par Cinci » lun. 15 avr. 2013, 15:51
En fouillant dans le grenier, je réalise qu'un vieux texte de notre feu-pape Jean Paul II se révèle encore brûlant d'actualité, et si l'on songe à cette histoire de projet de loi actuel des socialistes en France, l'idée d'une refonte de la définition du mariage, ainsi que des argumentaires auxquels l'occasion donnerait lieu.
Le document :
- «... ce sens du péché a sa racine dans la conscience de l'homme et en est comme l'instrument de mesure. Il est lié au sens de Dieu, puisqu'il provient du rapport conscient de l'homme avec Dieu comme son Créateur, son Seigneur et Père. C'est pourquoi, de même que l'on ne peut effacer complètement le sens de Dieu ni éteindre la conscience, de même le sens du péché n'est jamais complètement effacé.
Pourtant, il n'est pas rare dans l'histoire, en des périodes plus ou moins longues et sous l'influence de facteurs multiples, que la conscience morale se trouve gravement obscurcie en beaucoup d'hommes. «Avons-nous une juste idée de la conscience ?», demandais-je il y a deux ans au cours d'un entretien avec les fidèles : «L'homme contemporain ne vit-il pas sous la menace d'une éclipse de la conscience, d'une déformation de la conscience, d'un engourdissement ou d'une anesthésie des consciences ?» Trop de signes indiquent qu'à notre époque se produit une telle éclipse, ce qui est d'autant plus inquiétant que cette conscience, définie par le Concile comme «le centre le plus secret et le sanctuaire de l'homme», est étroitement liée à la liberté de l'homme. C'est pour cela que la conscience constitue un élément essentiel qui fonde la dignité intérieure de l'homme et, en même temps, son rapport avec Dieu.
Il est donc inévitable dans cette situation que le sens du péché soit lui aussi obnubilé, car il est étroitement lié à la conscience morale, à la recherche de la vérité, à la volonté de faire un usage responsable de sa liberté. Avec la conscience, le sens de Dieu lui aussi se trouve obscurci, et alors, si cette référence intérieure décisive est perdue, le sens du péché disparaît. Voilà pourquoi mon prédécesseur Pie XII a pu déclarer un jour, dans une expression devenue presque proverbiale, que «le péché de ce siècle est la perte du sens du péché».
Pourquoi ce phénomène en notre temps ? Un regard sur certaines composantes de la culture contemporaine peut nous aider à comprendre l'atténuation progressive du sens du péché, précisément à cause de la crise de la conscience et du sens de Dieu déjà soulignée ci-dessus.
Le sécularisme est en soi et par définition un mouvement d'idées et de moeurs qui impose un humanisme qui fait totalement abstraction de Dieu, concentré uniquement sur le culte et l'agir de la production, emporté par l'ivresse de la consommation et du plaisir, sans se préoccuper du danger de «perdre son âme»; il ne peut qu'amoindrir le sens du péché. Ce dernier se réduit tout au plus, à ce qui offense l'homme. Mais précisément ici s'impose l'amère expérience à laquelle j'ai déjà fait allusion dans ma première encyclique : l'homme peut construire un monde sans Dieu, mais ce monde finira par se retourner contre l'homme. En réalité, Dieu est l'origine et la fin suprême de l'homme, et celui-ci porte en lui un germe divin. C'est pourquoi, c'est le mystère de Dieu qui dévoile et éclaire le mystère de l'homme. Il est donc vain d'espérer qu'un sens du péché puisse prendre consistance par rapport à l'homme et aux valeurs humaines si fait défaut le sens de l'offense commise contre Dieu, c'est à dire le véritable sens du péché.
Ce sens du péché disparaît également dans la société contemporaine à cause des équivoques où l'on tombe en accueillant certains résultats des sciences humaines. Ainsi, en parlant de quelques unes des affirmations de la psychologie, la préoccupation de ne pas culpabiliser ou de ne pas mettre de frein à la liberté porte à ne jamais reconnaître aucun manquement. A cause d'une extrapolation indue des critères de la science sociologique, on en vient à reporter sur la société toutes les fautes dont l'individu est déclaré innocent. Également, une certaine anthropologie culturelle, à son tour, à force de grossir les conditionnements indéniables et l'influence du milieu et des conditions historiques de l'homme, limite sa responsabilité au point de ne pas lui reconnaître la capacité d'accomplir de véritables actes humains et, par conséquent, la possibilité de pécher.
Le sens du péché disparaît facilement aussi sous l'influence d'une éthique dérivée d'un certain relativisme historique. Il peut s'agir de l'éthique qui relativise la norme morale, niant sa valeur absolue et inconditionnelle, et niant par conséquent qu'il puisse exister des actes intrinsèquement illicites, indépendemment des circonstances où ils sont posés par le sujet. Il s'agit d'un véritable ébranlement et d'une baisse des valeurs morales [...]
Enfin le sens du péché disparaît quand - comme cela peut se produire dans l'enseignement donnée aux jeunes, dans les médias, dans l'éducation familiale elle-même - il se trouve identifié par erreur avec le sentiment morbide de la culpabilité ou avec la simple transgression des normes et des préceptes de la loi.
La perte du sens du péché est donc une forme ou un résultat de la négation de Dieu : non seulement celle de l'athéisme, mais aussi celle de la sécularisation. Si le péché est la rupture du rapport filial avec Dieu pour mener sa vie en dehors de l'obéissance qu'on lui doit, alors pécher ce n'est pas seulement nier Dieu; pécher, c'est aussi vivre comme s'il n'existait pas, c'est l'effacer de sa vie quotidienne. Un modèle de société mutilé ou déséquilibré dans l'un ou l'autre sens, souvent présenté par les moyens de communication sociale, favorise considérablement la perte progressive du sens du péché. Dans une telle situation, l'obscurcissement ou l'affaiblissement du sens du péché découle du refus de toute référence à la transcendance, au nom de l'aspiration à l'autonomie personnelle; de l'assujettissement à des modèles éthiques imposées par un consensus et une attitude générale [...]
Et même dans le domaine de la pensée et de la vie ecclésiale, il y a des tendances qui favorisent inévitablement le déclin du sens du péché. Certains, par exemple, tendent à remplacer des attitudes excessives du passé par d'autres excès : au lieu de voir le péché partout on ne le distingue plus nulle part ; au lieu de trop mettre l'accent sur la peur des peines éternelles, on prêche un amour de Dieu qui exclurait toute peine méritée par le péché; au lieu de la sévérité avec laquelle on s'efforce de corriger les consciences erronées, on prône un tel respect des consciences qu'il supprime le devoir de dire la vérité. [...]»
Source : La réconciliation et la pénitence, Jean-Paul II,«L'amour plus grand que le péché», 1984
En fouillant dans le grenier, je réalise qu'un vieux texte de notre feu-pape Jean Paul II se révèle encore brûlant d'actualité, et si l'on songe à cette histoire de projet de loi actuel des socialistes en France, l'idée d'une refonte de la définition du mariage, ainsi que des argumentaires auxquels l'occasion donnerait lieu.
Le document :
[list]«... ce [i]sens du péché[/i] a sa racine dans la conscience de l'homme et en est comme l'instrument de mesure. Il est lié au sens de Dieu, puisqu'il provient du rapport conscient de l'homme avec Dieu comme son Créateur, son Seigneur et Père. C'est pourquoi, de même que l'on ne peut effacer complètement le sens de Dieu ni éteindre la conscience, de même le sens du péché n'est jamais complètement effacé.
Pourtant, il n'est pas rare dans l'histoire, en des périodes plus ou moins longues et sous l'influence de facteurs multiples, que la conscience morale se trouve gravement obscurcie en beaucoup d'hommes. «Avons-nous une juste idée de la conscience ?», demandais-je il y a deux ans au cours d'un entretien avec les fidèles : «L'homme contemporain ne vit-il pas sous la menace d'une éclipse de la conscience, d'une déformation de la conscience, d'un engourdissement ou d'une anesthésie des consciences ?» Trop de signes indiquent qu'à notre époque se produit une telle éclipse, ce qui est d'autant plus inquiétant que cette conscience, définie par le Concile comme «le centre le plus secret et le sanctuaire de l'homme», est étroitement liée à la liberté de l'homme. C'est pour cela que la conscience constitue un élément essentiel qui fonde la dignité intérieure de l'homme et, en même temps, son rapport avec Dieu.
Il est donc inévitable dans cette situation que le [i]sens du péché[/i] soit lui aussi obnubilé, car il est étroitement lié à la conscience morale, à la recherche de la vérité, à la volonté de faire un usage responsable de sa liberté. Avec la conscience, le sens de Dieu lui aussi se trouve obscurci, et alors, si cette référence intérieure décisive est perdue, le sens du péché disparaît. Voilà pourquoi mon prédécesseur Pie XII a pu déclarer un jour, dans une expression devenue presque proverbiale, que «le péché de ce siècle est la perte du sens du péché».
Pourquoi ce phénomène en notre temps ? Un regard sur certaines composantes de la culture contemporaine peut nous aider à comprendre l'atténuation progressive du sens du péché, précisément à cause de la crise de la conscience et du sens de Dieu déjà soulignée ci-dessus.
Le sécularisme est en soi et par définition un mouvement d'idées et de moeurs qui impose un humanisme qui fait totalement abstraction de Dieu, concentré uniquement sur le culte et l'agir de la production, emporté par l'ivresse de la consommation et du plaisir, sans se préoccuper du danger de «perdre son âme»; il ne peut qu'amoindrir le sens du péché. Ce dernier se réduit tout au plus, à ce qui offense l'homme. Mais précisément ici s'impose l'amère expérience à laquelle j'ai déjà fait allusion dans ma première encyclique : l'homme peut construire un monde sans Dieu, mais ce monde finira par se retourner contre l'homme. En réalité, Dieu est l'origine et la fin suprême de l'homme, et celui-ci porte en lui un germe divin. C'est pourquoi, c'est le mystère de Dieu qui dévoile et éclaire le mystère de l'homme. Il est donc vain d'espérer qu'un sens du péché puisse prendre consistance par rapport à l'homme et aux valeurs humaines si fait défaut le sens de l'offense commise contre Dieu, c'est à dire le véritable sens du péché.
Ce sens du péché disparaît également dans la société contemporaine à cause des équivoques où l'on tombe en accueillant certains résultats des sciences humaines. Ainsi, en parlant de quelques unes des affirmations de la psychologie, la préoccupation de ne pas culpabiliser ou de ne pas mettre de frein à la liberté porte à ne jamais reconnaître aucun manquement. A cause d'une extrapolation indue des critères de la science sociologique, on en vient à reporter sur la société toutes les fautes dont l'individu est déclaré innocent. Également, une certaine anthropologie culturelle, à son tour, à force de grossir les conditionnements indéniables et l'influence du milieu et des conditions historiques de l'homme, limite sa responsabilité au point de ne pas lui reconnaître la capacité d'accomplir de véritables actes humains et, par conséquent, la possibilité de pécher.
Le sens du péché disparaît facilement aussi sous l'influence d'une éthique dérivée d'un certain relativisme historique. Il peut s'agir de l'éthique qui relativise la norme morale, niant sa valeur absolue et inconditionnelle, et niant par conséquent qu'il puisse exister des actes intrinsèquement illicites, indépendemment des circonstances où ils sont posés par le sujet. Il s'agit d'un véritable ébranlement et d'une baisse des valeurs morales [...]
Enfin le sens du péché disparaît quand - comme cela peut se produire dans l'enseignement donnée aux jeunes, dans les médias, dans l'éducation familiale elle-même - il se trouve identifié par erreur avec le sentiment morbide de la culpabilité ou avec la simple transgression des normes et des préceptes de la loi.
La perte du sens du péché est donc une forme ou un résultat de [u]la négation de Dieu[/u] : non seulement celle de l'athéisme, mais aussi celle de la sécularisation. Si le péché est la rupture du rapport filial avec Dieu pour mener sa vie en dehors de l'obéissance qu'on lui doit, alors pécher ce n'est pas seulement nier Dieu; pécher, c'est aussi vivre comme s'il n'existait pas, c'est l'effacer de sa vie quotidienne. Un modèle de société mutilé ou déséquilibré dans l'un ou l'autre sens, souvent présenté par les moyens de communication sociale, favorise considérablement la perte progressive du sens du péché. Dans une telle situation, l'obscurcissement ou l'affaiblissement du sens du péché découle du refus de toute référence à la transcendance, au nom de l'aspiration à l'autonomie personnelle; de l'assujettissement à des modèles éthiques imposées par un consensus et une attitude générale [...]
Et même dans le domaine de la pensée et de la vie ecclésiale, il y a des tendances qui favorisent inévitablement le déclin du [i]sens du péché[/i]. Certains, par exemple, tendent à remplacer des attitudes excessives du passé par d'autres excès : au lieu de voir le péché partout on ne le distingue plus nulle part ; au lieu de trop mettre l'accent sur la peur des peines éternelles, on prêche un amour de Dieu qui exclurait toute peine méritée par le péché; au lieu de la sévérité avec laquelle on s'efforce de corriger les consciences erronées, on prône un tel respect des consciences qu'il supprime le devoir de dire la vérité. [...]»
Source : [u]La réconciliation et la pénitence[/u], Jean-Paul II,«L'amour plus grand que le péché», 1984 [/list]