par François-Xavier » sam. 17 oct. 2020, 20:04
Bonjour,
La messe de Paul VI (FORM) dans sa "modalité" ordinaire implique que la célébration soit au siège (qu'on appelle dans la FERM "la banquette") pendant la liturgie de la parole (qu'on appelle "messe des catéchumènes" dans la FERM). Ce n'est dans 9 cas sur 10 non optionnel. L'exception relève de la "messe lue" ('
missa lecta") qui n'est pas la "modalité" ordinaire, et qui implique que le célébrant est seul ou sans servant. Comme c'est lui qui prend en compte l'ensemble (y compris la récitation des lectures), il fait tout à l'autel.
[Ajoutons que dans la FORM, il est selon les normes impossible pour un prêtre de célébrer à la cathèdre de l'évêque. Ce qui pose au passage beaucoup de problèmes dans certaines cathédrales anciennes où il n'est pas prévu qu'il y ait 2 "sièges de présidence" dans le sanctuaire.]
Une messe publique - et a fortiori une messe dominicale publique - ne devrait pas être une "
missa lecta". Comprenez bien : par exemple le psaume responsorial est supposé être lu, pas chanté ; de même pour l'alléluia qui est dans le lectionnaire : il n'a jamais été conçu pour être mis en musique. Malheureusement dans 99% des cas les prêtres en paroisse prennent le formulaire de la messe lue (puisque c'est celui qui est dans le missel / lectionnaire, qui ne donne pas le formulaire de la messe chantée qui est dans un autre livre). Le plus souvent cette erreur est faite par ignorance : vous savez que la formation liturgique dans les séminaires est proche de zéro ; et pour les prêtres plus anciens on ne leur a jamais expliqué qu'il y a un autre formulaire pour les messes chantées. La plupart d'entre eux n'ont même jamais eu contact avec la messe chantée - qui est pourtant la modalité ordinaire et normée des messes publiques dans la FORM. Quant aux plus anciens, ils font "comme avant" : c'est à dire qu'ils prennent le formulaire du missel / lectionnaire - messe lue - parce que c'est comme ça qu'on faisant avant la réforme liturgique, avec un missel qui à l'époque était plénier (c'est à dire qu'il contenait tout, ce qui n'est plus le cas aujourd'hui dans la FORM). Cette inertie ne concerne d'ailleurs pas que le célébrant ; même dans l'attitude des fidèles dans certains endroits, on le constate. Exemple : le fait de rester assis à l'
Orate fratres et pendant l'
oratio super oblata (appelée "secrète" dans la FERM).
Le problème de la célébration de la première partie de la messe au siège vient donc du fait qu'il faut au moins un servant pour tenir le missel pour la collecte et la post communion. Et s'il y en a pas, il faut bien poser le missel quelque part, parce que ces prières se font bras étendus par le célébrant. Du coup, dans beaucoup de cas le prêtre, par inertie, fait ces deux prières à l'autel, comme ça, cela lui simplifie la tâche, mais c'est évidemment contraire à l'usage. D'ailleurs, dans de nombreux cas, comme le servant n'est pas formé, il ne sait pas tenir le livre en question, et donc comme lui non plus on ne veut rien lui apprendre - comme le séminariste -, on ne lui demande pas de le faire, et donc même chose, on lit ces deux prières à l'autel. Et de toutes façons "c'est comme ça qu'on faisait avant". Inertie. Abus.
Ici à Saint Raphaël, le servant sait porter le livre. On sait y célébrer la messe. Rare exemple paroissial. Notons que le livre est présenté par l'acolyte à hauteur de lecture / chant du célébrant, de façon stable c'est à dire en faisant reposer le haut du livre sur le front. Il n'ya en effet rien de plus désagréable pour un prêtre ou un évêque de ne pas réussir à chanter l'oraison parce que le texte bouge sous ses yeux. Forcément, si le livre n'est pas stable, on renonce, et on pose le livre sur l'autel et c'est plus simple. Mais on perd quelque chose du rite. Et c'est un abus.
Bref, je crois que je l'ai déjà écrit ici, mais la FORM pour être bien célébrée demande des efforts que la plupart des membres du clergé ne soupçonnent pas, si bien que très souvent on se retrouve face à une déformation, une sous liturgie, qui ne correspond en rien au niveau de solennité que devait revêtir la forme typique, avec notamment le formulaire de la "missa cantata". Or, la FORM dans sa conception sous-entend un niveau de solennité plus grand que la FERM dans sa "modalité" ordinaire (ex. une messe dominicale). C'est pour ça qu'une messe FORM célébrée par un simple prêtre s'apparente plus à une messe célébrée par un évêque dans la FERM. Cela pourra paraître surprenant, mais c'est ainsi.
Bref, dans cet exemple comme dans de nombreuses autres "modalités", c'est la preuve que la FORM a eu une naissance prématurée suivie d'une "mort subite du nourrisson", et ce dès les années qui ont suivi le Concile. On voit ainsi beaucoup d'incohérences, qui rendent l'ensemble bancal. Exemples : procession d'entrée et de sortie très solennisée avec cruciféraire, encens, encensement à l'offertoire et à la consécration, y compris avec porte cierges agenouillés à l'autel pendant l'élévation, mais toutes les oraisons lues (la plupart non chantées) à l'autel, alors qu'on chante le psaume et l'alléluia du lectionnaire. Complètement bancal. Beaucoup de frime et peu de technicité ou de bon goût.
Très souvent également on voit des prêtres prendre le formulaire de la messe lue, et de ne rien chanter sauf par exemple la préface (ou même seulement l'introduction de cette dernière). Là, c'est carrément ridicule en plus d'être absolument un "choix" présenté comme "personnel" par le célébrant ; or ce dernier n'a pas à prendre ce type d'initiative : rien n'est supposé être laissé à son appréciation personnelle, ou alors... c'est du cléricalisme. Soit c'est une
missa cantata et alors il faut qu'il chante tout ce qu'il a à chanter, soit c'est une
missa lecta alors il lit tout et ne chante rien. L'inverse existe aussi. J'ai ainsi "subi" un jour un prêtre qui - acceptant que nous chantions le formulaire de la messe chantée - a refusé de chanter sa partie au prétexte qu'il fallait "que les gens comprennent" et qui considérait qu'une oraison chantée (en français, ça va sans dire) entravait cette compréhension. Autrefois, on n'ordonnait pas si on ne savait pas chanter. Un prêtre qui ne savait pas chanter n'était pas idoine, jusqu'à une date récente. Mais que voulez vous : nous sommes en pleine régression culturelle, et le tout en toute bonne conscience. Je trouve ça inadmissible. Mais je m'éloigne de votre sujet. Car en fait la situation est vraiment grave. On en est à l'arrêt cardiaque de la liturgie en tant que telle dans 99% des lieux de culte.
A part dans de très rares endroits bien sûr qu'il nous faut soutenir, encourager, développer.
D'ailleurs dans certaines bonnes maisons, on peut voir la FERM célébrée de façon très proche de ce que demande la FORM, par un simple prêtre à la banquette pendant la "messe des catéchumènes / liturgie de la parole" et sans doublage. Et ce n'est par contre pas du tout un abus. C'est vraiment très proche de ce que souhaitait le Concile Vatican II.
Pardon pour ce long discours. Quand on me lance je ne m'arrête que tard.
Bonjour,
La messe de Paul VI (FORM) dans sa "modalité" ordinaire implique que la célébration soit au siège (qu'on appelle dans la FERM "la banquette") pendant la liturgie de la parole (qu'on appelle "messe des catéchumènes" dans la FERM). Ce n'est dans 9 cas sur 10 non optionnel. L'exception relève de la "messe lue" ('[i]missa lecta[/i]") qui n'est pas la "modalité" ordinaire, et qui implique que le célébrant est seul ou sans servant. Comme c'est lui qui prend en compte l'ensemble (y compris la récitation des lectures), il fait tout à l'autel.
[i][Ajoutons que dans la FORM, il est selon les normes impossible pour un prêtre de célébrer à la cathèdre de l'évêque. Ce qui pose au passage beaucoup de problèmes dans certaines cathédrales anciennes où il n'est pas prévu qu'il y ait 2 "sièges de présidence" dans le sanctuaire.][/i]
Une messe publique - et a fortiori une messe dominicale publique - ne devrait pas être une "[i]missa lecta[/i]". Comprenez bien : par exemple le psaume responsorial est supposé être lu, pas chanté ; de même pour l'alléluia qui est dans le lectionnaire : il n'a jamais été conçu pour être mis en musique. Malheureusement dans 99% des cas les prêtres en paroisse prennent le formulaire de la messe lue (puisque c'est celui qui est dans le missel / lectionnaire, qui ne donne pas le formulaire de la messe chantée qui est dans un autre livre). Le plus souvent cette erreur est faite par ignorance : vous savez que la formation liturgique dans les séminaires est proche de zéro ; et pour les prêtres plus anciens on ne leur a jamais expliqué qu'il y a un autre formulaire pour les messes chantées. La plupart d'entre eux n'ont même jamais eu contact avec la messe chantée - qui est pourtant la modalité ordinaire et normée des messes publiques dans la FORM. Quant aux plus anciens, ils font "comme avant" : c'est à dire qu'ils prennent le formulaire du missel / lectionnaire - messe lue - parce que c'est comme ça qu'on faisant avant la réforme liturgique, avec un missel qui à l'époque était plénier (c'est à dire qu'il contenait tout, ce qui n'est plus le cas aujourd'hui dans la FORM). Cette inertie ne concerne d'ailleurs pas que le célébrant ; même dans l'attitude des fidèles dans certains endroits, on le constate. Exemple : le fait de rester assis à l'[i]Orate fratres[/i] et pendant l'[i]oratio super oblata[/i] (appelée "secrète" dans la FERM).
Le problème de la célébration de la première partie de la messe au siège vient donc du fait qu'il faut au moins un servant pour tenir le missel pour la collecte et la post communion. Et s'il y en a pas, il faut bien poser le missel quelque part, parce que ces prières se font bras étendus par le célébrant. Du coup, dans beaucoup de cas le prêtre, par inertie, fait ces deux prières à l'autel, comme ça, cela lui simplifie la tâche, mais c'est évidemment contraire à l'usage. D'ailleurs, dans de nombreux cas, comme le servant n'est pas formé, il ne sait pas tenir le livre en question, et donc comme lui non plus on ne veut rien lui apprendre - comme le séminariste -, on ne lui demande pas de le faire, et donc même chose, on lit ces deux prières à l'autel. Et de toutes façons "c'est comme ça qu'on faisait avant". Inertie. Abus.
[img]http://servants.saintraphael-catho.com/CROIX/BLANC/porte%20livre.jpg[/img]
[b][i]Ici à Saint Raphaël, le servant sait porter le livre. On sait y célébrer la messe. Rare exemple paroissial. Notons que le livre est présenté par l'acolyte à hauteur de lecture / chant du célébrant, de façon stable c'est à dire en faisant reposer le haut du livre sur le front. Il n'ya en effet rien de plus désagréable pour un prêtre ou un évêque de ne pas réussir à chanter l'oraison parce que le texte bouge sous ses yeux. Forcément, si le livre n'est pas stable, on renonce, et on pose le livre sur l'autel et c'est plus simple. Mais on perd quelque chose du rite. Et c'est un abus.
[/i][/b]
Bref, je crois que je l'ai déjà écrit ici, mais la FORM pour être bien célébrée demande des efforts que la plupart des membres du clergé ne soupçonnent pas, si bien que très souvent on se retrouve face à une déformation, une sous liturgie, qui ne correspond en rien au niveau de solennité que devait revêtir la forme typique, avec notamment le formulaire de la "missa cantata". Or, la FORM dans sa conception sous-entend un niveau de solennité plus grand que la FERM dans sa "modalité" ordinaire (ex. une messe dominicale). C'est pour ça qu'une messe FORM célébrée par un simple prêtre s'apparente plus à une messe célébrée par un évêque dans la FERM. Cela pourra paraître surprenant, mais c'est ainsi.
Bref, dans cet exemple comme dans de nombreuses autres "modalités", c'est la preuve que la FORM a eu une naissance prématurée suivie d'une "mort subite du nourrisson", et ce dès les années qui ont suivi le Concile. On voit ainsi beaucoup d'incohérences, qui rendent l'ensemble bancal. Exemples : procession d'entrée et de sortie très solennisée avec cruciféraire, encens, encensement à l'offertoire et à la consécration, y compris avec porte cierges agenouillés à l'autel pendant l'élévation, mais toutes les oraisons lues (la plupart non chantées) à l'autel, alors qu'on chante le psaume et l'alléluia du lectionnaire. Complètement bancal. Beaucoup de frime et peu de technicité ou de bon goût.
Très souvent également on voit des prêtres prendre le formulaire de la messe lue, et de ne rien chanter sauf par exemple la préface (ou même seulement l'introduction de cette dernière). Là, c'est carrément ridicule en plus d'être absolument un "choix" présenté comme "personnel" par le célébrant ; or ce dernier n'a pas à prendre ce type d'initiative : rien n'est supposé être laissé à son appréciation personnelle, ou alors... c'est du cléricalisme. Soit c'est une [i]missa cantata[/i] et alors il faut qu'il chante tout ce qu'il a à chanter, soit c'est une [i]missa lecta[/i] alors il lit tout et ne chante rien. L'inverse existe aussi. J'ai ainsi "subi" un jour un prêtre qui - acceptant que nous chantions le formulaire de la messe chantée - a refusé de chanter sa partie au prétexte qu'il fallait "que les gens comprennent" et qui considérait qu'une oraison chantée (en français, ça va sans dire) entravait cette compréhension. Autrefois, on n'ordonnait pas si on ne savait pas chanter. Un prêtre qui ne savait pas chanter n'était pas idoine, jusqu'à une date récente. Mais que voulez vous : nous sommes en pleine régression culturelle, et le tout en toute bonne conscience. Je trouve ça inadmissible. Mais je m'éloigne de votre sujet. Car en fait la situation est vraiment grave. On en est à l'arrêt cardiaque de la liturgie en tant que telle dans 99% des lieux de culte.
A part dans de très rares endroits bien sûr qu'il nous faut soutenir, encourager, développer.
D'ailleurs dans certaines bonnes maisons, on peut voir la FERM célébrée de façon très proche de ce que demande la FORM, par un simple prêtre à la banquette pendant la "messe des catéchumènes / liturgie de la parole" et sans doublage. Et ce n'est par contre pas du tout un abus. C'est vraiment très proche de ce que souhaitait le Concile Vatican II.
Pardon pour ce long discours. Quand on me lance je ne m'arrête que tard.