par la Samaritaine » dim. 25 nov. 2018, 20:45
Moi, je crois qu'il est bon que vous reveniez au sujet chers Bassmeg et Héraclius, parce que la question est d'importance, surtout aujourd'hui.
Vous vous heurtez l'un et l'autre de manière réciproque. Héraclius, vous avez un domaine d'expertise, la philosophie et la théologie dans lesquelles vous baignez depuis 5 ans (ce dont nous bénéficions hautement sur ce forum !) et vous êtes soucieux que l'on respecte les apports des maîtres que vous avez étudiés et certaines notions que vous enseignez vous mêmes ici. C'est bien naturel ! Mais lorsque vous vous exprimez : votre interlocuteur doit discerner ce qui est de "l'apport de l'expert" qui est toujours un cadeau pour l'interlocuteur, même en désaccord avec vous, et "la présentation de votre point de vue" qui est sujette à contradiction. Ce n'est pas toujours facile de discerner les deux.
Si je vous ai bien comprise, Bassmeg, vous êtes heurtée, vous ne vous sentez pas respectée par le fait que "la parole de l'expert" soit utilisée contre vous pour décrédibiliser vos arguments, qui seraient des arguments d'ignare puisque non experts…C'est votre ressenti et c'est bien naturel que cela vous heurte.
Je pense que vous êtes tous deux de bonne foi, avec une volonté sincère de respecter l'autre mais vous devez tenir compte de votre différence de culture et aussi de sensibilité. C'est intéressant car dans le témoignage de foi, nous avons aussi à tenir compte de la sensibilité et du degré de connaissance de la personne.
Je trouve que la manière dont Bassmeg a relayé le sujet est très intéressante :
Bassmeg a écrit : ↑jeu. 22 nov. 2018, 17:49
La foi s' oppose à la rationalité (n' en déplaise à Saint Thomas D' Aquin...). Si ce n' était pas le cas, il n' y aurait qu' une seule foi dans le monde entier et dans toutes les époques, à laquelle on accéderait tous en refléchissant posément.
Force est de constater que ce n' est pas le cas.
(….)
De nos jours, c' est comme çà. Dans nos discussions, il faut fonder nos arguments sur des réalités tangibles. J' ai moi aussi des problèmes pour parler de religion. Moi aussi je vois des proches se souvenir d' un rendez vous urgent quand j' aborde le sujet. Parce que si on en discute, la conversation va très vite me coincer sur la question "pourquoi tu crois ceci, et pourquoi te croirions nous sur parole, plutot qu' un mormon, un musulman ou un raélien?"...
(…)
Voila pourquoi il est compliqué de parler foi.
(…)
J' ai peur de parler de foi parce que j' ai peur que mes interlocuteurs passent à l' attaque personnelle. Et que non seulement, j' aime pas trop çà, mais qu' en plus, je me connais, çà va pas me rendre plus sympa...sans jamais passer par l' attaque personnelle, certes, mais quand même. Parce que quand on a 11 ans, au pire, on se chamaille, si on est pas d' accord sur des idées métaphysiques, et c' est pas bien grave. Adulte, on peut faire plus de dégâts , je suis très sensible aux attaques personnelles. Et quand j' y réponds, çà ne fait qu' envenimer les choses. Et je ne crois pas être une exception, mais plutôt que nous sommes nombreux à nous méfier, parfois avec excès, voir à tort des réactions de l' autre et de nos possibles réactions pas très sympa-sympa dont on n' aura pas à être fière, le soir en rentrant chez soi après un réveillon gâché
(…)
A mon avis, les gens ont le réflexe inconscient de ne plus parler de religion à cause , entre autres de ce genre d' expérience.
Que nous dit ici Bassmeg ? Rien de moins que des choses capitales qui nous concernent tous et qui sont d'une actualité brûlante pour celui qui est appelé à témoigner du Christ…
Elle nous dit qu'elle souffre de ne pouvoir parler de sa foi de manière paisible et confiante, sans la crainte d'être agressée verbalement sur ses convictions. Qu'elle a peur que ce type de conversation ne dégénère en pugilat et qu'elle même ne s'échauffe et qu'elle en ressorte "mal" avec l'impression d'avoir gaché quelque chose.... Combien d'autres personnes ne ressentent-elles pas la même chose et se sentent bridées dans leur expression spirituelle ???
Elle nous dit aussi que la foi étant du domaine de l'intangible, de l'invisible, on ne peut apporter des arguments "rationnels" au sens de "preuve tangible", "concrètement vérifiable". A cela Héraclius, vous nous donnez, par votre lien, des arguments très sérieux, alliant foi et raison pour dire la cohérence de la foi chrétienne mais il s'agit de rationalité philosophique : au niveau des idées et des concepts, l'ensemble de la foi chrétienne avec son histoire originelle se tient, il y a une cohérence...
MAIS si cela aide beaucoup de lecteurs de ce liens à parler de sa foi, cela n'aide pas ici notre amie Bassmeg. Pas du tout. Parce que vous ne mettez pas les mêmes choses derrière le mot "rationnel".
Que l'on peut parler de sa foi en utilisant des arguments rationnels, c'est entendu mais c'est entendu également que la foi et l'histoire de la révélation chrétienne relèvent d'évenements qui ne sont pas rationnels au sens commun, c'est à dire tangibles, explicables scientifiquement.
De fait, c'est à regarder en face que Dieu qui s'incarne en un homme qui se dira ensuite être son fils, en fécondant une femme vierge par son Souffle qui la couvre de son ombre, lequel homme va guérir et même ressusciter de manière inexpliquée d'autres hommes, finir par être tué mais ressusciter au bout de 3 jours…après avoir marché sur l'eau, calmé une tempête, transformé de l'eau en vin… Toute cette histoire est une histoire à dormir debout, aussi illuminée au premier abord que celle de Peter Pan ou d'une licorne qui vient vous rendre visite....
Qu'étudier par la raison l'histoire de la révélation judéo chrétienne par l'étude de la Bible et des penseurs chrétiens qui ont explicité cette révélation puissent faire rentrer certaines personnes dans le Mystère chrétien, c'est un fait. Edith Stein s'est convertie lors de ses études de philosophie....
Mais pour le jeune (ou moins jeune) témoin du Christ qui n'est pas philosophe et qui est appelé à s'exprimer devant des personnes qui ne sont pas philosophes non plus, il n'est pas évident de parler d'une réalité invisible qui s'est incarnée et continue de s'incarner dans une réalité visible, ce qui est totalement fou, complètement dingue !!!! (et effectivement, irrationnelle)
La vraie question est : comment témoigner de ce truc dingue qui m'habite et qui donne du sens à ma vie ? Comment en parler sans que cela dégénere, les arguments du monde tangible venant contredire les propos concernant l'intangible ? Comment aider et donner confiance à tous ceux qui, comme Bassmeg, sont travaillés par le mystère du Christ tout en étant gênés de parler de l'Invisible dans notre monde matérialiste ?
Chacun peut témoigner de son expérience.... J'apporte ma pierre à l'édifice en espérant que d'autres le feront aussi et partageront leur expérience : Principe de base : on ne donne pas à boire à un âne qui n'a pas soif. si une personne n'est pas en demande ni en recherche, si le sujet ne l'intéresse pas, je n'en parle pas. (je n'en parle donc pas dans ma famille, sauf avec ma mère....) En revanche, je fais connaître facilement mon appartenance chrétienne. Que ce soit au travail, dans des rencontres amicales, en développement personnel, j'évoque le fait que je vais à la messe, en pélerinage, si on parle de méditation , je vais parler de prière, j'évoque mes lectures religieuses... Quand je suis dans un environnement nouveau ou que je me rapproche d'une personne nouvelle, j'évoque que j'appartiens au Christ de cette manière là, la personne en fait ce qu'elle veut...
Si une personne s'y intéresse, elle va me poser des questions, savoir pourquoi j'en suis là, ce que je pense de ceci, du pape, de la pédophilie dans l'Eglise.... Mille questions sont possibles, très rarement des accusations agressives. Tout d'abord, je demande, en une respiration courte, à l'Esprit Saint de venir m'assister. Je réponds le plus simplement possible en rappelant toujours, quelque soit le sujet, que Dieu est la Source à la quelle je vais boire, que sans lui, je meurs de soif et que ma vie, la Vie na plus de sens. Ma foi, c'est ma Source, Dieu c'est mon Roc. Ces images bibliques sont "pratiques" parce qu'elles sont visuelles et sensibles, elle s'inscrivent dans la mémoire sensible de la personne. je crois beaucoup à la force de l'image. Je renvois facilement à la lecture des Evangiles, pour que les personnes n'en restent pas à des préjugés, aillent découvrir par elles mêmes ce qui est dit au cœur du sujet, le texte saint.
Si des questions précises viennent sur les dogmes ou des passages bibliques, je réponds toujours en créant la cohérence avec ce Dieu Source (bon, pour être au jus, c'est bien de relire le lien d'Héraclius !). Par exemple, un jour, une collègue se plante devant moi et me demande : "mais enfin Axelle, tu ne crois tout de même pas que Jésus a réellement marché sur l'eau ? rassure moi !". J'ai répondu que si cet homme là Jésus était totalement habité par la puissance du Souffle de Dieu qui est source de toute vie, il était donc évident qu'il pouvait transgresser les lois physiques et même passer la mort.... Elle m'a regardé d'un air stupéfait et est repartie travailler. ce qui s'est passé ensuite en elle ne m'appartient pas, elle n'en n'a plus reparlé.
Bien souvent je réponds aux questions et je ne sais rien de ce que cela donne ensuite, rien du tout. J'apprends parfois des mois plus tard que mon interlocuteur"'s'est mis à prier, à lire la Bible" et me rappelle tout d'un coup avec fébrilité pour que je lui explique tel passage de Saint-Jean. ça c'est du bonheur. Mais le plus souvent, je n'apprends rien de ce que notre conversation a donné chez l'autre. Je crois aussi que ce qui est important est d'écouter les personnes sur ce qu'elles ont à dire sur Dieu. Est ce qu'elles croient ? à quoi, pourquoi ? Rentrer dans un dialogue...
Avec des personnes d'une autre religion, là aussi je rentre dans une écoute réciproque et je témoigne de ma foi en un Dieu qui rejoint l'homme dans la souffrance : incarné en Christ, il passe par la croix, descend au plus profond et revient à la vie. Ce qui donne sens à ma vie, c'est ça : éloge de la vulnérabilité. Dieu se fait tout petit en naissant parmi nous, se fait simple travailleur, se fait martyr cloué sur la croix, et nous entraine à sa suite sur son chemin de vie. Et ça m'a sauvée la vie, tout simplement. En quoi et comment le Sauveur nous sauve, voilà ce dont nous pouvons témoigner. Et c'est très riche de demander à l'autre : en quoi et comment ta foi en Dieu te sauve ? Et la relation ? Quelle relation as tu avec lui ? et comment tu pries? Et l'Esprit Saint bien sur est au coeur de ces échanges et chacun est évangélisé par l'autre.
Si de l'agressivité vient, je crois qu'il faut arrêter la discussion mais c'est encore l'occasion de témoigner : "je n'ai pas envie de m'échauffer ainsi sur un sujet qui touche au cœur de ma vie, qui touche à l'amour".
Pour parler de l'Invisible dans le monde du visible de manière crédible, je crois que nos interlocuteurs doivent lire l'Invisible dans nos yeux. ça doit transpirer et pour que ça transpire, il s'agit de dire et de transmettre du profond, du vital, et peu importe que cela émane de notre riche culture philosophique ou d'une expérience ras les paquerettes,
cela doit dire la victoire de la vie sur la mort. Des images ! des images qui nous donnent envie de vivre ! l'image d'une licorne, cela m'évoque un truc magnifique, féerique, cela m'évoque l'enfance, la douceur. L'image de Marie de Magdala reconnaissant soudain dans le jardin celui qu'elle a vu mort 3 jours plutôt, ça c'est une image qui me donne envie de crier, de dire à tous que la mort n'est qu'un passage, que toute mort dans la vie n'est qu'un passage…
là, on n'est plus dans le même truc de dingue !
La Source, le Roc, la Croix, la femme qui reconnait son Rabbi chéri qu'elle croyait mort, c'est avec ces images là que je dis le monde invisible qui m'habite et que j'habite.
Tout ce que je dis n'exclut nullement la nécessité de se former, de se catéchiser, d'approfondir sa connaissance de la révélation qui vient nourrir notre foi et nous donne une colonne vertébrale. Mais c'est bien la manière sensible dont on est habité qui touche les gens, je le crois. C'est pourquoi lire et relire la Bible est si important car les images bibliques nous pénètrent et peuvent se transmettre ensuite à nos interlocuteurs, sans même que l'on s'en rende compte….Et bien sur, encore et toujours, demander l'Esprit saint au Père.
Il faut aussi souligner l'âge ! Quand j'avais 20 ans je m'échauffais franchement à la moindre contradiction et partais en croisade ! 30 ans plus tard, j'ai appris, avec les années, peu à peu, à ne plus chercher à convaincre, à simplement dire ce qui m'habite, me sauve, me nourrit, et j'ai appris à écouter, à chercher à comprendre ce que vit l'autre. J'avoue, j'ai appris à ne plus défendre l'Eglise coute que coute comme je le faisais à 20 ans, je défendais ma famille bec et ongles ! Comme je suis parfois encore plus en colère que mon interlocuteur sur des questions d'Eglise, je partage son indignation et au nom même de ma foi dans un Dieu qui sauve.
Je me suis aperçue aussi que les gens sont extrêmement touchés lorsque l'on dit que l'on prie pour eux. Dès qu'une personne m'évoque une difficulté, fût-elle athée au dernier degré, je lui dis que je vais prier pour elle. Sauf exception, les gens sont très contents, émus, parfois bouleversés.
En fait, le monde invisible est tout proche et bien plus réel que le monde visible, si chargé d'illusions. Le dire, à sa manière,simplement, très simplement. C'est ce que je tente de faire.
En Christ,
Samaritaine
Moi, je crois qu'il est bon que vous reveniez au sujet chers Bassmeg et Héraclius, parce que la question est d'importance, surtout aujourd'hui.
Vous vous heurtez l'un et l'autre de manière réciproque. Héraclius, vous avez un domaine d'expertise, la philosophie et la théologie dans lesquelles vous baignez depuis 5 ans (ce dont nous bénéficions hautement sur ce forum !) et vous êtes soucieux que l'on respecte les apports des maîtres que vous avez étudiés et certaines notions que vous enseignez vous mêmes ici. C'est bien naturel ! Mais lorsque vous vous exprimez : votre interlocuteur doit discerner ce qui est de "l'apport de l'expert" qui est toujours un cadeau pour l'interlocuteur, même en désaccord avec vous, et "la présentation de votre point de vue" qui est sujette à contradiction. Ce n'est pas toujours facile de discerner les deux.
Si je vous ai bien comprise, Bassmeg, vous êtes heurtée, vous ne vous sentez pas respectée par le fait que "la parole de l'expert" soit utilisée contre vous pour décrédibiliser vos arguments, qui seraient des arguments d'ignare puisque non experts…C'est votre ressenti et c'est bien naturel que cela vous heurte.
Je pense que vous êtes tous deux de bonne foi, avec une volonté sincère de respecter l'autre mais vous devez tenir compte de votre différence de culture et aussi de sensibilité. C'est intéressant car dans le témoignage de foi, nous avons aussi à tenir compte de la sensibilité et du degré de connaissance de la personne.
Je trouve que la manière dont Bassmeg a relayé le sujet est très intéressante :[quote=Bassmeg post_id=390533 time=1542901741 user_id=16872]La foi s' oppose à la rationalité (n' en déplaise à Saint Thomas D' Aquin...). Si ce n' était pas le cas, il n' y aurait qu' une seule foi dans le monde entier et dans toutes les époques, à laquelle on accéderait tous en refléchissant posément.
Force est de constater que ce n' est pas le cas.
(….)
De nos jours, c' est comme çà. Dans nos discussions, il faut fonder nos arguments sur des réalités tangibles. J' ai moi aussi des problèmes pour parler de religion. Moi aussi je vois des proches se souvenir d' un rendez vous urgent quand j' aborde le sujet. Parce que si on en discute, la conversation va très vite me coincer sur la question "pourquoi tu crois ceci, et pourquoi te croirions nous sur parole, plutot qu' un mormon, un musulman ou un raélien?"...
(…)
Voila pourquoi il est compliqué de parler foi.
(…)
J' ai peur de parler de foi parce que j' ai peur que mes interlocuteurs passent à l' attaque personnelle. Et que non seulement, j' aime pas trop çà, mais qu' en plus, je me connais, çà va pas me rendre plus sympa...sans jamais passer par l' attaque personnelle, certes, mais quand même. Parce que quand on a 11 ans, au pire, on se chamaille, si on est pas d' accord sur des idées métaphysiques, et c' est pas bien grave. Adulte, on peut faire plus de dégâts , je suis très sensible aux attaques personnelles. Et quand j' y réponds, çà ne fait qu' envenimer les choses. Et je ne crois pas être une exception, mais plutôt que nous sommes nombreux à nous méfier, parfois avec excès, voir à tort des réactions de l' autre et de nos possibles réactions pas très sympa-sympa dont on n' aura pas à être fière, le soir en rentrant chez soi après un réveillon gâché
(…)
A mon avis, les gens ont le réflexe inconscient de ne plus parler de religion à cause , entre autres de ce genre d' expérience.[/quote]Que nous dit ici Bassmeg ? Rien de moins que des choses capitales qui nous concernent tous et qui sont d'une actualité brûlante pour celui qui est appelé à témoigner du Christ…
Elle nous dit qu'elle souffre de ne pouvoir parler de sa foi de manière paisible et confiante, sans la crainte d'être agressée verbalement sur ses convictions. Qu'elle a peur que ce type de conversation ne dégénère en pugilat et qu'elle même ne s'échauffe et qu'elle en ressorte "mal" avec l'impression d'avoir gaché quelque chose.... Combien d'autres personnes ne ressentent-elles pas la même chose et se sentent bridées dans leur expression spirituelle ???
Elle nous dit aussi que la foi étant du domaine de l'intangible, de l'invisible, on ne peut apporter des arguments "rationnels" au sens de "preuve tangible", "concrètement vérifiable". A cela Héraclius, vous nous donnez, par votre lien, des arguments très sérieux, alliant foi et raison pour dire la cohérence de la foi chrétienne mais il s'agit de rationalité philosophique : au niveau des idées et des concepts, l'ensemble de la foi chrétienne avec son histoire originelle se tient, il y a une cohérence...
MAIS si cela aide beaucoup de lecteurs de ce liens à parler de sa foi, cela n'aide pas ici notre amie Bassmeg. Pas du tout. Parce que vous ne mettez pas les mêmes choses derrière le mot "rationnel".
Que l'on peut parler de sa foi en utilisant des arguments rationnels, c'est entendu mais c'est entendu également que la foi et l'histoire de la révélation chrétienne relèvent d'évenements qui ne sont pas rationnels au sens commun, c'est à dire tangibles, explicables scientifiquement.
De fait, c'est à regarder en face que Dieu qui s'incarne en un homme qui se dira ensuite être son fils, en fécondant une femme vierge par son Souffle qui la couvre de son ombre, lequel homme va guérir et même ressusciter de manière inexpliquée d'autres hommes, finir par être tué mais ressusciter au bout de 3 jours…après avoir marché sur l'eau, calmé une tempête, transformé de l'eau en vin… Toute cette histoire est une histoire à dormir debout, aussi illuminée au premier abord que celle de Peter Pan ou d'une licorne qui vient vous rendre visite....
Qu'étudier par la raison l'histoire de la révélation judéo chrétienne par l'étude de la Bible et des penseurs chrétiens qui ont explicité cette révélation puissent faire rentrer certaines personnes dans le Mystère chrétien, c'est un fait. Edith Stein s'est convertie lors de ses études de philosophie....
Mais pour le jeune (ou moins jeune) témoin du Christ qui n'est pas philosophe et qui est appelé à s'exprimer devant des personnes qui ne sont pas philosophes non plus, il n'est pas évident de parler d'une réalité invisible qui s'est incarnée et continue de s'incarner dans une réalité visible, ce qui est totalement fou, complètement dingue !!!! (et effectivement, irrationnelle)
La vraie question est : comment témoigner de ce truc dingue qui m'habite et qui donne du sens à ma vie ? Comment en parler sans que cela dégénere, les arguments du monde tangible venant contredire les propos concernant l'intangible ? Comment aider et donner confiance à tous ceux qui, comme Bassmeg, sont travaillés par le mystère du Christ tout en étant gênés de parler de l'Invisible dans notre monde matérialiste ?
Chacun peut témoigner de son expérience.... J'apporte ma pierre à l'édifice en espérant que d'autres le feront aussi et partageront leur expérience : Principe de base : on ne donne pas à boire à un âne qui n'a pas soif. si une personne n'est pas en demande ni en recherche, si le sujet ne l'intéresse pas, je n'en parle pas. (je n'en parle donc pas dans ma famille, sauf avec ma mère....) En revanche, je fais connaître facilement mon appartenance chrétienne. Que ce soit au travail, dans des rencontres amicales, en développement personnel, j'évoque le fait que je vais à la messe, en pélerinage, si on parle de méditation , je vais parler de prière, j'évoque mes lectures religieuses... Quand je suis dans un environnement nouveau ou que je me rapproche d'une personne nouvelle, j'évoque que j'appartiens au Christ de cette manière là, la personne en fait ce qu'elle veut...
Si une personne s'y intéresse, elle va me poser des questions, savoir pourquoi j'en suis là, ce que je pense de ceci, du pape, de la pédophilie dans l'Eglise.... Mille questions sont possibles, très rarement des accusations agressives. Tout d'abord, je demande, en une respiration courte, à l'Esprit Saint de venir m'assister. Je réponds le plus simplement possible en rappelant toujours, quelque soit le sujet, que Dieu est la Source à la quelle je vais boire, que sans lui, je meurs de soif et que ma vie, la Vie na plus de sens. Ma foi, c'est ma Source, Dieu c'est mon Roc. Ces images bibliques sont "pratiques" parce qu'elles sont visuelles et sensibles, elle s'inscrivent dans la mémoire sensible de la personne. je crois beaucoup à la force de l'image. Je renvois facilement à la lecture des Evangiles, pour que les personnes n'en restent pas à des préjugés, aillent découvrir par elles mêmes ce qui est dit au cœur du sujet, le texte saint.
Si des questions précises viennent sur les dogmes ou des passages bibliques, je réponds toujours en créant la cohérence avec ce Dieu Source (bon, pour être au jus, c'est bien de relire le lien d'Héraclius !). Par exemple, un jour, une collègue se plante devant moi et me demande : "mais enfin Axelle, tu ne crois tout de même pas que Jésus a réellement marché sur l'eau ? rassure moi !". J'ai répondu que si cet homme là Jésus était totalement habité par la puissance du Souffle de Dieu qui est source de toute vie, il était donc évident qu'il pouvait transgresser les lois physiques et même passer la mort.... Elle m'a regardé d'un air stupéfait et est repartie travailler. ce qui s'est passé ensuite en elle ne m'appartient pas, elle n'en n'a plus reparlé.
Bien souvent je réponds aux questions et je ne sais rien de ce que cela donne ensuite, rien du tout. J'apprends parfois des mois plus tard que mon interlocuteur"'s'est mis à prier, à lire la Bible" et me rappelle tout d'un coup avec fébrilité pour que je lui explique tel passage de Saint-Jean. ça c'est du bonheur. Mais le plus souvent, je n'apprends rien de ce que notre conversation a donné chez l'autre. Je crois aussi que ce qui est important est d'écouter les personnes sur ce qu'elles ont à dire sur Dieu. Est ce qu'elles croient ? à quoi, pourquoi ? Rentrer dans un dialogue...
Avec des personnes d'une autre religion, là aussi je rentre dans une écoute réciproque et je témoigne de ma foi en un Dieu qui rejoint l'homme dans la souffrance : incarné en Christ, il passe par la croix, descend au plus profond et revient à la vie. Ce qui donne sens à ma vie, c'est ça : éloge de la vulnérabilité. Dieu se fait tout petit en naissant parmi nous, se fait simple travailleur, se fait martyr cloué sur la croix, et nous entraine à sa suite sur son chemin de vie. Et ça m'a sauvée la vie, tout simplement. En quoi et comment le Sauveur nous sauve, voilà ce dont nous pouvons témoigner. Et c'est très riche de demander à l'autre : en quoi et comment ta foi en Dieu te sauve ? Et la relation ? Quelle relation as tu avec lui ? et comment tu pries? Et l'Esprit Saint bien sur est au coeur de ces échanges et chacun est évangélisé par l'autre.
Si de l'agressivité vient, je crois qu'il faut arrêter la discussion mais c'est encore l'occasion de témoigner : "je n'ai pas envie de m'échauffer ainsi sur un sujet qui touche au cœur de ma vie, qui touche à l'amour".
Pour parler de l'Invisible dans le monde du visible de manière crédible, je crois que nos interlocuteurs doivent lire l'Invisible dans nos yeux. ça doit transpirer et pour que ça transpire, il s'agit de dire et de transmettre du profond, du vital, et peu importe que cela émane de notre riche culture philosophique ou d'une expérience ras les paquerettes, [b]cela doit dire la victoire de la vie sur la mort. [/b]Des images ! des images qui nous donnent envie de vivre ! l'image d'une licorne, cela m'évoque un truc magnifique, féerique, cela m'évoque l'enfance, la douceur. L'image de Marie de Magdala reconnaissant soudain dans le jardin celui qu'elle a vu mort 3 jours plutôt, ça c'est une image qui me donne envie de crier, de dire à tous que la mort n'est qu'un passage, que toute mort dans la vie n'est qu'un passage…
là, on n'est plus dans le même truc de dingue !
La Source, le Roc, la Croix, la femme qui reconnait son Rabbi chéri qu'elle croyait mort, c'est avec ces images là que je dis le monde invisible qui m'habite et que j'habite.
Tout ce que je dis n'exclut nullement la nécessité de se former, de se catéchiser, d'approfondir sa connaissance de la révélation qui vient nourrir notre foi et nous donne une colonne vertébrale. Mais c'est bien la manière sensible dont on est habité qui touche les gens, je le crois. C'est pourquoi lire et relire la Bible est si important car les images bibliques nous pénètrent et peuvent se transmettre ensuite à nos interlocuteurs, sans même que l'on s'en rende compte….Et bien sur, encore et toujours, demander l'Esprit saint au Père.
Il faut aussi souligner l'âge ! Quand j'avais 20 ans je m'échauffais franchement à la moindre contradiction et partais en croisade ! 30 ans plus tard, j'ai appris, avec les années, peu à peu, à ne plus chercher à convaincre, à simplement dire ce qui m'habite, me sauve, me nourrit, et j'ai appris à écouter, à chercher à comprendre ce que vit l'autre. J'avoue, j'ai appris à ne plus défendre l'Eglise coute que coute comme je le faisais à 20 ans, je défendais ma famille bec et ongles ! Comme je suis parfois encore plus en colère que mon interlocuteur sur des questions d'Eglise, je partage son indignation et au nom même de ma foi dans un Dieu qui sauve.
Je me suis aperçue aussi que les gens sont extrêmement touchés lorsque l'on dit que l'on prie pour eux. Dès qu'une personne m'évoque une difficulté, fût-elle athée au dernier degré, je lui dis que je vais prier pour elle. Sauf exception, les gens sont très contents, émus, parfois bouleversés.
En fait, le monde invisible est tout proche et bien plus réel que le monde visible, si chargé d'illusions. Le dire, à sa manière,simplement, très simplement. C'est ce que je tente de faire.
En Christ,
Samaritaine