par boisvert » sam. 12 juil. 2008, 18:30
Evangile de Jésus-Christ selon saint Matthieu 10,24-33.
Celui qui se prononcera pour moi devant les hommes, moi aussi je me prononcerai pour lui devant mon Père qui est aux cieux. Mais celui qui me reniera devant les hommes, moi aussi je le renierai devant mon Père qui est aux cieux.
Cette Parole me rappelle que le Seigneur est venu apporter, non la paix au sens humain, mais un glaive - et la division au sujet de son Nom n'atteindra pas seulement les foules, mais même les familles - ce que j'ai vécu aussi. De jour en jour, je réalise qu'il devait en être ainsi et qu'il ne peut qu'en être ainsi. Parce qu'il n'y a pas deux façons de croire identiques, chacun d'entre nous apporte la sienne, et pas seulement par son témoignage mais par sa vie toute entière.
De nos jours, le Jésus "historique" n'est plus remis en cause (il existe trop de preuves historiques), mais une multitude de fables sont écrites à son propos, jusqu'à des sortes de thrillers pseudo-métaphysiques. Et fondamentalement, pour moi, il demeure qu'un désir sincère de vérité, une question qui se pose tôt ou tard à tout homme, dans sa conscience et dans son coeur, aboutit irrésistiblement à la question de l'existence de Dieu; et la question de l'existence de Dieu conduit elle-même à ce choix crucial: oui, je crois; non, je ne veux pas croire.
J'avais écrit: "La question de l'existence de Dieu conduit elle-même à ce choix crucial: oui, je crois; non, je ne veux pas croire." Mais c'était l'heure du repas et je suis parti en me posant la question de savoir si j'avais bien formulé cela: "Oui, je crois - ou bien: non, je ne veux pas croire".
En définitive, c'est une bonne formulation et je la garde telle quelle. Ce qui arrive à tout homme qui désire et cherche sincèrement à connaître la vérité sur l'existence et sur lui-même aboutit, tôt ou tard, quel que soit le chemin parcouru à constater ceci: "Le monde ment sur l'homme". Et dès qu'il en arrive à cette constatation, le mal est déjà débusqué.
Le monde ment. Et par "le monde", j'entends: l'organisation sociale, la philosophie, toutes les sciences humaines, et aussi les sciences dites "exactes" lorsqu'elles s'arrogent de parler de l'homme... l'économie, la politique, la culture, l'art, le langage lui-même. Il existe, épars dans ce que je nomme le monde, comme un sous-entendu, un présupposé absolument négatif - et c'est: "Dieu n'existant pas, tout le reste est possible".
En sorte que, tout homme malheureux qui commence à rechercher, de toutes ses forces, avec la sincérité et la rigueur les plus absolues... pourquoi la condition humaine est malheureuse, doit commencer par défaire l'écheveau de toutes les propositions fallacieuses qui découlent de ce principe: "Dieu n'existant pas, tout le reste est possible".
Il est obligé de nager en sens inverse, de retourner aux origines, de remonter le courant. Et il aboutit à ce constat: il y a un mensonge sur l'homme dès le départ.
En tout cas, moi, quand je fus arrivé à cette découverte, c'était deux jours avant ma conversion - ou peut-être mon suicide (*), tant la démarche avait été éprouvante pour mon être (elle avait duré grosso modo près de dix ans). Mais à partir du moment ou le mensonge avait été dépisté, alors la proposition d'origine se retrouvait pratiquement inversée: "Tout serait impossible si Dieu n'existait pas". A partir de là, j'ai eu ce choix à faire, tel que je l'ai formulé plus haut: "Oui, je crois" - ou bien: "Maintenant que je sais, je choisi en toute connaissance de causes de ne pas croire".
(*) Si j'ai parlé de conversion ou de suicide, à cause de ce que j'ai découvert sur la conversion de Jacques Maritain - qui avait suivi un chemin très semblable au mien. Voici son histoire:
Très jeune, lorsqu'il s'est inscrit à la Sorbonne pour y compléter ses études de philosophie, il partageait comme bien d'autres jeunes Parisiens des idées qui mènent à l'agnosticisme, c'est-à-dire à la conviction que l'Absolu est inaccessible à l'esprit humain. Un agnostique, c’est en effet quelqu’un qui rejette d’une part l'idée que Dieu existe; mais d‘autre part l’agnostique refuse l’idée des athées qui affirment que Dieu n'existe certainement pas. Pourtant, Maritain ne peut vivre sans se poser la question fondamentale du sens. La vie a-t-elle un sens?
La conviction des athées répugne au jeune Maritain. Il lui semble finalement que l'Univers doit bien avoir un sens caché. Comment affirmer en effet que notre Monde soit dépourvu de signification transcendantale? Cela lui semble improbable. Il est déchiré par l’idée:que le Monde doit bien avoir un sens qui nous dépasse. Maritain se heurte de plus en plus à des confrères agnostiques qui se refusent à discuter de ces choses sous prétexte que tout cela demeure sans solution. Par bonheur, son esprit tourmenté trouve enfin une âme soeur. C'est Raïssa Oumensoff, un jeune juive russe. Ce sera là une rencontre phénoménale, car un immense amour, un amour chaste les unira pour la vie. Mariés en 1904, ils parviendront à former un des couples les plus remarquables de leur époque.
Tous deux sont jeunes et entiers. Comme plusieurs couples qui sont près à mourir ensemble s'ils n'arrivent pas à trouver une raison de vivre, Jacques Maritain et Raïssa Oumensoff s'entendent solennellement au départ pour signer en quelque sorte un pacte de suicide. Si dans un an, ils sont toujours devant le vide et le néant, ils mettront fin à leurs jours! Ils veulent vraiment trouver le sens du mot «vérité». C'est évidemment le sens de l'Absolu qui leur manque. Heureusement, ils trouveront le chemin de la grâce en se rendant aux conférences très fréquentées de Henri Bergson*, philosophe qui obtiendra le Prix Nobel en 1927. La pensée de Bergson peut se résumer ainsi: il faut faire la distinction entre la connaissance rationnelle et l'intuition, seule capable de saisir la réalité profonde.
Cette mise en valeur de l'intuition permet à de nombreux auditeurs d'atteindre, de saisir le sens de l'Absolu. C’est le cas des Maritain. Tout change en eux. La lumière se fait. Jacques et Raïssa Maritain rencontrent bientôt Léon Bloy*, cet admirable pamphlétaire d'inspiration catholique, qui va savoir les guider, si bien qu'un an plus tard, en 1906, Bloy devient leur parrain lors d'une cérémonie de baptême historique.
Evangile de Jésus-Christ selon saint Matthieu 10,24-33.
Celui qui se prononcera pour moi devant les hommes, moi aussi je me prononcerai pour lui devant mon Père qui est aux cieux. Mais celui qui me reniera devant les hommes, moi aussi je le renierai devant mon Père qui est aux cieux.
Cette Parole me rappelle que le Seigneur est venu apporter, non la paix au sens humain, mais un glaive - et la division au sujet de son Nom n'atteindra pas seulement les foules, mais même les familles - ce que j'ai vécu aussi. De jour en jour, je réalise qu'il devait en être ainsi et qu'il ne peut qu'en être ainsi. Parce qu'il n'y a pas deux façons de croire identiques, chacun d'entre nous apporte la sienne, et pas seulement par son témoignage mais par sa vie toute entière.
De nos jours, le Jésus "historique" n'est plus remis en cause (il existe trop de preuves historiques), mais une multitude de fables sont écrites à son propos, jusqu'à des sortes de thrillers pseudo-métaphysiques. Et fondamentalement, pour moi, il demeure qu'un désir sincère de vérité, une question qui se pose tôt ou tard à tout homme, dans sa conscience et dans son coeur, aboutit irrésistiblement à la question de l'existence de Dieu; et la question de l'existence de Dieu conduit elle-même à ce choix crucial: oui, je crois; non, je ne veux pas croire.
J'avais écrit: "La question de l'existence de Dieu conduit elle-même à ce choix crucial: oui, je crois; non, je ne veux pas croire." Mais c'était l'heure du repas et je suis parti en me posant la question de savoir si j'avais bien formulé cela: "Oui, je crois - ou bien: non, je ne veux pas croire".
En définitive, c'est une bonne formulation et je la garde telle quelle. Ce qui arrive à tout homme qui désire et cherche sincèrement à connaître la vérité sur l'existence et sur lui-même aboutit, tôt ou tard, quel que soit le chemin parcouru à constater ceci: "Le monde ment sur l'homme". Et dès qu'il en arrive à cette constatation, le mal est déjà débusqué.
Le monde ment. Et par "le monde", j'entends: l'organisation sociale, la philosophie, toutes les sciences humaines, et aussi les sciences dites "exactes" lorsqu'elles s'arrogent de parler de l'homme... l'économie, la politique, la culture, l'art, le langage lui-même. Il existe, épars dans ce que je nomme le monde, comme un sous-entendu, un présupposé absolument négatif - et c'est: "Dieu n'existant pas, tout le reste est possible".
En sorte que, tout homme malheureux qui commence à rechercher, de toutes ses forces, avec la sincérité et la rigueur les plus absolues... pourquoi la condition humaine est malheureuse, doit commencer par défaire l'écheveau de toutes les propositions fallacieuses qui découlent de ce principe: "Dieu n'existant pas, tout le reste est possible".
Il est obligé de nager en sens inverse, de retourner aux origines, de remonter le courant. Et il aboutit à ce constat: il y a un mensonge sur l'homme dès le départ.
En tout cas, moi, quand je fus arrivé à cette découverte, c'était deux jours avant ma conversion - ou peut-être mon suicide (*), tant la démarche avait été éprouvante pour mon être (elle avait duré grosso modo près de dix ans). Mais à partir du moment ou le mensonge avait été dépisté, alors la proposition d'origine se retrouvait pratiquement inversée: "Tout serait impossible si Dieu n'existait pas". A partir de là, j'ai eu ce choix à faire, tel que je l'ai formulé plus haut: "Oui, je crois" - ou bien: "Maintenant que je sais, je choisi en toute connaissance de causes de ne pas croire".
(*) Si j'ai parlé de conversion ou de suicide, à cause de ce que j'ai découvert sur la conversion de Jacques Maritain - qui avait suivi un chemin très semblable au mien. Voici son histoire:
Très jeune, lorsqu'il s'est inscrit à la Sorbonne pour y compléter ses études de philosophie, il partageait comme bien d'autres jeunes Parisiens des idées qui mènent à l'agnosticisme, c'est-à-dire à la conviction que l'Absolu est inaccessible à l'esprit humain. Un agnostique, c’est en effet quelqu’un qui rejette d’une part l'idée que Dieu existe; mais d‘autre part l’agnostique refuse l’idée des athées qui affirment que Dieu n'existe certainement pas. Pourtant, Maritain ne peut vivre sans se poser la question fondamentale du sens. La vie a-t-elle un sens?
La conviction des athées répugne au jeune Maritain. Il lui semble finalement que l'Univers doit bien avoir un sens caché. Comment affirmer en effet que notre Monde soit dépourvu de signification transcendantale? Cela lui semble improbable. Il est déchiré par l’idée:que le Monde doit bien avoir un sens qui nous dépasse. Maritain se heurte de plus en plus à des confrères agnostiques qui se refusent à discuter de ces choses sous prétexte que tout cela demeure sans solution. Par bonheur, son esprit tourmenté trouve enfin une âme soeur. C'est Raïssa Oumensoff, un jeune juive russe. Ce sera là une rencontre phénoménale, car un immense amour, un amour chaste les unira pour la vie. Mariés en 1904, ils parviendront à former un des couples les plus remarquables de leur époque.
Tous deux sont jeunes et entiers. Comme plusieurs couples qui sont près à mourir ensemble s'ils n'arrivent pas à trouver une raison de vivre, Jacques Maritain et Raïssa Oumensoff s'entendent solennellement au départ pour signer en quelque sorte un pacte de suicide. Si dans un an, ils sont toujours devant le vide et le néant, ils mettront fin à leurs jours! Ils veulent vraiment trouver le sens du mot «vérité». C'est évidemment le sens de l'Absolu qui leur manque. Heureusement, ils trouveront le chemin de la grâce en se rendant aux conférences très fréquentées de Henri Bergson*, philosophe qui obtiendra le Prix Nobel en 1927. La pensée de Bergson peut se résumer ainsi: il faut faire la distinction entre la connaissance rationnelle et l'intuition, seule capable de saisir la réalité profonde.
Cette mise en valeur de l'intuition permet à de nombreux auditeurs d'atteindre, de saisir le sens de l'Absolu. C’est le cas des Maritain. Tout change en eux. La lumière se fait. Jacques et Raïssa Maritain rencontrent bientôt Léon Bloy*, cet admirable pamphlétaire d'inspiration catholique, qui va savoir les guider, si bien qu'un an plus tard, en 1906, Bloy devient leur parrain lors d'une cérémonie de baptême historique.