par Cinci » sam. 30 janv. 2016, 3:24
Du Père R.L. Bruckberger :
«[...] c'est par la Révélation chrétienne que nous connaissons pour sûre l'existence des natures angéliques. C'est sur le témoignage biblique que nous croyons que les Anges existent, et, pour peu que nous ayons l'expérience du bien et du mal, nous n'avons guère de peine à y croire; à croire à l'existence de forces supérieures qui nous guident et nous viennent en aide, que d'autres forces supérieures antagonistes nous poussent vers le pire. En plus de tout ce qu'il est, et que nous définissons plus ou moins bien, l'homme est aussi un champ de bataille, et notre destin est l'enjeu de cette bataille, oû s'affrontent des puissances redoutables, plus fortes que nous, dont nous compliquons la stratégie par nos actes et par notre liberté, dans une guerre oû nous prenons parti sans savoir toujours si notre parti est le bon.
Je livre là une des clefs du roman dostoïevskien et du roman bernanosien, et au fond de nous, nous savons bien que ce n'est pas seulement du roman, mais que la vie est ainsi. A ceux qui ont frôlé de près sa présence, qu'on ne vienne pas raconter que le Diable n'existe pas. Je ne parle pas seulement des dévots, des gens qui vont à l'église : il me semble que le Diable néglige ce menu fretin. Mais les grands solitaires, les grands fervents, ceux qui brûlent la chandelle par les deux bouts, ceux-là fascinent le Diable et le Diable les fascinent. Chez eux, on joue gros jeu, on y joue en tout cas son âme.
Les bons anges, les anges gardiens, les protecteurs, les inspirateurs, ceux qui nous veulent du bien et sont toujours prêts à nous aider, ceux-là nous sont moins évidents, parce que, à nous autres hommes, la gratitude n'est pas notre fort, et nous sommes naturellement plus sensibles au mal qui nous est fait qu'au bien qui peut nous advenir, voire plus pressés de porter tort aux autres et à nous-mêmes, qu'enclins à remercier pour le bien qui nous est fait, sans lequel nous n'existerions même pas.
[...]
C'est par la Révélation chrétienne que nous tenons pour certaine l'existence des Anges. Combien sont-ils? Quel est leur mode d'existence? Sur ce terrain-là nous n'avançons que par hypothèses.
Jusqu'ici le traité de Thomas d'Aquin sur les Anges reste la plus solide et la plus brillante des hypothèses : les anges sont des natures purement intellectuelles, qui n'ont pas de corps, qui ne dépendent pas de sensations ni de corps pour comprendre et pour aimer, qui n'en sont que plus intelligentes, capables d'amour et - quand il s'agit de démons - de haine, plus assurées, plus rapides, plus fortes que nos natures humaines empêtrées dans la matière. Les Anges sont innombrables, tous spécifiquement différents. Chez les Anges, l'Individu épuise l'espèce. Myriades de myriades, ils sont, comme les espèces biologiques dans l'ordre biologique visible. A mon avis, nous aurons des surprises. De tout l'univers, nous ne connaissons directement que la part matérielle et sensible, qui est déjà merveilleuse. Ce n'est là que l'envers du décor, dont l'endroit, purement spirituel, est infiniment plus riche, plus varié, plus éblouissant, à la fois plus dangereux et plus réconfortant,
Un chose ne cesse de me plonger dans la stupeur : on exige toujours du théologien chrétien qu'il justifie rationnellement les mystères de la Révélation chrétienne. Or cette justification n'a pas à être exigée de lui : on ne justifie pas rationnellement des mystères qui par définition excèdent la raison humaine.
Ils ne sont pas inintelligibles pour autant. Ils sont inintelligibles pour nous qui sommes par nature au plus bas de l'échelle des intelligences; ils sont également inintelligibles naturellement aux Anges les plus intelligents; ce sont des mystères divins, proportionnés à la seule intelligence divine. Aujourd'hui, les astronomes disent que le cosmos est plein de lumières que nous ne percevons pas. C'est plus vrai encore qu'ils ne le croient : Dieu habite une lumière naturellement inaccessible à nos intelligences.
[...]
Les Sages des antiques civilisations avaient le sentiment qu'ils vivaient en familiarité avec des esprits qui par nature sont au-dessus de l'intelligence humaine, laquelle barbote obligatoirement dans le sensible. Je ne parle pas seulement des Hébreux, dont toute l'histoire est peuplée d'anges. Je parle de Socrate qui avait son daïmon auquel il se référait aussi constamment que Jeanne d'Arc se référera plus tard à son «Conseil» et à ses Voix. Le génie artistique ou philosophique ètait lui-même le produit de visitations supérieures.
Au cours de ma vie, j'ai rencontré assez de grands savants et de grands artistes pour me demander si eux aussi ne pensaient pas de même : en créant, ils ne se sentaient pas seuls, mais «assistés». D'ailleurs toutes les visitations ne sont pas bénéfiques.
Qui inspirait ces abominables cruautés qui ont lieu au cours de ce siècle et dont les témoins sont encore parmi nous, cruautés qui ont ramené nos sociétés «civilisés» au rang de ces tribus dont parle les livres et qui immolaient des jeunesses aux démons? Les anciens Juifs reconnaissaient qu'un peuple était idolâtre au fait que ce peuple offrait à ses idoles des sacrifices humains. Il me semble que notre siècle a battu tous les records de l'idolâtrie. Il nous faut peut-être choisir entre la compagnie des bons Anges et celle des Démons. Et celui qui refuse de choisir se dessèche comme un arbre maudit.
L'homme pour l'homme reste une sale bête. Il devient encore plus sale bête quand il s'acoquine avec les Démons. Les grands tyrans de notre siècle ne nous ont-ils pas fait penser au Diable? Peut-être l'homme deviendrait-il meilleur si, comme Abraham et Socrate, il était plus attentif aux bons Anges qui survolent sa destinée? »
R.L. Bruckberger, Marie mère du Christ, p. 56
Du Père R.L. Bruckberger :
«[...] c'est par la Révélation chrétienne que nous connaissons pour sûre l'existence des natures angéliques. C'est sur le témoignage biblique que nous croyons que les Anges existent, et, pour peu que nous ayons l'expérience du bien et du mal, nous n'avons guère de peine à y croire; à croire à l'existence de forces supérieures qui nous guident et nous viennent en aide, que d'autres forces supérieures antagonistes nous poussent vers le pire. En plus de tout ce qu'il est, et que nous définissons plus ou moins bien, l'homme est aussi [u]un champ de bataille[/u], et notre destin est l'enjeu de cette bataille, oû s'affrontent des puissances redoutables, plus fortes que nous, dont nous compliquons la stratégie par nos actes et par notre liberté, dans une guerre oû nous prenons parti sans savoir toujours si notre parti est le bon.
Je livre là une des clefs du roman dostoïevskien et du roman bernanosien, et au fond de nous, nous savons bien que ce n'est pas seulement du roman, mais que la vie est ainsi. A ceux qui ont frôlé de près sa présence, qu'on ne vienne pas raconter que le Diable n'existe pas. Je ne parle pas seulement des dévots, des gens qui vont à l'église : il me semble que le Diable néglige ce menu fretin. Mais les grands solitaires, les grands fervents, ceux qui brûlent la chandelle par les deux bouts, ceux-là fascinent le Diable et le Diable les fascinent. Chez eux, on joue gros jeu, on y joue en tout cas son âme.
Les bons anges, les anges gardiens, les protecteurs, les inspirateurs, ceux qui nous veulent du bien et sont toujours prêts à nous aider, ceux-là nous sont moins évidents, [u]parce que, à nous autres hommes, la gratitude n'est pas notre fort[/u], et nous sommes naturellement plus sensibles au mal qui nous est fait qu'au bien qui peut nous advenir, voire plus pressés de porter tort aux autres et à nous-mêmes, qu'enclins à remercier pour le bien qui nous est fait, sans lequel nous n'existerions même pas.
[...]
C'est par la Révélation chrétienne que[b] nous tenons pour [/b][b]certaine l'existence des Anges[/b]. Combien sont-ils? Quel est leur mode d'existence? Sur ce terrain-là nous n'avançons que par hypothèses.
Jusqu'ici le traité de Thomas d'Aquin sur les Anges reste la plus solide et la plus brillante des hypothèses : les anges sont des natures purement intellectuelles, qui n'ont pas de corps, qui ne dépendent pas de sensations ni de corps pour comprendre et pour aimer, qui n'en sont que plus intelligentes, capables d'amour et - [i]quand il s'agit de démons - de haine[/i], plus assurées, plus rapides, plus fortes que nos natures humaines empêtrées dans la matière. Les Anges sont innombrables, tous spécifiquement différents. Chez les Anges, l'Individu épuise l'espèce. Myriades de myriades, ils sont, comme les espèces biologiques dans l'ordre biologique visible. A mon avis, nous aurons des surprises. De tout l'univers, nous ne connaissons directement que la part matérielle et sensible, qui est déjà merveilleuse. Ce n'est là que l'envers du décor, dont l'endroit, purement spirituel, est infiniment plus riche, plus varié, plus éblouissant, à la fois plus dangereux et plus réconfortant,
Un chose ne cesse de me plonger dans la stupeur : on exige toujours du théologien chrétien qu'il justifie rationnellement les mystères de la Révélation chrétienne. Or cette justification n'a pas à être exigée de lui : on ne justifie pas rationnellement des mystères qui par définition excèdent la raison humaine.
Ils ne sont pas inintelligibles pour autant. Ils sont inintelligibles pour nous qui sommes par nature au plus bas de l'échelle des intelligences; ils sont également inintelligibles naturellement aux Anges les plus intelligents; ce sont des mystères divins, proportionnés à la seule intelligence divine. Aujourd'hui, les astronomes disent que le cosmos est plein de lumières que nous ne percevons pas. C'est plus vrai encore qu'ils ne le croient : Dieu habite une lumière naturellement inaccessible à nos intelligences.
[...]
Les Sages des antiques civilisations avaient le sentiment qu'ils vivaient en familiarité avec des esprits qui par nature sont au-dessus de l'intelligence humaine, laquelle barbote obligatoirement dans le sensible. Je ne parle pas seulement des Hébreux, dont toute l'histoire est peuplée d'anges. Je parle de Socrate qui avait son [i]daïmon[/i] auquel il se référait aussi constamment que Jeanne d'Arc se référera plus tard à son «Conseil» et à ses Voix. Le génie artistique ou philosophique ètait lui-même le produit de visitations supérieures.
Au cours de ma vie, j'ai rencontré assez de grands savants et de grands artistes pour me demander si eux aussi ne pensaient pas de même : en créant, ils ne se sentaient pas seuls, mais «assistés». D'ailleurs toutes les visitations ne sont pas bénéfiques.
Qui inspirait ces abominables cruautés qui ont lieu au cours de ce siècle et dont les témoins sont encore parmi nous, cruautés qui ont ramené nos sociétés «civilisés» au rang de ces tribus dont parle les livres et qui immolaient des jeunesses aux démons? Les anciens Juifs reconnaissaient qu'un peuple était idolâtre au fait que ce peuple offrait à ses idoles des sacrifices humains. Il me semble que notre siècle a battu tous les records de l'idolâtrie. Il nous faut peut-être choisir entre la compagnie des bons Anges et celle des Démons. Et celui qui refuse de choisir se dessèche comme un arbre maudit.
L'homme pour l'homme reste une sale bête. Il devient encore plus sale bête quand il s'acoquine avec les Démons. Les grands tyrans de notre siècle ne nous ont-ils pas fait penser au Diable? Peut-être l'homme deviendrait-il meilleur si, comme Abraham et Socrate, il était plus attentif aux bons Anges qui survolent sa destinée? »
R.L. Bruckberger, [i]Marie mère du Christ[/i], p. 56