, en pleine égalité, à ce que sa cause soit entendue équitablement et publiquement par un tribunal indépendant et impartial, qui décidera, soit de ses droits et obligations, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle.


Article 11.

Toute personne accusée d'un acte délictueux est présumée innocente jusqu'à ce que sa culpabilité ait été légalement établie au cours d'un procès public où toutes les garanties nécessaires à sa défense lui auront été assurées.

Nul ne sera condamné pour des actions ou omissions qui, au moment où elles ont été commises, ne constituaient pas un acte délictueux d'après le droit national ou international. De même, il ne sera infligé aucune peine plus forte que celle qui était applicable au moment où l'acte délictueux a été commis.


Article 12.

Nul ne sera l'objet d'immixtions arbitraires dans sa vie privée, sa famille, son domicile ou sa correspondance, ni d'atteintes à son honneur et à sa réputation. Toute personne a droit à la protection de la loi contre de telles immixtions ou de telles atteintes.


Article 13.

Toute personne a le droit de circuler librement et de choisir sa résidence à l'intérieur d'un État.

Toute personne a le droit de quitter tout pays, y compris le sien, et de revenir dans son pays.


Article 14.

Devant la persécution, toute personne a le droit de chercher asile et de bénéficier de l'asile en d'autres pays.

Ce droit ne peut être invoqué dans le cas de poursuites réellement fondées sur un crime de droit commun ou sur des agissements contraires aux buts et aux principes des Nations Unies.


Article 15.

Tout individu a droit à une nationalité.

Nul ne peut être arbitrairement privé de sa nationalité, ni du droit de changer de nationalité.


Article 16.

A partir de l'âge nubile, l'homme et la femme, sans aucune restriction quant à la race, la nationalité ou la religion, ont le droit de se marier et de fonder une famille. Ils ont des droits égaux au regard du mariage, durant le mariage et lors de sa dissolution.

Le mariage ne peut être conclu qu'avec le libre et plein consentement des futurs époux.

La famille est l'élément naturel et fondamental de la société et a droit à la protection de la société et de l'État.


Article 17.

Toute personne, aussi bien seule qu'en collectivité, a droit à la propriété.

Nul ne peut être arbitrairement privé de sa propriété.


Article 18.

Toute personne a droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion ; ce droit implique la liberté de changer de religion ou de conviction ainsi que la liberté de manifester sa religion ou sa conviction seule ou en commun, tant en public qu'en privé, par l'enseignement, les pratiques, le culte et l'accomplissement des rites.


Article 19.

Tout individu a droit à la liberté d'opinion et d'expression, ce qui implique le droit de ne pas être inquiété pour ses opinions et celui de chercher, de recevoir et de répandre, sans considérations de frontières, les informations et les idées par quelque moyen d'expression que ce soit.


Article 20.

Toute personne a droit à la liberté de réunion et d'association pacifiques.

Nul ne peut être obligé de faire partie d'une association.


Article 21.

Toute personne a le droit de prendre part à la direction des affaires publiques de son pays, soit directement, soit par l'intermédiaire de représentants librement choisis.

Toute personne a droit à accéder, dans des conditions d'égalité, aux fonctions publiques de son pays.

La volonté du peuple est le fondement de l'autorité des pouvoirs publics ; cette volonté doit s'exprimer par des élections honnêtes qui doivent avoir lieu périodiquement, au suffrage universel égal et au vote secret ou suivant une procédure équivalente assurant la liberté du vote.


Article 22.

Toute personne, en tant que membre de la société, a droit à la sécurité sociale ; elle est fondée à obtenir la satisfaction des droits économiques, sociaux et culturels indispensables à sa dignité et au libre développement de sa personnalité, grâce à l'effort national et à la coopération internationale, compte tenu de l'organisation et des ressources de chaque pays.


Article 23.

Toute personne a droit au travail, au libre choix de son travail, à des conditions équitables et satisfaisantes de travail et à la protection contre le chômage.

Tous ont droit, sans aucune discrimination, à un salaire égal pour un travail égal.

Quiconque travaille a droit à une rémunération équitable et satisfaisante lui assurant ainsi qu'à sa famille une existence conforme à la dignité humaine et complétée, s'il y a lieu, par tous autres moyens de protection sociale.

Toute personne a le droit de fonder avec d'autres des syndicats et de s'affilier à des syndicats pour la défense de ses intérêts.


Article 24.

Toute personne a droit au repos et aux loisirs et notamment à une limitation raisonnable de la durée du travail et à des congés payés périodiques.


Article 25.

Toute personne a droit à un niveau de vie suffisant pour assurer sa santé, son bien-être et ceux de sa famille, notamment pour l'alimentation, l'habillement, le logement, les soins médicaux ainsi que pour les services sociaux nécessaires ; elle a droit à la sécurité en cas de chômage, de maladie, d'invalidité, de veuvage, de vieillesse ou dans les autres cas de perte de ses moyens de subsistance par suite de circonstances indépendantes de sa volonté.

La maternité et l'enfance ont droit à une aide et à une assistance spéciales. Tous les enfants, qu'ils soient nés dans le mariage ou hors mariage, jouissent de la même protection sociale.


Article 26.

Toute personne a droit à l'éducation. L'éducation doit être gratuite, au moins en ce qui concerne l'enseignement élémentaire est obligatoire. L'enseignement technique et professionnel doit être généralisé ; l'accès aux études supérieures doit être ouvert en pleine égalité à tous en fonction de leur mérite.

L'éducation doit viser au plein épanouissement de la personnalité humaine et au renforcement du respect des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Elle doit favoriser la compréhension, la tolérance et l'amitié entre toutes les nations et tous les groupes raciaux ou religieux, ainsi que le développement des activités des Nations Unies pour le maintien de la paix.

Les parents ont, par priorité, le droit de choisir le genre d'éducation à donner à leurs enfants.


Article 27.

Toute personne a le droit de prendre part librement à la vie culturelle de la communauté, de jouir des arts et de participer au progrès scientifique et aux bienfaits qui en résultent.

Chacun a droit à la protection des intérêts moraux et matériels découlant de toute production scientifique, littéraire ou artistique dont il est l'auteur.


Article 28.

Toute personne a droit à ce que règne, sur le plan social et sur le plan international, un ordre tel que les droits et libertés énoncés dans la présente Déclaration puissent y trouver plein effet.


Article 29.

L'individu a des devoirs envers la communauté dans laquelle seule le libre et plein développement de sa personnalité est possible.

Dans l'exercice de ses droits et dans la jouissance de ses libertés, chacun n'est soumis qu'aux limitations établies par la loi exclusivement en vue d'assurer la reconnaissance et le respect des droits et libertés d'autrui et afin de satisfaire aux justes exigences de la morale, de l'ordre public et du bien-être général dans une société démocratique.

Ces droits et libertés ne pourront, en aucun cas, s'exercer contrairement aux buts et aux principes des Nations Unies.


Article 30.

Aucune disposition de la présente Déclaration ne peut être interprétée comme impliquant pour un État, un groupement ou un individu un droit quelconque de se livrer à une activité ou d'accomplir un acte visant à la destruction des droits et libertés qui y sont énoncés.[/align]

par Christophe » sam. 25 sept. 2004, 13:07

Salut Philarête
Philarête a écrit :Je ne pense pas redéfinir la démocratie, mais seulement préciser ce qui est implicite dans la définition généralement acceptée, et que vous rappelez: oui, la démocratie signifie que le pouvoir est exercé par le peuple, mais ce pouvoir lui-même s'exerce sur un certain domaine.
[align=justify]Effectivement. Mais cette idée "implicite" dans la définition de la démocratie est une idée "implicite" dans la définition de tout régime politique légitime, qu'il soit démocrate ou non, comme vous le reconnaissez d'ailleurs vous même : "Or la distinction entre ce qui est "politique" et ce qui ne l'est pas est antérieure (à la fois logiquement et chronologiquement) à la question de savoir "qui" possède la souveraineté politique."

Puisque nous avons montrés qu'historiquement, les deux concepts ne sont pas corrélés, il est faux d'écrire : "Ce qui caractérise le mieux [...] l'Etat démocratique, n'est pas que la souveraineté est exercée par tous et non par un seul, mais que cette souveraineté a un domaine limité."

Sinon, j'adhères globalement à la suite de votre texte.[/align]
Pour moi, la grande question politique aujourd'hui n'est pas de savoir s'il faut préférer la démocratie à la monarchie (question qui me semble réglée au niveau national depuis un siècle), mais de savoir comment nous allons éviter que la vraie démocratie cède la place au chaos.
[align=justify]Nous sommes d'accord. Quoiqu'il en semble, je ne fais pas de la question institutionnelle une priorité. Mon "combat" se situe sur un autre plan : faire admettre que la souveraineté ne réside pas dans le peuple, mais que celui-ci peut néanmoins l'exercer légitimement, comme ministre de Dieu. Ceci afin d'éviter l'écueil que vous évoquez, mais qui me semble être moins le chaos qu'un totalitarisme mou : la tyrannie de la majorité.[/align]
C'est en ce sens que les diverses "déclarations des droits de l'homme", malgré certaines formulations contestables, ont un rôle à jouer, dans la mesure où elles marquent les domaines où aucune autorité politique ne peut légitimement empiéter: elles servent donc à délimiter, de l'extérieur, les domaines où peuvent s'exercer les décisions politiques.
C'est exact. Les Droits de l'Homme constituent une limite nécessaire - non la seule cependant - à l'action politique.


Très cordialement
Christophe

par Philarête » sam. 25 sept. 2004, 11:01

« Sauf votre respect, Philarête, il me semble que vous tentez de donner un sens nouveau (le respect de la limite naturelle de la souveraineté politique) à un concept dont le sens est déjà largement fixé par le langage (la démocratie).
L'usage commun définit la démocratie comme le régime dans lequel la souveraineté est exercée par le peuple, ou réside essentiellement dans le peuple. Contre cet usage, vous redéfinissez la démocratie comme le fait, pour l'Etat, de s'auto-limiter et de se cantonner à sa sphère de compétence. Il y a risque de confusion. »
Je ne pense pas redéfinir la démocratie, mais seulement préciser ce qui est implicite dans la définition généralement acceptée, et que vous rappelez: oui, la démocratie signifie que le pouvoir est exercé par le peuple, mais ce pouvoir lui-même s'exerce sur un certain domaine. Or la distinction entre ce qui est "politique" et ce qui ne l'est pas est antérieure (à la fois logiquement et chronologiquement) à la question de savoir "qui" possède la souveraineté politique.
Je ne crois pas un mot de la "légende française" faisant de la Révolution une grande et totale rupture — c'était le sens des citations de Jouvenel que j'ai postées il y a deux jours. Pour moi, la France a connu la même évolution que d'autres Etats modernes, confrontés à l'impossibilité de maintenir l'ancienne imbrication du théologique et du politique. Il a fallu, dès avant la Révolution, concevoir un domaine où, dans l'intérêt du bien commun, le pouvoir politique pût s'exercer en l'absence même d'accord, de consensus, sur les valeurs sacrées de la vie.
Tant sous l'Ancien Régime que dans la phase de construction républicaine (si l'on omet certaines poussées "pré-totalitaires" lors de la Révolution), les limites du politique étaient claires; et ce, notamment, parce que la religion et les mœurs jouissaient d'une grande stabilité, d'une cohérence et d'une forme d'évidence qui suffisaient à bloquer les tentatives d'extension du politique hors de sa sphère propre. On l'a dit souvent, un Français de 1920, voire de 1950, vivait au fond d'une façon beaucoup plus proche de celle d'un Français de 1780, que d'un Français de 1980: pensez au mariage, aux habitudes de consommation, à l'autorité des parents ou au respect de l'Eglise — pour ne rien dire de la connaissance du catéchisme (même chez des athées déclarés, au demeurant plutôt rares).
Notre problème aujourd'hui est que la religion s'estompe de l'horizon public, et que les mœurs sont dans la confusion totale. Le risque est grand, dès lors, de voir le politique déborder ses frontières. Ainsi de la tendance, qu'on observe de nos jours, à vouloir étendre aux questions de mœurs le modèle de la délibération politique: votons, non pour savoir qui va nous gouverner, mais pour décider de ce qu'est une famille, ou quand finit la vie humaine…
Il y a là un danger mortel, qui est une version soft de projet totalitaire de refonte volontariste de la société. Ce danger procède, non de la démocratie, mais de l'ignorance ou de l'oubli de ce qu'est la démocratie. Et c'est pourquoi je me permettais, dans ma "définition", de faire saillir ce qui était implicite dans l'idée même de ce régime. Pour moi, la grande question politique aujourd'hui n'est pas de savoir s'il faut préférer la démocratie à la monarchie (question qui me semble réglée au niveau national depuis un siècle), mais de savoir comment nous allons éviter que la vraie démocratie cède la place au chaos.
C'est en ce sens que les diverses "déclarations des droits de l'homme", malgré certaines formulations contestables, ont un rôle à jouer, dans la mesure où elles marquent les domaines où aucune autorité politique ne peut légitimement empiéter: elles servent donc à délimiter, de l'extérieur, les domaines où peuvent s'exercer les décisions politiques.

Démocratie et limites de la souveraineté politique

par Christophe » jeu. 23 sept. 2004, 0:31

[align=justify]Bonsoir,

Sauf votre respect, Philarête, il me semble que vous tentez de donner un sens nouveau (le respect de la limite naturelle de la souveraineté politique) à un concept dont le sens est déjà largement fixé par le langage (la démocratie).

L'usage commun définit la démocratie comme le régime dans lequel la souveraineté est exercée par le peuple, ou réside essentiellement dans le peuple. Contre cet usage, vous redéfinissez la démocratie comme le fait, pour l'Etat, de s'auto-limiter et de se cantonner à sa sphère de compétence. Il y a risque de confusion.

N'y a-t-il pas un profond contre-sens historique à vouloir identifier le projet républicain - ou révolutionnaire - avec cette recherche de la limitation de la souveraienté politique ? Vous l'avez écrit, les réalisations les plus poussées de l'idéal révolutionnaire ont été les totalitarismes du XXème siècle : fascisme, nazisme et communisme. En éliminant toute référence transcendante, la Révolution rend impossible toute considération de "limite naturelle" à la souveraineté politique. En faisant du peuple le principe essentiel de la souveraineté, l'idéologie démocrate annonce la tyrannie de la majorité. Ce n'est que par un résidu de bon sens naturel que les droits de l'homme - incohérents avec le reste de la philosophie politique moderne - ont été proclamés comme une limite inviolable à la volonté populaire.

Que les chrétiens doivent promouvoir une juste conception de la souveraineté politique et de ses limites, c'est évident. Mais cela passe par la lutte contre l'idée fausse selon laquelle la souveraineté (politique) réside dans le peuple (tout en admettant bien sûr que le peuple puisse exercer la souveraineté).

Que la monarchie absolue de Louis XIV - subversion de la Royauté chrétienne - ait provoqué la chute de l'Ancien Régime et causé la Révolution, c'est fort probable. Ce despotisme en avait déjà détruit l'esprit...
Mais n'oublions pas que la souveraineté politique de l'Etat royal traditionnel était fortement encadrée par la loyauté au Siège apostolique et à la loi morale, par la prolifération des contre-pouvoirs sociaux, par l'usage coutumier... Et, pour reprendre vos exemples, il me semble que l'autorité politique sous le régime de la Royauté ne s'est jamais déclarée compétente en matière scientifique, boulangère, ou théologique.

De plus, vouloir voir dans la tentation gallicane française - qui est effectivement une tentative de se soustraire à l'autorité spirituelle de Rome - une aspiration ou un résignation au multiconfessionnalisme de la société me semble pour le moins contestable. C'est la soif de pouvoir qui incite à en repousser les limites...

Je trouve très interessante votre analyse des deux "solutions" à la fracture nationale. Lorsque la religion - du latin religere : "relier" - ne lie plus les citoyens, la cohésion nationale est effectivement en danger. L'Etat séculier et laïcisé est peut-être alors - prosaïquement - une solution acceptable... en attendant la réévangélisation ! Mais l'une des missions de l'Etat n'est elle pas justement de préserver et promouvoir l'unité du pays ?
Cela soulève un vrai défi, que les chrétiens peuvent relever, à mon sens, non en regardant avec nostalgie vers un passé où tout (apparemment) était plus simple, mais en défendant une conception saine de l'ordre politique. Nous avons les moyens de réaffirmer la dignité du politique, et de contribuer à son "auto-limitation", en montrant que ni la famille, ni les croyances ou les mœurs, ne relèvent de la souveraineté démocratique. C'est là que le recours aux "droits de l'homme" peut être utile, et parfois indispensable.
J'adhères à ce passage, en remplaçant néanmoins "souveraineté démocratique" par "souveraineté politique".


Bien à vous
Christophe[/align]

par VexillumRegis » mer. 22 sept. 2004, 14:30

Philarête a écrit :Il y a réellement eu chez certains révolutionnaires la prétention à faire naître un homme nouveau, et de voir dans l'Etat l'instrument de cette naissance
Oui. Tout est d'ailleurs compris à cette époque dans le terme si usité de "régénération" - Comme l'abbé Grégoire, par exemple, qui veut "régénérer" les Juifs en leur accordant des droits civiques en échange de l'abandon de leurs traditions qui exitent "tout au plus plus le rire de la pitié" (dixit son "Essai sur la régénération physique, morale et politique des juifs"
Philarête a écrit :J'en trouve l'indice dans le passage cité plus haut de Christophe, opposant la souveraineté d'un seul à celle du peuple. Or ces deux souverainetés ne sont pas homogènes. Ce qui caractérise le mieux, à mes yeux, l'Etat démocratique, n'est pas que la souveraineté est exercée par tous et non par un seul, mais que cette souveraineté a un domaine limité
A vrai dire, et si l'on s'en tient à la définition rousseauiste "orthodoxe" de la souveraineté nationale (vue comme l'expression de la Volonté générale), celle-ci renferme dans sa définition l'idée qu'elle peut s'étendre à tous les domaines de la vie en société, sans qu'on puisse lui imposer des bornes, puisque rien ne peut être opposé à la Volonté générale.
Philarête a écrit :Le peuple est souverain, oui, mais sur les questions politiques — et non sur les questions morales et religieuses.
Il ne me semble ni possible, ni souhaitable d'établir une séparation entre les domaines de la politique, de la morale et de la religion.

La politique séparée de la morale, c'est très vite le machiavélisme, c'est-à-dire la mise en pratique de cet infâme maxime selon laquelle la fin justifie les moyens (autre fondement du totalitarisme). Et qu'est-ce au juste que la morale, si ce n'est un ensemble de préceptes pratiques tirés de la sphère des croyances religieuses ?

Non tout cela est étroitement imbriqué et ne peut être séparé.
Philarête a écrit :(par exemple, l'alliance promue par Richelieu entre la France et l'Empire ottoman, au grand dam de l'Espagne catholique… et impériale, dont le poids en Europe devenait inquiétant)
Juste au passage : l'alliance entre la France et l'Empire ottoman date de François 1er. C'est un exemple de real-politik que personnellement je réprouve dans son principe, quoique (car il faut bien trouver des points positifs...) cette alliance permit à la France de défendre les intérêts des communautés chrétiennes en Orient.
Philarête a écrit :Dans cette seconde solution, le pouvoir temporel, de fait, accepte de ne plus s'occuper directement du salut des âmes. Mais il revendique, en revanche, la souveraineté dans l'ordre politique: qu'il y ait la paix et la sécurité pour tous, que l'économie soit prospère, que le pays soit considéré et respecté par les autres nations, que l'éducation soit bien assurée, etc, etc.
Evangile selon St Jean, XVIII, 37 a écrit :"Tu es donc roi?" Jésus répondit: "Tu le dis, je suis roi. Je suis né et je suis venu dans le monde pour rendre témoignage de la Vérité : quiconque est de la vérité écoute ma voix"
Evangile selon St Matthieu, XXXVIII, 18 a écrit :"Toute puissance m'a été donnée dans le ciel et sur la terre"
Jésus-Christ est Roi, non pas de ce monde ("mon royaume n'est point d'ici-bas"), mais sur ce monde.

Je ne crois pas qu'on puisse rien faire de bon, y compris dans le domaine politique et social, en se coupant de la Vérité; la vraie paix et la vraei prospérité ne peuvent s'obtenir que dans le Christ ; hors de lui, il n'y a que des embûches et des illusions.
Philarête a écrit :C'est pourquoi je ne partage pas la vision selon laquelle l'Etat démocratique moderne aurait voulu prendre la place de Dieu
Pourtant, en rejetant Dieu de la sphère publique pour le cantoner uniquement dans la sphère privée, l'idéologie (et non l'Etat...) démocratique prend objectivement la place de Dieu.

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http://www.civitas-institut.com/docu.ph ... revolution
Il s'agit ici d'une critique contre-révolutionnaire semble-t-il contemporaine (1793) du texte de la déclaration de 1789 et de son avatar de 1793. Intéressant dans le cadre de cette discussion.

Bien à vous,

- VR -

par MB » mer. 22 sept. 2004, 13:47

Bonjour Philarète ; je suis entièrement d'accord avec vous, mais votre texte soulève une question peu résolue.
Vous affirmez, en gros, la théorie des sphères : il y a une sphère politique, une sphère morale, religieuse, esthétique, etc. et l'Etat n'intervient que dans la première d'entre elles (si j'ai manqué qqch, dites-le moi).
Mais il arrive que ces sphères soient en contact ou pire, s'interpénètrent :
- ex. type, une situation de guerre : conjoncture politique suprême (protéger l'autorité politique), mais qui entraîne des choix moraux importants (ex., comme Churchill, laisser bombarder Coventry alors qu'on en a été prévnu à l'avance, pour ne pas éveiller des soupcçons d'expionnage chez les nazis)
- autre cas, bien connu et déjà débattu ici : législation sur l'avortement, le pacs, le mariage, etc.
- autre cas : législation sur l'immigration.
Etc, etc. ... donc nous en sommes toujours remis à notre jugement et à nous-mêmes dans pas mal de cas.

Cela dit, l'intérêt supérieur du régime dont nous parlons, est justement cette limitation du politique : ainsi on ne garantit pas qu'il fera les meilleures choses, mais on est certain qu'il ne fera pas les pires. Autre avantage : même le dirigeant le plus bête (vous voyez peut-être à qui je fais allusion, lol) laissera sa place à un moment ou à un autre. La médiocrité est parfois une solution.
Vous noterez aussi que le fondement de ce genre de régime, c'est la confiance : on présuppose que les institutions vont atténuer une éventuelle volonté politique maligne ; on présuppose que chacun les respectera et respectera le droit ; on a aussi confiance dans l'avenir (et disons, le "progrès") : on pense que rien de grave ne résultera de tout cela, et que si quelque chose de grave doit malgré tout advenir, on saura faire face. Moralement, tout ça, ce n'est pas mal...

Cordialement

par Philarête » mer. 22 sept. 2004, 12:27

On s'active, sur ce forum! Cela montre que le sujet est intéressant… et je ne veux pas laisser passer plus de temps pour intervenir de nouveau, sinon on va croire que je n'ai fait qu'un petit tour… Merci, en passant, pour vos bonnes paroles d'accueil.
Je cite Christophe :
« Je ne renie pas les élèments contre-révolutionnaires de ma pensée politique, mais il me semble avoir toujours eu soin de distinguer - sur ces forums - ce qui est de l'ordre du nécessaire vis-à-vis de la foi chrétienne (par exemple, pour revenir au thème de ce débat, la souveraineté de Dieu) et ce qui reste de l'ordre du contingent (par exemple, l'exercice de la souveraineté pratique par un roi en monarchie ou par le peuple en république). »
(Comme on voit, je ne maîtrise pas encore la technique des citations, et mon copy-paste est un peu archaïque…)
Notre discussion porte sur un point de philosophie politique, et je vais tâcher de mettre au clair mes idées sur cette question.
Un mot cependant d'abord sur le point historique: je crois partager avec Christophe un regard critique sur "notre" Révolution, non seulement eu égard à sa brutalité, voire sa sauvagerie en bien des épisodes, mais également quant à ses conséquences. Il est clair à mes yeux que la Révolution est "grosse" des germes totalitaires qui s'épanouiront au XXème siècle, dans son projet de refonte totale de la société. Il y a réellement eu chez certains révolutionnaires la prétention à faire naître un homme nouveau, et de voir dans l'Etat l'instrument de cette naissance. L'idée que l'homme se définit entièrement par son appartenance à l'Etat (c'est un des sens du "homme et citoyen" de la Déclaration, même si le point est controversé) entraîne très rapidement sa subordination complète aux fins de l'Etat, avec pour conséquence les guerres totales dont la Révolution, puis l'Empire, ont donné l'exemple. Contrairement à ce que l'on lit parfois, ces guerres, ainsi que les formes autoritaires que prend l'Etat en ces moments, et qui sont devenues réalités en Allemagne et en Russie soviétique, entre autres, ne sont pas des "rechutes", des retombées dans un âge archaïque, mais bien des suites logiques, peut-être même plus conséquentes, du projet révolutionnaire. Aux yeux d'un stalinien de la grande époque, c'est nos démocraties qui sont ringardes, et l'Etat soviétique qui représente "le progrès".
Maintenant, je crois qu'on peut distinguer autre chose dans le projet républicain, autre chose qui passe souvent à l'arrière-plan dans la présente discussion.
J'en trouve l'indice dans le passage cité plus haut de Christophe, opposant la souveraineté d'un seul à celle du peuple. Or ces deux souverainetés ne sont pas homogènes. Ce qui caractérise le mieux, à mes yeux, l'Etat démocratique, n'est pas que la souveraineté est exercée par tous et non par un seul, mais que cette souveraineté a un domaine limité. Le peuple est souverain, oui, mais sur les questions politiques — et non sur les questions morales et religieuses. Il est souverain pour décider dans les domaines qui sont communs à tous, non dans ceux qui concernent les fins ultimes, ou le bonheur, des personnes. L'Etat peut décider combien il faut ouvrir d'universités, pas pour trancher les débats scientifiques; l'Etat peut protéger certaines corporations menacées, pas définir la manière dont on fait du bon pain; il peut décider dans quelle mesure, dans l'intérêt commun, les croyances religieuses peuvent s'exprimer publiquement, non s'arroger le droit de dire ce qu'il faut croire ou ne pas croire…
Cette forme de souveraineté devient nécessaire, historiquement, lorsque les membres d'une même nation se trouvent en désaccords profonds sur les questions relatives aux biens ultimes: cela a commencé avec la Réforme, et n'a fait qu'augmenter depuis. Ces désaccords sont un fait, qu'on peut déplorer mais qui est réel. Dès lors, il y avait deux solutions: 1) constituer des nations regroupant chacune les fidèles d'une même religion (le principe "cujus regio, ejus religio", i.e. à chaque pays sa religion — principe revendiqué notamment par les Protestants du XVIème siècle, mais qui a séduit un moment Louis XIV), et maintenir l'ancienne subordination du pouvoir temporel au pouvoir religieux. 2) Considérer que ce qui nous unit est plus fort que ce qui nous sépare, et réorganiser les pouvoirs de façon à ce que l'on puisse vivre ensemble, avoir un destin commun, alors même que nous sommes divisés sur la question du Salut. C'est la solution adoptée par la France, déjà sous la monarchie, où le pouvoir temporel a toujours cherché à se ménager une marge d'autonomie par rapport au spirituel (par exemple, l'alliance promue par Richelieu entre la France et l'Empire ottoman, au grand dam de l'Espagne catholique… et impériale, dont le poids en Europe devenait inquiétant).
Dans cette seconde solution, le pouvoir temporel, de fait, accepte de ne plus s'occuper directement du salut des âmes. Mais il revendique, en revanche, la souveraineté dans l'ordre politique: qu'il y ait la paix et la sécurité pour tous, que l'économie soit prospère, que le pays soit considéré et respecté par les autres nations, que l'éducation soit bien assurée, etc, etc. Or dans ces domaines, on peut trouver un accord même entr des gens qui s'opposent par ailleurs sur des questions fondamentales. Comme dit un poète polonais, "le croyant et le libre penseur peuvent être amis dans la brigade de pompiers", autrement dit, ils peuvent être d'accord sur le fait qu'il vaut la peine de combattre les incendies menaçant leurs concitoyens. La solution démocratique consiste à penser que, sur toutes ces questions qui nous concernent fort directement, c'est à nous de décider — au risque de nous tromper parfois…
C'est pourquoi je ne partage pas la vision selon laquelle l'Etat démocratique moderne aurait voulu prendre la place de Dieu, ou régir à coup de suffrage universel les questions qui, auparavant, étaient réglées par l'Eglise: le véritable Etat démocratique laisse à ses citoyens le droit de s'adresser à qui ils veulent pour se diriger dans ces domaines, et administre, pour sa part, ce qui, aux yeux même de l'Eglise d'ailleurs, relève du libre choix.
Il y a danger uniquement quand les frontières entre ces domaines s'estompent. C'est évidemment le cas dans les pays totalitaires, où elles sont radicalement niées, mais c'est aussi le cas dans nos sociétés démocratique, et de façon plus insidieuses.
Cela soulève un vrai défi, que les chrétiens peuvent relever, à mon sens, non en regardant avec nostalgie vers un passé où tout (apparemment) était plus simple, mais en défendant une conception saine de l'ordre politique. Nous avons les moyens de réaffirmer la dignité du politique, et de contribuer à son "auto-limitation", en montrant que ni la famille, ni les croyances ou les mœurs, ne relèvent de la souveraineté démocratique. C'est là que le recours aux "droits de l'homme" peut être utile, et parfois indispensable.
Désolé d'avoir été aussi long, et de n'avoir peut-être enfoncé que des portes ouvertes!

par wanderer » mar. 21 sept. 2004, 12:04

Tout à fait d'accord pour continuer la discussion.

Je n'oublie pas que je n'ai pas répondu à Christophe sur le "souffle libérateur de la révolution", je ne me défile pas, mais ça attendra un peu, le temps que je me remette un peu plus à jour en histoire pour ne pas parler sur des impressions ou des sentiments, mais sur des faits. Ca viendra je ne sais pas quand. Ma préparation du concours d'instituteur implique une remise à niveau en histoire salutaire, alors ça ne tardera pas trop.

Je crois que ce Philarête est un intervenant de grande valeur
ses interventions ultérieures montre une saine dose de bon sens
:lol: :lol: :lol:

Pour vous répondre, aucun catholique ne m'a bouré le crâne, c'est juste que sur un autre fil que je vous encourage à lire (que pensez vous de la fraternité saint pie X?), tout le monde semblait d'accord sur ce point, alors j'ai choisi de lancer le débat. Et tout le monde n'est pas exactement d'accord à ce que je vois, alors j'ai bien fait.

bien à vous Wanderer

par MB » mar. 21 sept. 2004, 11:23

J'ai trouvé un lien vers la déclaration de 1948 :

http://www.un.org/french/aboutun/dudh.htm

Merci à Christophe d'avoir dit que j'avais écrit des choses "tout à fait justes" :oops:

Pour être complet, peut-être faut-il ajouter d'autres textes.
Déclaration des droits de l'enfant (http://www.un.org/french/aboutun/dudh.htm)

Peut-être y a-t-il un texte sur les droits de la femme ? Je n'en sais rien.

Amicalement

Bienvenue !

par Christophe » dim. 19 sept. 2004, 20:34

Bienvenue à vous, Philarête !
S'il faut fêter cet heureux évènement... :cheers:
Philarête a écrit :2) la discussion est fort intéressante, mais on ne saisit pas bien si ce qui est en question est un point d'histoire ou un point de pensée politique. Un point d'histoire: si l'on cherche à savoir ce que voulaient les rédacteurs de la DDHC, dans le contexte de l'époque, et comment l'Eglise, à l'époque, a réagi; un point de pensée politique: si le problème est de comprendre quelle place faire aux Droits de l'homme dans une conception chrétienne de l'ordre politique.
[align=justify]Il s'agissait - selon moi - d'une question de philosophie politique (d'où son placement dans le forum "Philosophie") : quel acceuil faire à la conception des droits de l'homme véhiculée par le texte de la DDHC de 1789, dans une conception chrétienne de l'ordre politique. Répondre à cette question nécessitait d'éclairer un peu le sens de la déclaration - au-delà de la sémantique pure - à la lumière du contexte historique et philosophique de sa rédaction.

Il ne s'agissait donc ici nullement de faire le procès de la Révolution.[/align]
Aujourd'hui, plus personne ne fait de cette Déclaration un programme politique. Elle a fait l'objet de nombreuses critiques, de droite comme de gauche (voyez Marx), et n'est pas un texte sacré. Par ailleurs, l'Eglise elle-même fait désormais souvent référence aux droits de l'homme, en les entendant, évidemment, dans un sens assez différent de celui qui prévalait en 1789 (où ces "droits de l'homme" passaient pour s'opposer aux "droits de Dieu"). La référence, aujourd'hui, est plutôt la déclaration universelle, ou la convention européenne.
Ce que vous écrivez me semble tout à fait juste. MB a d'ailleurs écrit des choses analogues.
Je vous propose à tous de poursuivre ce débat en publiant la déclaration universelle de 1948. Qu'en dites vous ?
Christophe, lui, semble attaché à une forme de pensée contre-révolutionnaire, qui est parfaitement respectable mais gagne, à mon avis, à se présenter comme ce qu'elle est: une pensée politique comme une autre, compatible, comme d'autres, avec la foi chrétienne, mais certainement pas la seule option possible.
[align=justify]Je ne renie pas les élèments contre-révolutionnaires de ma pensée politique, mais il me semble avoir toujours eu soin de distinguer - sur ces forums - ce qui est de l'ordre du nécessaire vis-à-vis de la foi chrétienne (par exemple, pour revenir au thème de ce débat, la souveraineté de Dieu) et ce qui reste de l'ordre du contingent (par exemple, l'exercice de la souveraineté pratique par un roi en monarchie ou par le peuple en république).
Si j'ai parfois semblé manquer de clarté à cet égard, merci de me corriger.[/align]


Bien à vous
Christophe

Entrée en ligne

par Philarête » dim. 19 sept. 2004, 15:05

Je viens de m'inscrire, il faut fêter cela… Puisque je viens de lire tout cette discussion, une ou deux réflexions me viennent à l'esprit:

1) cela "m'inquiète" qu'un catéchumène éprouve le besoin de poser cette question sur la déclaration des droits de l'homme. Lui n'est pas en cause, évidemment, et ses interventions ultérieures montre une saine dose de bon sens (ce n'est pas inclus dans la préparation au baptème, mais cela lui sera sûrement très utile par la suite!). Non, ce qui m'inquiète, c'est que cette personne a dû rencontrer des catholiques qui se focalisent à ce point sur la Révolution (et ses funestes conséquences, etc.), qu'ils parviennent à donner l'impression que l'adhésion à une conception anti-révolutionnaire fait partie du package pour entrer dans l'Eglise!

2) la discussion est fort intéressante, mais on ne saisit pas bien si ce qui est en question est un point d'histoire ou un point de pensée politique. Un point d'histoire: si l'on cherche à savoir ce que voulaient les rédacteurs de la DDHC, dans le contexte de l'époque, et comment l'Eglise, à l'époque, a réagi; un point de pensée politique: si le problème est de comprendre quelle place faire aux Droits de l'homme dans une conception chrétienne de l'ordre politique.
Aujourd'hui, plus personne ne fait de cette Déclaration un programme politique. Elle a fait l'objet de nombreuses critiques, de droite comme de gauche (voyez Marx), et n'est pas un texte sacré. Par ailleurs, l'Eglise elle-même fait désormais souvent référence aux droits de l'homme, en les entendant, évidemment, dans un sens assez différent de celui qui prévalait en 1789 (où ces "droits de l'homme" passaient pour s'opposer aux "droits de Dieu"). La référence, aujourd'hui, est plutôt la déclaration universelle, ou la convention européenne.

La position de Wanderer montre qu'il entend ce texte dans son sens contemporain: en gros, celui de l'après-totalitarisme. Christophe, lui, semble attaché à une forme de pensée contre-révolutionnaire, qui est parfaitement respectable mais gagne, à mon avis, à se présenter comme ce qu'elle est: une pensée politique comme une autre, compatible, comme d'autres, avec la foi chrétienne, mais certainement pas la seule option possible.

Voilà. C'est pas très percutant, j'en suis conscient, mais si cela clarifie un peu le débat, n'est-ce pas?… :blink:

par Christophe » mar. 14 sept. 2004, 22:27

Cher MB
MB a écrit :Rassurez-vous, vous m'avez répondu. :cool: Comme vous le dites, il faudra que je m'applique plus à rester pile poil dans le sujet des forums ! Ceci dit, une discussion sur des thèmes relatifs au bien public doit nécessairement comporter un volet pratique.
Je pense que c'est justement un problème des débats de philosophie politique : lorsque l'on ne fait que de la théorie, on prend des risques pour l'avenir, même à notre petite échelle. Toute discussion de cette nature doit tenir compte d'observations empiriques, et comme vous le dites, compenser la fragilité et l'imperfection des décisions humaines par le souci d'en minimiser au plus la portée. Saint-Just, Rob', Vladimir Illitch, ne faisaient aucune place, dans leur réflexion politique, à l'expérience empirique - ou alors cette expérience était très fantasmée, genre Sparte et Rome. Evitons de faire comme eux, à plus forte raison en invoquant l'Eglise et son magistère.
[align=justify]Excusez-moi, parfois mon rôle d'administrateur/modérateur interfère avec mon rôle d'intervenant... Ne traiter qu'un seul thème par fil me semble important pour la clarté des disscussions (pensons aux lecteurs) et plus propice à l'approfondissement de la réflexion que sauter du coq à l'âne.

Loin de moi l'idée de vous contredire sur l'importance pour les théoriciens de se confronter aux données empiriques... Et, en fait ce n'était absolument pas l'objet de ma remarque. Il me semble que la philosophie politique et la science politique - qui sont deux disciplines "théoriques" - usent de méthodologies très différentes pour traiter de problèmatiques propres à chacune. D'où un semblant de cloisonnement...
Cela étant dit, les utilisateurs sont bien évidemment invités à ne pas limiter leurs interventions à un seul forum...[/align]
Par conséquent, lorsque vous dites que l'Eglise doit être le guide moral, je suis d'accord avec vous, mais dans le même temps je pense qu'il faut toujours ménager au moins une petite place pour la contradiction, pour la concurrence ; il faut que des aiguillons extérieurs forcent l'Eglise a ne fournir que ce qu'elle a de mieux, et éviter à tout prix le moindre monopole institutionnel (ce qui n'est pas contradictoire avec un éventuel monopole de la vérité). Cela ne vaut pas que pour l'Eglise, d'ailleurs. Quand on fait de la place à la possibilité de la contradiction, du retournement, cela ne donne pas forcément les meilleurs résultats, mais permet d'en éviter les pires (j'espère que je suis clair ?).
Alors je vous laisse initier le fil "l'Eglise a-t-elle le monopole de la vérité ?" :arrow:
C'est en cela - et revenons au thème central - que l'on peut trouver de l'utilité aux droits de l'homme, et tant pis si le texte de 1789 a des connotations qui nous déplaisent. Il faut trouver les bonnes clés de lecture, et tirer de ce texte le meilleur : l'idée qu'on ferait atteinte à la justice en déniant à l'homme ses droits, et l'idée que les conséquences de ces droits - confrontation, concurrence, initiative -, même lorsqu'elles ne sont pas les meilleures, nous donnent la possibilité de ne pas rester enfermés dans tel ou tel conformisme, et surtout de pouvoir toujours remettre en cause un pouuvoir dont rien ne garantit qu'il ne soit pas abusif.
Je ne sais pas si je suis clair :unsure: ; dites-le moi alors.
[align=justify]Je comprends que vous voulez "positiver" pour sauver de ce texte ce qui mérite de l'être - ce qui est tout à votre honneur et à votre bénéfice - bien que cela ne change rien à la qualité intrinsèque de cette déclaration...
Mais je ne comprends pas en quoi "la confrontation, la concurrence, l'initiative" sont des conséquences de droits de l'homme tels que proclamés par la déclaration de 1789. Ni la suite... :oops:[/align]

In Christo
Christophe

Re: Eclairer la conscience des peuples ?

par MB » mar. 14 sept. 2004, 19:58

Re:)

Rassurez-vous, vous m'avez répondu. :cool: Comme vous le dites, il faudra que je m'applique plus à rester pile poil dans le sujet des forums ! Ceci dit, une discussion sur des thèmes relatifs au bien public doit nécessairement comporter un volet pratique.
Je pense que c'est justement un problème des débats de philosophie politique : lorsque l'on ne fait que de la théorie, on prend des risques pour l'avenir, même à notre petite échelle. Toute discussion de cette nature doit tenir compte d'observations empiriques, et comme vous le dites, compenser la fragilité et l'imperfection des décisions humaines par le souci d'en minimiser au plus la portée. Saint-Just, Rob', Vladimir Illitch, ne faisaient aucune place, dans leur réflexion politique, à l'expérience empirique - ou alors cette expérience était très fantasmée, genre Sparte et Rome. Evitons de faire comme eux, à plus forte raison en invoquant l'Eglise et son magistère.
Par conséquent, lorsque vous dites que l'Eglise doit être le guide moral, je suis d'accord avec vous, mais dans le même temps je pense qu'il faut toujours ménager au moins une petite place pour la contradiction, pour la concurrence ; il faut que des aiguillons extérieurs forcent l'Eglise a ne fournir que ce qu'elle a de mieux, et éviter à tout prix le moindre monopole institutionnel (ce qui n'est pas contradictoire avec un éventuel monopole de la vérité). Cela ne vaut pas que pour l'Eglise, d'ailleurs. Quand on fait de la place à la possibilité de la contradiction, du retournement, cela ne donne pas forcément les meilleurs résultats, mais permet d'en éviter les pires (j'espère que je suis clair ?).
C'est en cela - et revenons au thème central - que l'on peut trouver de l'utilité aux droits de l'homme, et tant pis si le texte de 1789 a des connotations qui nous déplaisent. Il faut trouver les bonnes clés de lecture, et tirer de ce texte le meilleur : l'idée qu'on ferait atteinte à la justice en déniant à l'homme ses droits, et l'idée que les conséquences de ces droits - confrontation, concurrence, initiative -, même lorsqu'elles ne sont pas les meilleures, nous donnent la possibilité de ne pas rester enfermés dans tel ou tel conformisme, et surtout de pouvoir toujours remettre en cause un pouvoir dont rien ne garantit qu'il ne soit pas abusif.
Je ne sais pas si je suis clair :unsure: ; dites-le moi alors.

Bien amicalement

PS : on devrait peut-être ouvrir un autre sujet de discussion : l'Eglise a-t-elle le monopole de la vérité ? Je pense que ce thème a beaucoup de connexions avec celui dont il est question ici.

Eclairer la conscience des peuples ?

par Christophe » mar. 14 sept. 2004, 19:28

Bonsoir :cool:
MB a écrit :Evidemment que Dieu est le seul habilité à définir le Bien. Mais où se trouve la courroie de transmission au niveau politique ? Si la plupart des citoyens ont une conception du bien qui ne correspond pas à la bonne, ou n'ont pas de conception de bien du tout - ce qu'à Dieu ne plaise - , comment fait-on ? Nous sommes remis à notre propre conseil, en effet, notre propre conseil. Alors comment faire ? Vous-même admettez ne pas pouvoir fournir de critère de discernement moral, alors comment que je m' débrouille ?
[align=justify]Toute solution retenue sera une solution humaine, et donc imparfaite. Cette imperfection irréductible, il faut certes tenter la minimiser, mais aussi - d'une certaine façon - l'accepter.

Est-ce que vous me demandez quelle est la forme de gouvernement que je préconise ? Je peux vous répondre - je n'en fais pas mystère ;-) - mais la disscussion n'a pas lieu d'être dans le forum Philosophie. S'il ne s'agit que de comparer les avantages et inconvénients respectifs des différentes formes de gouvernement, nous entrons dans un débat institutionnel qui appartient au domaine des sciences politiques...

Est-ce que vous me demandez quelle est sur Terre l'institution dont la vocation est d'éclairer et de guider la conscience morale de l'humanité ? Je vous répondrai que cette institution, c'est l'Eglise assurément.

Est-ce que vous me demandez ce qu'un homme politique devrait faire pour amener "la plupart des citoyens" a avoir une morale conforme à la Vérité ? Je vous dirais que - pour ce faire - il doit promouvoir de justes rapports entre le pouvoir temporel et le pouvoir spirituel.

Je ne sais pas si j'ai vraiment répondu à votre question... :???: [/align]

Bien à vous
Christophe

A Christophe

par MB » lun. 13 sept. 2004, 1:26

Je vous cite :

Votre question me surprend un peu... Qui donc est habilité à définir le Bien, sinon Celui qui est la mesure de toute chose ?

Ne comptez pas sur moi pour vous fournir "clef-en-main" un critère infaillible de discernement moral. S'Il nous a confié Sa Parole et a fondé Son Eglise pour la diffuser, en revanche "Dieu a remis l'homme à son propre conseil" (Ecclésiastique XV.14)...

La prise de décision à la majorité n'est qu'une façon de résoudre pacifiquement les désaccords qui ne peuvent manquer de surgir entre les citoyens mais ne préjuge en rien de la bonté - et donc de la légitimité - des décisions adoptées. En fait, on pourrait tout aussi bien - et sans doute avec plus de bonheur - désigner un arbitre reconnu pour ses compétences, sa sagesse et sa vertu...


Evidemment que Dieu est le seul habilité à définir le Bien. Mais où se trouve la courroie de transmission au niveau politique ? Si la plupart des citoyens ont une conception du bien qui ne correspond pas à la bonne, ou n'ont pas de conception de bien du tout - ce qu'à Dieu ne plaise - , comment fait-on ? Nous sommes remis à notre propre conseil, en effet, notre propre conseil. Alors comment faire ? Vous-même admettez ne pas pouvoir fournir de critère de discernement moral, alors comment que je m' débrouille ?
Pour ce que vous dites de la prise de décision à la majorité, je suis d'accord. On peut beaucoup discuter sur l'efficaité et la justice théoriques de ce type de régime. Disons qu'empiriquement, on peut constater que dans la plupart des cas c'est le meilleur moyen de protéger les droits fondamentaux, et que dans l'histoire contemporaine les démocraties ont plutôt tendance à être pacifiques ; les grandes guerres du siècle qui vient de s'écouler ont été causées par des dictatures. Je pense que ce dernier constat peut être l'ultime argument en faveur de ce type de régime. Aussi suis-je dubitatif quand je vous lis évoquer l'arrivée d'un princeps cicéronien exemplaire...

Il est vrai que dans l'optique d'assurer le respect des droits fondamentaux, la Révolution française n'était pas "nécessaire" ; le mouvement avait commencé en Angleterre depuis longtemps (Déclaration des droits, et tendance lente mais efficace, de 1791 à 1886, à assurer la liberté religieuse totale), et commençait juste en France (existence civile des protestants, suppression de la torture par Louis XVI). Nul besoin historique de tuer tant de monde - cf. Napoléon, Terreur, Vendée, etc. - , quel gâchis.

Mais je dévie, et je prêche sûrement pour un convaincu... :roll: de toute manière, je m'aperçois que plus nous discutons et plus nous nous dégageons des points d'accord ; comme quoi un vrai débat sert toujours à quelque chose !
Cordialement

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