par etienne lorant » jeu. 22 août 2013, 17:09
Directeur général adjoint de l'Institut de radioprotection et de sureté nucléaire (IRSN), en charge de la radioprotection, Jérôme Joly décrypte la situation de la centrale nucléaire japonaise de Fukushima, où a été annoncée une fuite de 300 tonnes d'eau radioactive provenant d'un réservoir de stockage.
L'Autorité japonaise de régulation du nucléaire (ARN) a classé, mercredi 21 août, au niveau 3 – celui d'incident "grave" – une fuite d'eau contaminée dans la centrale de Fukushima. Quelle est la nature exacte de cette fuite ?
Jérôme Joly : Le séisme et le tsunami du 11 mars 2011 qui ont provoqué la catastrophe de Fukushima ont aussi mis hors service tout le système de drainage des eaux du site nucléaire. En temps normal, ce système isolait les bâtiments de la nappe phréatique sur laquelle ils sont construits, afin d'éviter la pénétration des eaux souterraines dans leur sous-sol. Depuis l'accident, cette isolation n'existe plus. D'où, depuis deux ans et demi, la persistance d'infiltrations d'eau, qui sont aujourd'hui le problème majeur à Fukushima. Manifestement, il est loin d'être réglé.
Pour comprendre la situation, il faut savoir que le refroidissement des réacteurs sinistrés – les réacteurs 1, 2 et 3 – est aujourd'hui réalisé par l'injection en continu de 5 m3 d'eau douce par heure et par réacteur. Chaque jour, ce sont ainsi plusieurs centaines de tonnes d'eau qui circulent dans les installations. Or, il s'agit d'un circuit de refroidissement "ouvert" : les cœurs des trois réacteurs ont fondu et ont percé les cuves, et les enceintes de confinement, mises à mal par des explosions dans les jours qui ont suivi l'accident, ne sont plus étanches. L'eau injectée dans les réacteurs, où elle se charge en éléments radioactifs, ruisselle donc et s'écoule dans les galeries techniques, jusqu'au sous-sol des bâtiments des turbines.
Pour éviter que cette eau contaminée ne s'infiltre dans la nappe phréatique, Tepco [la compagnie d'électricité de Tokyo, gestionnaire du site] doit la pomper en permanence, à raison d'environ 700 m3 par jour. Une partie de cette eau – moins de 300 m3 par jour – est traitée et décontaminée avant d'être réinjectée dans le circuit de refroidissement. Il en reste donc plus de 400 m3 par jour, qui sont aujourd'hui stockées dans plusieurs centaines d'énormes citernes réparties sur le site nucléaire.
C'est d'un de ces réservoirs que s'est échappée de l'eau contaminée, dans un volume d'environ 300 tonnes selon l'autorité de contrôle japonaise.
Cette eau est-elle plus radioactive que celle qui s'écoule en permanence vers l'océan, à raison de 300 tonnes par jour d'après les chiffres donnés, le 7 août, par le gouvernement japonais ?
A priori non. On y trouve, vraisemblablement, différents radioéléments, notamment du césium, du tritium, du cobalt et du strontium radioactifs, arrachés par l'eau de refroidissement au combustible nucléaire fondu. Mais sans doute pas à des niveaux plus importants que ceux de l'ensemble des eaux qui ruissellent dans le sous-sol des bâtiments, où l'eau pompée est traitée et décontaminée avant d'être envoyée dans les réacteurs et les réservoirs de stockage. Le problème de l'eau contaminée se pose à l'échelle de la totalité du site nucléaire.
Pourquoi, alors, l'autorité de contrôle du nucléaire a-t-elle, pour la première fois depuis mars 2011, parlé d'incident grave à propos de cette fuite ?
Le niveau 3 auquel est classé cette fuite vient du fait que deux barrières de confinement de l'eau ont été mises en défaut. D'une part, la citerne elle-même, qui se trouve dans un ensemble de réservoirs de stockage installés dans la partie ouest du site de Fukushima. D'autre part, le mur de rétention qui entoure cet ensemble de réservoirs et qui est destiné à contenir d'éventuelles fuites. Il y a donc une double défaillance.
http://www.lemonde.fr/planete/article/2 ... _3244.html
Directeur général adjoint de l'Institut de radioprotection et de sureté nucléaire (IRSN), en charge de la radioprotection, Jérôme Joly décrypte la situation de la centrale nucléaire japonaise de Fukushima, où a été annoncée une fuite de 300 tonnes d'eau radioactive provenant d'un réservoir de stockage.
L'Autorité japonaise de régulation du nucléaire (ARN) a classé, mercredi 21 août, au niveau 3 – celui d'incident "grave" – une fuite d'eau contaminée dans la centrale de Fukushima. Quelle est la nature exacte de cette fuite ?
Jérôme Joly : Le séisme et le tsunami du 11 mars 2011 qui ont provoqué la catastrophe de Fukushima ont aussi mis hors service tout le système de drainage des eaux du site nucléaire. En temps normal, ce système isolait les bâtiments de la nappe phréatique sur laquelle ils sont construits, afin d'éviter la pénétration des eaux souterraines dans leur sous-sol. Depuis l'accident, cette isolation n'existe plus. D'où, depuis deux ans et demi, la persistance d'infiltrations d'eau, qui sont aujourd'hui le problème majeur à Fukushima. Manifestement, il est loin d'être réglé.
Pour comprendre la situation, il faut savoir que le refroidissement des réacteurs sinistrés – les réacteurs 1, 2 et 3 – est aujourd'hui réalisé par l'injection en continu de 5 m3 d'eau douce par heure et par réacteur. Chaque jour, ce sont ainsi plusieurs centaines de tonnes d'eau qui circulent dans les installations. Or, il s'agit d'un circuit de refroidissement "ouvert" : les cœurs des trois réacteurs ont fondu et ont percé les cuves, et les enceintes de confinement, mises à mal par des explosions dans les jours qui ont suivi l'accident, ne sont plus étanches. L'eau injectée dans les réacteurs, où elle se charge en éléments radioactifs, ruisselle donc et s'écoule dans les galeries techniques, jusqu'au sous-sol des bâtiments des turbines.
Pour éviter que cette eau contaminée ne s'infiltre dans la nappe phréatique, Tepco [la compagnie d'électricité de Tokyo, gestionnaire du site] doit la pomper en permanence, à raison d'environ 700 m3 par jour. Une partie de cette eau – moins de 300 m3 par jour – est traitée et décontaminée avant d'être réinjectée dans le circuit de refroidissement. Il en reste donc plus de 400 m3 par jour, qui sont aujourd'hui stockées dans plusieurs centaines d'énormes citernes réparties sur le site nucléaire.
C'est d'un de ces réservoirs que s'est échappée de l'eau contaminée, dans un volume d'environ 300 tonnes selon l'autorité de contrôle japonaise.
Cette eau est-elle plus radioactive que celle qui s'écoule en permanence vers l'océan, à raison de 300 tonnes par jour d'après les chiffres donnés, le 7 août, par le gouvernement japonais ?
A priori non. On y trouve, vraisemblablement, différents radioéléments, notamment du césium, du tritium, du cobalt et du strontium radioactifs, arrachés par l'eau de refroidissement au combustible nucléaire fondu. Mais sans doute pas à des niveaux plus importants que ceux de l'ensemble des eaux qui ruissellent dans le sous-sol des bâtiments, où l'eau pompée est traitée et décontaminée avant d'être envoyée dans les réacteurs et les réservoirs de stockage. Le problème de l'eau contaminée se pose à l'échelle de la totalité du site nucléaire.
Pourquoi, alors, l'autorité de contrôle du nucléaire a-t-elle, pour la première fois depuis mars 2011, parlé d'incident grave à propos de cette fuite ?
Le niveau 3 auquel est classé cette fuite vient du fait que deux barrières de confinement de l'eau ont été mises en défaut. D'une part, la citerne elle-même, qui se trouve dans un ensemble de réservoirs de stockage installés dans la partie ouest du site de Fukushima. D'autre part, le mur de rétention qui entoure cet ensemble de réservoirs et qui est destiné à contenir d'éventuelles fuites. Il y a donc une double défaillance.
[url]http://www.lemonde.fr/planete/article/2013/08/21/a-fukushima-les-solutions-mises-en-uvre-ne-sont-qu-un-pis-aller_3464390_3244.html[/url]