par Cinci » dim. 16 avr. 2017, 21:22
Un petit partage à propos du bonheur ...
Le livre le plus populaire du maître du bon sens est L'Éthique à Nicomaque. Ce livre, comme la plupart des livres d'éthique prémodernes explore trois questions fondamentales, alors que les livres d'éthique modernes n'en explorent qu'une ou deux au maximum.
C,S. Lewis dépeint ces trois questions sous la forme des trois questions auxquelles doivent répondre les ordres de voyage d'une flotte de navires. Premièrement, ces navires doivent savoir comment opérer afin de ne pas se rentrer les uns dans les autres. Ceci représente la question éthique portant sur la façon dont nous devons traiter notre prochain, soit l'éthique sociale. C'est l'unique question dont traitent la plupart des éthiques modernes. Deuxièmement, les navires doivent savoir comment se maintenir en forme de navigation pour éviter de couler. Ceci nous ramène à la question des vertus et des vices individuels, la question de la trempe des personnes. Les anciennes éthiques traitaient plus de cette question que la précédente. Mais la troisième question, qui pour Aristote et les anciens est la plus importante, c'est celle du summum bonum, du plus grand bien, de la plus haute valeur, de la fin ultime, du sens, de la direction , du but de la vie humaine. Ceci est représenté par l'ordre de voyage qui indique aux navires la raison pour laquelle, finalement, ils voguent en mer, leur ordre de mission. Les gens modernes ne considèrent pas cette question comme une question d'éthique. Pourtant, c'est la plus importante!
La réponse d'Aristote à cette question est le bonheur. Le bonheur est le but de la vie. En effet, chacun poursuit, désire et recherche toutes les autres choses pour ce but unique, celui d'être heureux. Mais personne ne recherche le bonheur pour autre chose. Personne n'objecte: "A quoi rime le bonheur?"
Mais la signification du mot bonheur a changé depuis le temps d'Aristote. Aujourd'hui, nous entendons par bonheur quelque chose d'entièrement subjectif, un sentiment, une sensation. Si vous vous sentez heureux, vous êtes heureux. Mais, Aristote et la plupart des écrivains prémodernes voyaient d'abord dans la bonheur un état objectif et pas seulement un sentiment subjectif. Le mot grec pour le bonheur, eudemonia, signifie littéralement un bon esprit ou une bonne âme. Être heureux, c'est être bon. Selon cette définition, Job sur son tas de fumier est heureux. Socrate, injustement condamné à mort, est heureux. Hitler, exultant de joie dans sa conquête de la France, n'est pas heureux. Le bonheur est la bonté.
Il en va plus ici que d'un mot. Ici se trouve la plus importante question du monde. Quel est le plus grand bien? Qu'est-ce qui donne un sens à notre vie? Quel est notre but?
La modernité répond : se sentir bien. Les anciens répondent : être bien, c'est à dire bon. Se "sentir bien" est incompatible avec la souffrance. Être bien, être bon, lui est compatible.
De plus, la réponse moderne la plus répandue pour définir une bonne personne est qu'elle soit gentille. Ne faites pas souffrir les autres. Si ça ne fait de mal à personne, c'est bien, A partir d'un tel critère, Dieu n'est pas bon s'il nous laisse souffrir. Mais selon les critères anciens, Dieu pourrait être bon même s'il nous laisse souffrir, s'Il le faisait pour nous mener vers notre bonheur, pour assurer la perfection de notre vie, de notre trempe, de notre âme, bref de nous-même.
Ainsi, pour l'esprit ancien, l'existence de la souffrance ne réfute pas la croyance en un Dieu bon. En effet, un Dieu bon peut sacrifier notre bonheur subjectif pour obtenir notre bonheur objectif. Mais la pensée moderne a de la difficulté à établir cette distinction entre le bonheur subjectif et le bonheur objectif; aussi la pensée moderne a-t-elle de la difficulté à croire en un Dieu bon qui nous laisse souffrir.
Source : Peter Kreeft, Pourquoi Dieu nous fait-il souffrir? , p.90
Un petit partage à propos du bonheur ...
[quote]Le livre le plus populaire du maître du bon sens est [i]L'Éthique à Nicomaque[/i]. Ce livre, comme la plupart des livres d'éthique prémodernes explore trois questions fondamentales, alors que les livres d'éthique modernes n'en explorent qu'une ou deux au maximum.
C,S. Lewis dépeint ces trois questions sous la forme des trois questions auxquelles doivent répondre les ordres de voyage d'une flotte de navires. Premièrement, ces navires doivent savoir comment opérer afin de ne pas se rentrer les uns dans les autres. Ceci représente la question éthique portant sur la façon dont nous devons traiter notre prochain, soit l'éthique sociale. C'est l'unique question dont traitent la plupart des éthiques modernes. Deuxièmement, les navires doivent savoir comment se maintenir en forme de navigation pour éviter de couler. Ceci nous ramène à la question des vertus et des vices individuels, la question de la trempe des personnes. Les anciennes éthiques traitaient plus de cette question que la précédente. Mais la troisième question, qui pour Aristote et les anciens est la plus importante, c'est celle du [i]summum bonum[/i], du plus grand bien, de la plus haute valeur, de la fin ultime, du sens, de la direction , du but de la vie humaine. Ceci est représenté par l'ordre de voyage qui indique aux navires la raison pour laquelle, finalement, ils voguent en mer, leur ordre de mission. Les gens modernes ne considèrent pas cette question comme une question d'éthique. Pourtant, c'est la plus importante!
La réponse d'Aristote à cette question est le bonheur. Le bonheur est le but de la vie. En effet, chacun poursuit, désire et recherche toutes les autres choses pour ce but unique, celui d'être heureux. Mais personne ne recherche le bonheur pour autre chose. Personne n'objecte: "A quoi rime le bonheur?"
Mais la signification du mot [i]bonheur[/i] a changé depuis le temps d'Aristote. Aujourd'hui, nous entendons par [i]bonheur[/i] quelque chose d'entièrement subjectif, un sentiment, une sensation. Si vous vous sentez heureux, vous êtes heureux. Mais, Aristote et la plupart des écrivains prémodernes voyaient d'abord dans la bonheur [b]un état objectif[/b] et pas seulement un sentiment subjectif. Le mot grec pour le bonheur, [i]eudemonia[/i], signifie littéralement un bon esprit ou [i]une bonne âme[/i]. Être heureux, c'est [b]être bon[/b]. Selon cette définition, Job sur son tas de fumier est heureux. Socrate, injustement condamné à mort, est heureux. Hitler, exultant de joie dans sa conquête de la France, n'est pas heureux. Le bonheur est la bonté.
Il en va plus ici que d'un mot. Ici se trouve la plus importante question du monde. Quel est le plus grand bien? Qu'est-ce qui donne un sens à notre vie? Quel est notre but?
La modernité répond : se sentir bien. Les anciens répondent : être bien, c'est à dire bon. Se "sentir bien" est incompatible avec la souffrance. Être bien, être bon, lui est compatible.
De plus, la réponse moderne la plus répandue pour définir une bonne personne est qu'elle soit gentille. Ne faites pas souffrir les autres. Si ça ne fait de mal à personne, c'est bien, A partir d'un tel critère, Dieu n'est pas bon s'il nous laisse souffrir. Mais selon les critères anciens, Dieu pourrait être bon même s'il nous laisse souffrir, s'Il le faisait pour nous mener vers notre bonheur, pour assurer la perfection de notre vie, de notre trempe, de notre âme, bref de nous-même.
Ainsi, pour l'esprit ancien, l'existence de la souffrance ne réfute pas la croyance en un Dieu bon. En effet, un Dieu bon peut sacrifier notre bonheur subjectif pour obtenir notre bonheur objectif. Mais la pensée moderne a de la difficulté à établir cette distinction entre le bonheur subjectif et le bonheur objectif; aussi la pensée moderne a-t-elle de la difficulté à croire en un Dieu bon qui nous laisse souffrir.
Source : Peter Kreeft, [u]Pourquoi Dieu nous fait-il souffrir[/u]? , p.90 [/quote]