par Carhaix » dim. 06 oct. 2019, 20:54
Booz a écrit : ↑dim. 06 oct. 2019, 18:42
Bonjour Carhaix,
Bonjour Booz,
Je n'ai pas tout lu, car pas trop le temps, mais je réagis à la notion de simplicité, et de vie quotidienne, c'est-à-dire d'action, par opposition à l'acte mental. Pardonner mentalement semble impossible. En revanche, il me semble que le pardon peut se traduire en actes, c'est-à-dire en œuvres, et c'est peut-être justement là que le Christ nous attend. Ailleurs, il parle de saluer nos ennemis. Car bien sûr, la moindre des choses, lorsqu'on déteste quelqu'un, c'est de ne même pas lui adresser la parole, ce qui constitue le B.A.BA de la haine toute pure, du ressentiment et de la rancune coriace (il n'y a qu'à voir sur ce forum où l'on va même jusqu'à dire : "désormais j'ignorerai tous vos messages", de la part des plus grands saints de ce forum, hahaha...). Pourtant, ce n'est pas dur de saluer quelqu'un, et de lui répondre quand il nous parle. C'est super facile et simple. Mon fardeau est léger...
Je n'avais prêté attention que dans l'amour des ennemis, il y avait cette insistance toute simple sur le fait de le saluer, malgré tout. Le Christ est lucide, et il se doute bien que cet amour ne peut être une affection intérieure très forte pour son ennemi. C'est contraire à nos tendances pulsionnelles immédiates et à nos tendances mentales comme vous dites.
Je penche plutôt de votre côté : les œuvres silencieuses sont peut-être plus profondes et plus parlantes que l'acte de formaliser le pardon (néanmoins si la personne nous demande pardon formellement, ça peut nous mettre dans l'embarras...).
Effectivement, saluer une personne n'est pas rien. La mécanique sociale nous fait faire cela de manière formelle, comme un dressage, mais je pense que si on "habite" cet acte de saluer son prochain, il est lourd de signification, surtout en cas de conflits ou "d'ennemis". Il signifie que malgré tout, malgré les offenses, la relation est encore possible. Il maintient un lien, même minimum, qui laisse entrevoir sinon une amitié possible, du moins la possibilité d'une réconciliation. J'aime beaucoup les textes de Charles Peguy sur la question : quand il parle des trois vertus théologales (Charité, Foi, Espérance), il dit que l'Espérance est comme la petite enfant tenue par la main par ses deux parents (Foi et Charité) dans ses premiers pas un peu précaire. La Foi contemple Dieu, la Charité essaie d'aimer Dieu et son prochain en Dieu, mais la petite Espérance dit "bonjour" en croisant quelqu'un, quel qu'il soit, car elle espère en une charité plus grande, une foi plus vive et un lendemain de réconciliation. La petite espérance est tournée vers l'avenir, et elle projette la charité dans le temps, maintenant le cap de la Foi et de la Charité auquel le présent n'est jamais vraiment à la hauteur. Vital pour le pardon.
La simplicité christique étant peut-être trop difficile pour des hommes perdus dans leurs complications, l'espérance peut peut être permettre de maintenir cette éthique de funambule en vie. L'acte de saluer peut avoir ce sens. Le pardon serait donc à mettre en lien avec l'espérance d'une réconciliation future, bien que très difficile dans l'immédiat.
Cordialement.
Je crois que le salut évoqué par le Christ va plus loin que le simple fait de "saluer". Il ne s'agit pas d'une œuvre "formelle", justement, où il s'agirait d'accomplir froidement sa "BA" (expression vraiment horrible) pour être "quitte".
En fait, pour bien comprendre, il faut se mettre à la place de celui qui reçoit. Que commande le Christ, globalement ? L'amour. La charité. C'est vraiment une banalité de le rappeler, mais c'est le cœur de l'Évangile. Aimez-vous les uns les autres. Par quoi se manifeste l'absence d'amour ? L'indifférence, le mépris, la distance, les paroles blessantes, jusqu'aux actes les plus ignobles, et les plus malveillants. Et celui qui reçoit cette absence d'amour, la ressent amèrement dans sa chair. C'est l'œuvre de Satan, qui fait comparer ses artisans à des "vipères" par le Christ. Pourquoi des vipères ? Parce qu'elles envoient du venin, et que les paroles amères, et autres signes de détestation sont comparables à du venin.
Comment conjurer cela ? En abaissant les barrières et en surmontant son dégoût pour l'autre. Sans aller jusqu'à de amitié, qui engage l'intimité (quoique je n'en sache rien à vrai dire), une telle démarche va bien plus loin qu'un vague "bonjour" concédé du bout des lèvres.
[quote=Booz post_id=408563 time=1570380125 user_id=17385]
Bonjour Carhaix,
[quote]Bonjour Booz,
Je n'ai pas tout lu, car pas trop le temps, mais je réagis à la notion de simplicité, et de vie quotidienne, c'est-à-dire d'action, par opposition à l'acte mental. Pardonner mentalement semble impossible. En revanche, il me semble que le pardon peut se traduire en actes, c'est-à-dire en œuvres, et c'est peut-être justement là que le Christ nous attend. Ailleurs, il parle de saluer nos ennemis. Car bien sûr, la moindre des choses, lorsqu'on déteste quelqu'un, c'est de ne même pas lui adresser la parole, ce qui constitue le B.A.BA de la haine toute pure, du ressentiment et de la rancune coriace (il n'y a qu'à voir sur ce forum où l'on va même jusqu'à dire : "désormais j'ignorerai tous vos messages", de la part des plus grands saints de ce forum, hahaha...). Pourtant, ce n'est pas dur de saluer quelqu'un, et de lui répondre quand il nous parle. C'est super facile et simple. Mon fardeau est léger...[/quote]
Je n'avais prêté attention que dans l'amour des ennemis, il y avait cette insistance toute simple sur le fait de le saluer, malgré tout. Le Christ est lucide, et il se doute bien que cet amour ne peut être une affection intérieure très forte pour son ennemi. C'est contraire à nos tendances pulsionnelles immédiates et à nos tendances mentales comme vous dites.
Je penche plutôt de votre côté : les œuvres silencieuses sont peut-être plus profondes et plus parlantes que l'acte de formaliser le pardon (néanmoins si la personne nous demande pardon formellement, ça peut nous mettre dans l'embarras...).
Effectivement, saluer une personne n'est pas rien. La mécanique sociale nous fait faire cela de manière formelle, comme un dressage, mais je pense que si on "habite" cet acte de saluer son prochain, il est lourd de signification, surtout en cas de conflits ou "d'ennemis". Il signifie que malgré tout, malgré les offenses, la relation est encore possible. Il maintient un lien, même minimum, qui laisse entrevoir sinon une amitié possible, du moins la possibilité d'une réconciliation. J'aime beaucoup les textes de Charles Peguy sur la question : quand il parle des trois vertus théologales (Charité, Foi, Espérance), il dit que l'Espérance est comme la petite enfant tenue par la main par ses deux parents (Foi et Charité) dans ses premiers pas un peu précaire. La Foi contemple Dieu, la Charité essaie d'aimer Dieu et son prochain en Dieu, mais la petite Espérance dit "bonjour" en croisant quelqu'un, quel qu'il soit, car elle espère en une charité plus grande, une foi plus vive et un lendemain de réconciliation. La petite espérance est tournée vers l'avenir, et elle projette la charité dans le temps, maintenant le cap de la Foi et de la Charité auquel le présent n'est jamais vraiment à la hauteur. Vital pour le pardon.
La simplicité christique étant peut-être trop difficile pour des hommes perdus dans leurs complications, l'espérance peut peut être permettre de maintenir cette éthique de funambule en vie. L'acte de saluer peut avoir ce sens. Le pardon serait donc à mettre en lien avec l'espérance d'une réconciliation future, bien que très difficile dans l'immédiat.
Cordialement.
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Je crois que le salut évoqué par le Christ va plus loin que le simple fait de "saluer". Il ne s'agit pas d'une œuvre "formelle", justement, où il s'agirait d'accomplir froidement sa "BA" (expression vraiment horrible) pour être "quitte".
En fait, pour bien comprendre, il faut se mettre à la place de celui qui reçoit. Que commande le Christ, globalement ? L'amour. La charité. C'est vraiment une banalité de le rappeler, mais c'est le cœur de l'Évangile. Aimez-vous les uns les autres. Par quoi se manifeste l'absence d'amour ? L'indifférence, le mépris, la distance, les paroles blessantes, jusqu'aux actes les plus ignobles, et les plus malveillants. Et celui qui reçoit cette absence d'amour, la ressent amèrement dans sa chair. C'est l'œuvre de Satan, qui fait comparer ses artisans à des "vipères" par le Christ. Pourquoi des vipères ? Parce qu'elles envoient du venin, et que les paroles amères, et autres signes de détestation sont comparables à du venin.
Comment conjurer cela ? En abaissant les barrières et en surmontant son dégoût pour l'autre. Sans aller jusqu'à de amitié, qui engage l'intimité (quoique je n'en sache rien à vrai dire), une telle démarche va bien plus loin qu'un vague "bonjour" concédé du bout des lèvres.