par Cinci » jeu. 05 janv. 2017, 15:24
Trinité,
Je vous passe encore un peu de lecture avant de commenter. Ce sont les derniers extraits ici. Je vais dire un petit mot après, si vous voulez
Comment la Révélation va éclairer la mort
Quand Jésus entre dans la mort, ce n'est pas par l'obligation de mourir qui atteint tous les hommes; il était Dieu! Il prend une humanité absolument pure, vierge de toute trace du péché originel; il entre dans la mort
librement, d'où ce pouvoir extraordinaire qu'il a sur elle.
Et qu'en sera-t-il de l'Église? Tout entière – sauf ceux qui seront encore vivants au dernier moment – elle passera elle-même par la mort, mais la mort illuminé par le passage de Jésus. Les apôtres vont le dire, ainsi saint Paul dans ce texte extraordinaire de la fin du chapitre 8 de l'épitre aux Romains :
- Car j'ai l'assurance que ni la mort ni la vie, ni les anges ni les dominations, ni les choses présentes, ni la hauteur ni la profondeur, ni aucune autre créature ne pourra nous séparer de l'amour de Dieu manifesté en Jésus Christ notre Seigneur.
Ni la mort ni la vie … La mort est dominée. C'est le message que l'Église annoncera au monde.
Ainsi la mort, qui est un mal en elle-même – elle reste un mal, il ne faut pas dire qu'elle est un bien – est revêtue, à cause du Christ, de tant de splendeur, qu'elle devient désirable pour ceux qui sont dans l'amour et qui comprennent ces choses-là.
Cette grande certitude qu'elle reçoit du Christ, l'Église la fait passer dans le peuple, ces clartés de la Révélation vont descendre dès le début jusqu'au membre le plus humble du peuple chrétien. Je pense au témoignage des Catacombes, mis en lumière par
Émile Mâle, que je cite ici :
Quand on a commencé à vouloir déchiffrer les peintures des Catacombes, dit-il, on se demandait pourquoi on retrouvait toujours certains sujets : la résurrection de Lazare, la guérison du paralytique, les trois hébreux dans la fournaise, Suzanne et les vieillards, Jonas jeté au monstre … On l'ignora longtemps, mais on le sait maintenant, car on a découvert la première formule d'une prière pour les morts :
- Père, délivre son âme comme tu as délivré Jonas du monstre marin, les jeunes hébreux de la fournaise, Daniel dans la fosse aux lions, Suzanne de la main des vieillards
Et s'adressant au Fils, on ajoutait :
- Toi aussi, je te prie, Fils de Dieu, toi qui a ouvert les yeux des aveugles, qui a rendu l'usage de ses membres au paralytique, qui a ressuscité Lazare …
Alors la liturgie ramène à l'unité tout l'art des Catacombes : les peintures des chambres souterraines ne sont rien d'autre que les versets des prières pour les morts; le premier art chrétien n'est donc ni un récit ni un symbole, il est une supplication pour les fidèles qui sont ensevelis dans cette nuit et qui attendent la lumière. Rien de plus émouvant que ces anciennes générations chrétiennes vivant dans la certitude de l'immortalité. Les miracles des deux testaments leur furent une garantie de la promesse du Christ, et la résurrection de Lazare l'annonce même de la résurrection du Christ.
Aussi trouve-t-on partout, auprès des morts, une figurine de Lazare enveloppé de bandelettes. Les païens, hésitant entre les rêves de leurs devins et les systèmes de leurs philosophes , ne savaient que penser de la mort; ils flottaient entre la crainte du néant et l'espoir d'une ombre de vie, et cette incertitude était pour l'âme la plus cruelle des souffrances. Les tombeaux des païens étaient décorés d'un génie funèbre qui pleurait en s'appuyant sur une torche éteinte, alors que sur la plaque de marbre qui fermait les tombeaux chrétiens une ancre était gravée, image de leur immortelle espérance.
Vivre, telle était la certitude qu'exprimaient les peintures des Catacombes. C'est le mot qui se déchiffre à à lueur tremblante des lampes. C'est dans ces profondeurs, dans ces ténèbres, sous le poids de ce tuf profond, qu'on a cru le plus fermement à la vie. Un chrétien de ces premières générations, qui fut au cimetière de Callixte prier pour une femme aimée, a écrit plusieurs fois sur les parois ce mot : "Douce Sophonie, puisses-tu vivre en Dieu!" Mais en s'approchant du tombeau des martyrs, son espérance devient certitude, et il écrit :
Sophonie, tu vivras.
C'est cette certitude de l'immortalité, que l'Église notre Mère nous donne à tous, qui que nous soyons, transfigure le sens de notre destinée. Elle l'affirmera dans tous les textes liturgiques, dans la belle préface de l'office des morts :
Vita mutatur non tollibur; la vie est changée, elle n'est pas ôtée.
Il reste cependant pour nous les angoisses physiques de la mort – Jésus les a éprouvées – et aussi les angoisses morales quand nous nous rendons compte de ce que notre vie aurait pu être … et de ce qu'elle a été. Dieu veuille alors nous aider pour que ces angoisses ne nous jettent pas dans le désespoir!
Pensez au
Dies Irae, une des plus belles hymnes qu'on ait écrites, avec tout ce qu'elle évoque : trompette du jugement … résurrection des morts … grandeur de Dieu … Que dirai-je en présence de ce Roi dont la majesté fait trembler? Mais je ne serai pas sans recours. Souviens-toi, Jésus, que c'est pour moi que tu es venu en ce monde, que tu t'es assis au puît de Jacob en cherchant des âmes … Souviens-toi aussi que tu as absous Madeleine, et le larron qui mourrait … C'est une telle tendresse, dans cette hymne, après cette grande majesté.
Nous passons par la mort les uns après les autres, et ce trajet, qui pouvait être de désespoir, est illuminé par les splendeurs du Sauveur qui nous attend, de l'autre côté, dans sa gloire.
Entretiens, p. 78
Supplément
- [+] Texte masqué
- 52.
L'Ancien Testament proclame la miséricorde du Seigneur en utilisant de nombreux termes de signification très voisine; s'ils ont des sens de contenu différent, ils convergent, pourrait-on dire, vers un contenu fondamental unique, pour en exprimer la richesse transcendantale et pour montrer en même temps combien, sous divers aspects, celle-ci concerne l'homme. L'Ancien Testament encourage les malheureux, surtout ceux qui sont chargés de péchés - comme aussi Israël tout entier, qui avait adhéré à l'alliance avec Dieu -, à faire appel à la miséricorde et il leur permet de compter sur elle; il la leur rappelle dans les temps de chute et de découragement. Il rend aussi grâces et gloire pour la miséricorde chaque fois qu'elle s'est manifestée et réalisée dans la vie du peuple ou d'une personne.
Ainsi, la miséricorde se situe, en un certain sens, à l'opposé de la justice divine, et elle se révèle en bien des cas non seulement plus puissante, mais encore plus fondamentale qu'elle. L'Ancien Testament nous enseigne déjà que, si la justice est une vertu humaine authentique, et si elle signifie en Dieu la perfection transcendante, l'amour toutefois est plus «grand» qu'elle: il est plus grand en ce sens qu'il est premier et fondamental. L'amour, pour ainsi dire, est la condition de la justice et, en définitive, la justice est au service de la charité. Le primat et la supériorité de la charité sur la justice (qui est une caractéristique de toute la révélation) se manifestent précisément dans la miséricorde.
Cela parut tellement clair aux psalmistes et aux prophètes que le terme de justice en vint à signifier le salut réalisé par le Seigneur et sa miséricorde 53. La miséricorde diffère de la justice; cependant elle ne s'oppose pas à elle si nous admettons,- comme le fait précisément l'Ancien Testament -, que Dieu est présent dans l'histoire de l'homme et qu'il s'est déjà, comme créateur, lié à sa créature par un amour particulier.
Par nature, l'amour exclut la haine et le désir du mal à l'égard de celui auquel on a une fois fait don de soi-même: Nihil odisti eorum quae fecisti, «tu n'as de dégoût pour rien de ce que tu as fait»
Jean-Paul II, Lettre encyclique sur la miséricorde
Trinité,
Je vous passe encore un peu de lecture avant de commenter. Ce sont les derniers extraits ici. Je vais dire un petit mot après, si vous voulez ;)
[b]Comment la Révélation va éclairer la mort
[/b]
Quand Jésus entre dans la mort, ce n'est pas par l'obligation de mourir qui atteint tous les hommes; il était Dieu! Il prend une humanité absolument pure, vierge de toute trace du péché originel; il entre dans la mort [i]librement[/i], d'où ce pouvoir extraordinaire qu'il a sur elle.
Et qu'en sera-t-il de l'Église? Tout entière – sauf ceux qui seront encore vivants au dernier moment – elle passera elle-même par la mort, mais la mort illuminé par le passage de Jésus. Les apôtres vont le dire, ainsi saint Paul dans ce texte extraordinaire de la fin du chapitre 8 de l'épitre aux Romains :
[i][list]Car j'ai l'assurance que ni la mort ni la vie, ni les anges ni les dominations, ni les choses présentes, ni la hauteur ni la profondeur, ni aucune autre créature ne pourra nous séparer de l'amour de Dieu manifesté en Jésus Christ notre Seigneur.
[/list][/i]
Ni la mort ni la vie … La mort est dominée. C'est le message que l'Église annoncera au monde.
Ainsi la mort, qui est un mal en elle-même – elle reste un mal, il ne faut pas dire qu'elle est un bien – est revêtue, à cause du Christ, de tant de splendeur, qu'elle devient désirable pour ceux qui sont dans l'amour et qui comprennent ces choses-là.
Cette grande certitude qu'elle reçoit du Christ, l'Église la fait passer dans le peuple, ces clartés de la Révélation vont descendre dès le début jusqu'au membre le plus humble du peuple chrétien. Je pense au témoignage des Catacombes, mis en lumière par [color=#0000FF]Émile Mâle[/color], que je cite ici :
[color=#0000FF]Quand on a commencé à vouloir déchiffrer les peintures des Catacombes, dit-il, on se demandait pourquoi on retrouvait toujours certains sujets : la résurrection de Lazare, la guérison du paralytique, les trois hébreux dans la fournaise, Suzanne et les vieillards, Jonas jeté au monstre … On l'ignora longtemps, mais on le sait maintenant, car on a découvert la première formule d'une prière pour les morts :
[size=85][list]Père, délivre son âme comme tu as délivré Jonas du monstre marin, les jeunes hébreux de la fournaise, Daniel dans la fosse aux lions, Suzanne de la main des vieillards
[/list][/size]
Et s'adressant au Fils, on ajoutait :
[size=85][list]Toi aussi, je te prie, Fils de Dieu, toi qui a ouvert les yeux des aveugles, qui a rendu l'usage de ses membres au paralytique, qui a ressuscité Lazare …
[/list][/size]
Alors la liturgie ramène à l'unité tout l'art des Catacombes : les peintures des chambres souterraines ne sont rien d'autre que les versets des prières pour les morts; le premier art chrétien n'est donc ni un récit ni un symbole, il est une supplication pour les fidèles qui sont ensevelis dans cette nuit et qui attendent la lumière. Rien de plus émouvant que ces anciennes générations chrétiennes vivant dans la certitude de l'immortalité. Les miracles des deux testaments leur furent une garantie de la promesse du Christ, et la résurrection de Lazare l'annonce même de la résurrection du Christ.
Aussi trouve-t-on partout, auprès des morts, une figurine de Lazare enveloppé de bandelettes. Les païens, hésitant entre les rêves de leurs devins et les systèmes de leurs philosophes , ne savaient que penser de la mort; ils flottaient entre la crainte du néant et l'espoir d'une ombre de vie, et cette incertitude était pour l'âme la plus cruelle des souffrances. Les tombeaux des païens étaient décorés d'un génie funèbre qui pleurait en s'appuyant sur une torche éteinte, alors que sur la plaque de marbre qui fermait les tombeaux chrétiens une ancre était gravée, image de leur immortelle espérance.
Vivre, telle était la certitude qu'exprimaient les peintures des Catacombes. C'est le mot qui se déchiffre à à lueur tremblante des lampes. C'est dans ces profondeurs, dans ces ténèbres, sous le poids de ce tuf profond, qu'on a cru le plus fermement à la vie. Un chrétien de ces premières générations, qui fut au cimetière de Callixte prier pour une femme aimée, a écrit plusieurs fois sur les parois ce mot : "Douce Sophonie, puisses-tu vivre en Dieu!" Mais en s'approchant du tombeau des martyrs, son espérance devient certitude, et il écrit :
Sophonie, tu vivras. [/color]
C'est cette certitude de l'immortalité, que l'Église notre Mère nous donne à tous, qui que nous soyons, transfigure le sens de notre destinée. Elle l'affirmera dans tous les textes liturgiques, dans la belle préface de l'office des morts : [i]Vita mutatur non tollibur[/i]; la vie est changée, elle n'est pas ôtée.
Il reste cependant pour nous les angoisses physiques de la mort – Jésus les a éprouvées – et aussi les angoisses morales quand nous nous rendons compte de ce que notre vie aurait pu être … et de ce qu'elle a été. Dieu veuille alors nous aider pour que ces angoisses ne nous jettent pas dans le désespoir!
Pensez au [i]Dies Irae[/i], une des plus belles hymnes qu'on ait écrites, avec tout ce qu'elle évoque : trompette du jugement … résurrection des morts … grandeur de Dieu … Que dirai-je en présence de ce Roi dont la majesté fait trembler? Mais je ne serai pas sans recours. Souviens-toi, Jésus, que c'est pour moi que tu es venu en ce monde, que tu t'es assis au puît de Jacob en cherchant des âmes … Souviens-toi aussi que tu as absous Madeleine, et le larron qui mourrait … C'est une telle tendresse, dans cette hymne, après cette grande majesté.
Nous passons par la mort les uns après les autres, et ce trajet, qui pouvait être de désespoir, est illuminé par les splendeurs du Sauveur qui nous attend, de l'autre côté, dans sa gloire.
[i]Entretiens[/i], p. 78
Supplément
[spoiler]52.
L'Ancien Testament proclame la miséricorde du Seigneur en utilisant de nombreux termes de signification très voisine; s'ils ont des sens de contenu différent, ils convergent, pourrait-on dire, vers un contenu fondamental unique, pour en exprimer la richesse transcendantale et pour montrer en même temps combien, sous divers aspects, celle-ci concerne l'homme. L'Ancien Testament encourage les malheureux, surtout ceux qui sont chargés de péchés - comme aussi Israël tout entier, qui avait adhéré à l'alliance avec Dieu -, à faire appel à la miséricorde et il leur permet de compter sur elle; il la leur rappelle dans les temps de chute et de découragement. Il rend aussi grâces et gloire pour la miséricorde chaque fois qu'elle s'est manifestée et réalisée dans la vie du peuple ou d'une personne.
Ainsi, la miséricorde se situe, en un certain sens, à l'opposé de la justice divine, et elle se révèle en bien des cas non seulement plus puissante, mais encore plus fondamentale qu'elle. L'Ancien Testament nous enseigne déjà que, si la justice est une vertu humaine authentique, et si elle signifie en Dieu la perfection transcendante, l'amour toutefois est plus «grand» qu'elle: il est plus grand en ce sens qu'il est premier et fondamental. L'amour, pour ainsi dire, est la condition de la justice et, en définitive, la justice est au service de la charité. Le primat et la supériorité de la charité sur la justice (qui est une caractéristique de toute la révélation) se manifestent précisément dans la miséricorde.
Cela parut tellement clair aux psalmistes et aux prophètes que le terme de justice en vint à signifier le salut réalisé par le Seigneur et sa miséricorde 53. La miséricorde diffère de la justice; cependant elle ne s'oppose pas à elle si nous admettons,- comme le fait précisément l'Ancien Testament -, que Dieu est présent dans l'histoire de l'homme et qu'il s'est déjà, comme créateur, lié à sa créature par un amour particulier.
Par nature, l'amour exclut la haine et le désir du mal à l'égard de celui auquel on a une fois fait don de soi-même: Nihil odisti eorum quae fecisti, «tu n'as de dégoût pour rien de ce que tu as fait»
[b]Jean-Paul II[/b], Lettre encyclique sur la miséricorde[/spoiler]