Quelle belle contribution que la vôtre, Kerygme...!
Je vais malgré tout la dépecer un peu pour l'approfondir, si vous me le permettez.
Kerygme a écrit : ↑jeu. 09 avr. 2020, 9:57
Réflexion personnelle : mais quid de leurs actes ? On pourrait considérer qu'accepter Jésus a eu valeur de baptême de désir ou de conversion : le vieil homme meurt et l'homme nouveau naît, lavé de tout péché. Ainsi en ce Triduum Pascal, les catéchumènes adultes, qui auraient dû être baptisés, auraient été lavés de toutes les fautes qui précédaient leur baptême.
C'est un sujet souvent de perplexité, entre la foi et les oeuvres : quoi nous sauve et quid de la justice ? Ne pourrait-on considérer que la foi (= l'adhésion à la parole et à la personne du Christ) de chacun est le reflet de ses oeuvres ? Qu'elle résulte de ce qu'elles ont fait de lui ? Il y a bien sûr une marge de manoeuvre, où se glissent le mensonge, l'hypocrisie, etc. mais au final, quand toute ambiguïté sera levée, pourquoi seraient-elles en désaccord ?
Kerygme a écrit : ↑jeu. 09 avr. 2020, 9:57
Quant aux Musulmans, ayant vécu quelques temps en Arabie Saoudite, je me suis interrogé sur ce point il y a quelques années.
La réponse théologique et succincte que je proposerais est que l’atténuation, voire la suppression, de la responsabilité morale du fait de l’ignorance invincible fait pleinement partie du Magistère de l’Église (cf. paragraphes 1790 à 1794 du CEC). Mais, et là je reviens au questionnement personnel, peut on être dans l'ignorance invincible à une époque où toute information est accessible ?
Toujours dans une réflexion personnelle je ne mets pas de côté le principe de réalité qui est : dans L'Islam il y a un interdit très important, le musulman qui s'interroge sur sa foi est déjà en état d'apostasie. Si cet interdit existait dans le catholicisme est-ce que je ne rejetterais pas la tentation de lire le Coran où de m'intéresser à la vie de Mahomet ? C'est presque une certitude, je vois cela comme une barrière très importante, une épreuve dans la foi. Il est possible qu'il en soit de même pour eux.
C'est la première fois que je vous vois apporter du moulin aux raisons légitimes et naturelles pour lesquelles cette ignorance peut exister en dépit des moyens de communication modernes, et cela m'enchante. Même si par contre coup, je reconnais que ce ne serait pas souhaitable...
Kerygme a écrit : ↑jeu. 09 avr. 2020, 9:57
lors je me tourne vers la théologie à nouveau : Dieu propose à tous un chemin qui mène à Lui, à chacun d'y répondre ou pas. C'est très succinct mais à moins de prétendre connaitre les intentions de Dieu je me contente de cela.
Mais c'est tout à fait suffisant ! Quels que soient le nombre de mots supplémentaires que chacun peut avoir pour le dire à sa façon...
Kerygme a écrit : ↑jeu. 09 avr. 2020, 9:57
Quant aux "privilèges", Dieu donne sa Grâce aux uns et pas à d'autres (comme la foi) mais Lui seul sait pourquoi. A titre personnel comme il est le "bon Dieu", il faut lui faire confiance et être reconnaissant de l'avoir reçue. Dans la vie, je dirais que lorsqu'on reçoit un cadeau, on ne pointe pas forcément un doigt en disant "pourquoi moi et pas les autres" ?
Il y a les privilèges mais il y a aussi les épreuves (qu'une foi profonde permet de considérer parfois comme tels, jusqu'à un certain point du moins...) et dans ce cas on se pose aussi et encore la même question. Elle n'est donc pas forcément le signe d'une offense, mais d'une ignorance qui peut causer de la souffrance, par désir de partager davantage les secrets du bien-aimé. Un désir d'être invulnérable aussi je crois - aux tentations.
Au nombre de ces épreuves, il y a les prêtres indignes (pédophilie mais pas seulement) et pas seulement les prêtres..
Chacun a son histoire, et un ressenti qui en est la conséquence. Vous en avez réveillé un en moi d'ancestral, qui est toujours tapi au fond de mes entrailles et qui a fait que j'ai eu honte d'être chrétien... Et que ce n'est pas facile de m'en défaire. J'ai tendance à rechercher des circonstances exceptionnelles, qui puissent permettre de témoigner sans le risque d'une tromperie.
J'aurais préféré de ne point l'être, pour pouvoir utiliser toutes les armes que nous donne la nature : pour la vengeance notamment. Car l'évangile nous en interdit un bon nombre : violences, rancunes, haines, etc.
Car quand ce contre-témoignage est porté par une élite chrétienne, il est souvent secret, caché, et nous devenons en plus porteur d'un secret peu crédible, témoin d'une supercherie qui fonctionne.
Connaissez-vous le témoignage de Daniel Pittet, qui pardonna au capucin qui le violait régulièrement en l'entendant faire un sermon qui arracha des larmes à l'assemblée?
Dans mon histoire, un tel événement répétitif et premier eut l'effet contraire : la réalité devenait un mensonge et m'accablait. Le mal avait triomphé grâce au secret, au lieu d'en être restreint, limité, sous contrôle. Et il avait gagné puisqu'il était second.
C'est pourquoi j'ai un faible pour tous les ratés, délinquants, athées, anticléricaux sincères, etc. pourvu qu'ils soient francs et possèdent des vertus. Avec eux la vérité reste au moins à sa place... Et je n'exclus pas qu'il y ait parmi eux des coeurs purs, certes à l'esprit aveuglé ou trop obsédé, pas assez impartial, etc. Mais le "travail" qui consiste à attirer une réalité qui nous corresponde n'est pas donné à tout le monde, ni la lucidité et la patience et tant d'autres qualités qui permettent d'attendre et de supporter, en espérant que les circonstances changent et sans croire qu'essayer c'est réussir.
Il y a encore tant de gens qui ont faim, qui subissent la guerre, l'illetrisme, un despotisme public ou privé, religieux ou profane... Que je pense à contrario que cette ignorance qui vous laisse sceptique, est fort représentée mais bien dissimulée..
L'esclavage n'est pas total, universel, mais il est sournois et assurément partiel... il emporte souvent la majorité relative.
Et c'est pourquoi en se battant contre ses causes, même sans la foi, il me semble que l'on fait acte de foi.
Et même, d'espérance...
(Inutile de citer la charité...)
Il y a longtemps, j'avais exprimé cela dans notamment un poème dont l'accumulation de strates ultérieures d'inspiration dissimulait le fondement :
Honte.
Si l’on t’aima plus jeune ou te priva d’amour,
À quels caprices tu fus soumis(e), quels sévices
T’ont rendu(e) plus fort(e) ou blessé(e) par quels détours,
Peu m’importe ! Car ton cœur n’est pas un hospice…
Il t’appartient de partager ta liberté ;
Si d’autres l’ont conquise, pour toi, où sont-ils ?
Je ne tiens, pour cicatrice, qu’un désir vil,
Ne veux toucher de toi que ton « laissez-passer ».
Peu m’importe le temps qu’il t’a été donné
Pour apprendre et ce qui t’a été enseigné ;
Je veux savoir auquel tu l’as toi-même inscrit,
Sur quel autel tu as cultivé tes soucis.
Il n’y a pas de sacrifice plus stupide
Que le temps ne déchire et ne berce d’ennui,
Afin de ne plus avoir à subir l’oubli
Qu’as-tu fait d’autre pour te rendre plus avide ?
Qui as-tu tué plutôt que de te soumettre ?
As-tu osé vivre quand il te menaçait
Celui dont les valeurs ne voulaient te permettre
De dire l’élégance qui te désertait.
Il n’y a pas de haine à te parler de honte ;
Rien ne s’apprend d’autrui, la sagesse même
Qui est tout de ce qu’il nous reste et qui remonte
N’a ni compliments ni injures quand elle sème.