par Altior » lun. 13 avr. 2020, 23:16
Bonjour, Quejana!
Quejana a écrit : ↑lun. 13 avr. 2020, 15:32
J’ai l’impression de vivre emprisonnée dans le christianisme, retenue seulement par la crainte. Si je ne craignais pas Dieu, j’aurais déjà déserté depuis longtemps. Je ne comprends donc plus rien à l’agapè chrétien ; puisqu’il n’y a plus que la crainte ou plutôt la peur qui sert de moteur à ma foi.
C'est déjà bien. La crainte de Dieu est le premier des sept dons du Saint Esprit. C'est par là qu'il faut commencer. La chose est expliquée par beaucoup d'auteurs, dont le meilleur est...notre Seigneur Jésus Christ. Il l'explique dans la parabole de l'économe infidèle (Luc 16 : 1-13). Ce fonctionnaire se sauve en se posant une question-clé:
Que ferai-je, puisque mon maître m'ôte l'administration de ses biens? (Luc 16:3). C'est la question que nous devrions nous poser tous. La question que, malheureusement, beaucoup de monde ne se pose pas.
Pourtant, quoique la crainte de Dieu, qui correspond à la contrition imparfaite, soit suffisante pour le salut, l'Esprit Saint ne veut pas que nous restions là-bas et, dès que nous remplissons cette case, il nous octroie son deuxième don: la piété. C'est quoi la piété ? C'est voir en Dieu un père.
J’ai cru en me convertissant que je deviendrais plus aimante envers mon prochain ; en vérité, j’ai fait de l’amour quelque chose de bas et de servile. L’amour est devenu pour moi comme une marchandise à échanger contre mon salut, un mot de passe pour entrer dans le royaume de Dieu et non plus un sentiment ou un geste gratuit.
C'est exactement la solution trouvée par cet économe. Il échange une «marchandise», l'argent (qui par ailleurs ne lui appartenait pas) contre son salut et il fait ça justement pour entrer dans le royaume de Dieu, pas gratuit et il n'est écrit nulle part qu'il avait un sentiment d'amour pour les débiteurs.
je ne regarde plus le visage de l’autre dans sa singularité mais seulement parce qu’il est le reflet du Créateur.
C'est exactement pour ça qu'il est normal d'aimer nos prochains. En effet, il n'y a pas deux commandements de l'amour: aimer Dieu ET aimer son prochain. Il n'y a qu'un seul: aimer Dieu. L'autre est la conséquence.
Je ne regarde plus vraiment l’autre mais seulement Dieu en lui : « c’est Jésus que je sers en servant ce pauvre », par exemple, me dis-je. Or, est-ce bien tolérable pour une personne de se sentir aimée seulement par charité, seulement parce qu’elle est le reflet du Créateur ? un individu ne doit-il pas être aimé pour lui-même ?
Chère Quejana, comment voulez-vous que je vous aime pour vous-même ? C'est tout à fait illogique, car je ne vous connais pas du tout. Je n'ai pas la moindre idée de qui est comment vous êtes. Mais je vous aime justement parce que je sais que vous êtes aimée par Dieu. Si votre âme est assez chère pour Dieu pour que Lui se soit immolé pour vous, si votre âme est assez chère pour que maintenant il fasse un patient effort pour que son sacrifice ne fut pas inutile, alors votre âme est chère pour moi aussi et c'est pourquoi, sans vous connaître, je dis «chère soeur».
Ensuite, vient un autre problème. Celui de l’intolérance. En postulant qu’il n’y a qu’une seule vérité, j’empiète sur la conscience des autres et je veux leur imposer ma foi – même si ce n’est pas fait frontalement : j’aimerais qu’ils croient la même chose que moi. Et s’ils n’y croient pas, un sort malheureux leur sera réservé, disent certains chrétiens. Or, ne faut-il pas aimer l’humanité dans toute sa diversité et toute sa richesse de points de vue ? et est-ce bien aimer son prochain de ne pas respecter ce qu’il a de plus intime en lui, ses idéaux, ses convictions personnelles ?
Personne ne dit de ne pas respecter les idéaux et les convictions personnelles de l'autrui. Il a le même droit que moi d'avoir des idéaux, d'avoir des convictions. La liberté dont Dieu m'a doté lorsqu'il bâtit mon âme, c'est le liberté dont il l'a doté aussi. Mais cela ne veut pas dire que je suis d'accord forcément avec ses idéaux et convictions, cela ne veut pas dire que j'aime la façon dont il emploie cette liberté.
Il y a encore un autre problème. Celui de l’enfer. Je ne peux pas imaginer ne serait-ce qu’une seule seconde que certains hommes et certaines femmes iront en enfer. Je trouve cela inhumain. Et je ne comprends pas qu’une peine éternelle soit donnée à ceux qui auront commis un mal fini sur Terre.
Mais pour qu'un récompense éternelle soit donnée à ceux qui ont fait un bien fini sur Terre, cela vous comprenez ?
que répondrez-vous à quelqu’un qui ne réussit pas à aimer Dieu ?
Je répondrais que c'est la preuve qu'il ne Le connaît pas. Or, on ne peut pas aimer un Dieu inconnu. Je peux vous aimer sans vous connaître en vertu du fait que vous êtes aimée par Celui que j'aime plus que moi-même. Mais comment aimer Celui-là sans le connaître? En vertu de quoi? Impossible. C'est pourquoi les trois vertus théologales ont été imaginés comme un arbre dont la couronne est l'amour théologal (=l'amour qui nous lie à Dieu). La racine est la foi. La foi c'est connaître de plus en plus de choses concernant Dieu. Quand vous arriverez à connaître Dieu, l'amour de Dieu s'allumera d'une flamme que rien au monde ne pourra plus éteindre.
Vous avez, probablement, quelques amis ? Vous les aimez, je pense, du moment où vous les considérez des amis. Pourtant, ils ont des imperfections, il y a en chacun de vos amis une chose, voire plusieurs, que vous aimeriez corrigée, un trait que vous aimeriez retouché. Vos amis ne sont irréprochables et, malgré ça, vous les aimez parce que vous savez que dans chacun la bonne partie prévale sur la retouchable. En plus, peut-être que vous les aimez aussi parce qu'il vous ont aidés une fois, quand vous avez eu besoin, car c'est alors que l'amitié est mise à l'épreuve. Mais s'il y avait, dans ce monde, quelqu'un qui n'a aucune imperfection, quelqu'un de vraiment parfait. Comment ne pas vouloir être l'amie d'un pareil être singulier ? Comment, d'autant plus si vous apprenez qu'il vous aime à son tour ? Et que direz-vous si vous apprenez qu'il vous a aimé depuis toujours, avant que vous soyez même née ? Comment ne pas l'aimer si vous apprenez pas seulement qu'il vous aime, mais que, avec une patience dont seul au monde est capable, il a attendu des années et des dizaines d'années qu'il ait un retour de votre part à cet amour. Mais, si un jour il vous arrive d'apprendre que cet amour a été prouvé par la plus dure des preuves, le don de sa vie, alors même si vous avez un coeur de pierre il n'est pas possible de dire non à un tel amour et de ne pas désirer la compagne d'un tel ami pour tout le reste de votre vie, pour l'éternité.
Bonjour, Quejana!
[quote=Quejana post_id=419250 time=1586784770 user_id=16424]
J’ai l’impression de vivre emprisonnée dans le christianisme, retenue seulement par la crainte. Si je ne craignais pas Dieu, j’aurais déjà déserté depuis longtemps. Je ne comprends donc plus rien à l’agapè chrétien ; puisqu’il n’y a plus que la crainte ou plutôt la peur qui sert de moteur à ma foi. [/quote]
C'est déjà bien. La crainte de Dieu est le premier des sept dons du Saint Esprit. C'est par là qu'il faut commencer. La chose est expliquée par beaucoup d'auteurs, dont le meilleur est...notre Seigneur Jésus Christ. Il l'explique dans la parabole de l'économe infidèle (Luc 16 : 1-13). Ce fonctionnaire se sauve en se posant une question-clé: [i]Que ferai-je, puisque mon maître m'ôte l'administration de ses biens?[/i] (Luc 16:3). C'est la question que nous devrions nous poser tous. La question que, malheureusement, beaucoup de monde ne se pose pas.
Pourtant, quoique la crainte de Dieu, qui correspond à la contrition imparfaite, soit suffisante pour le salut, l'Esprit Saint ne veut pas que nous restions là-bas et, dès que nous remplissons cette case, il nous octroie son deuxième don: la piété. C'est quoi la piété ? C'est voir en Dieu un père.
[quote] J’ai cru en me convertissant que je deviendrais plus aimante envers mon prochain ; en vérité, j’ai fait de l’amour quelque chose de bas et de servile. L’amour est devenu pour moi comme une marchandise à échanger contre mon salut, un mot de passe pour entrer dans le royaume de Dieu et non plus un sentiment ou un geste gratuit. [/quote]
C'est exactement la solution trouvée par cet économe. Il échange une «marchandise», l'argent (qui par ailleurs ne lui appartenait pas) contre son salut et il fait ça justement pour entrer dans le royaume de Dieu, pas gratuit et il n'est écrit nulle part qu'il avait un sentiment d'amour pour les débiteurs.
[quote] je ne regarde plus le visage de l’autre dans sa singularité mais seulement parce qu’il est le reflet du Créateur. [/quote]
C'est exactement pour ça qu'il est normal d'aimer nos prochains. En effet, il n'y a pas deux commandements de l'amour: aimer Dieu ET aimer son prochain. Il n'y a qu'un seul: aimer Dieu. L'autre est la conséquence.
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Je ne regarde plus vraiment l’autre mais seulement Dieu en lui : « c’est Jésus que je sers en servant ce pauvre », par exemple, me dis-je. Or, est-ce bien tolérable pour une personne de se sentir aimée seulement par charité, seulement parce qu’elle est le reflet du Créateur ? un individu ne doit-il pas être aimé pour lui-même ? [/quote]
Chère Quejana, comment voulez-vous que je vous aime pour vous-même ? C'est tout à fait illogique, car je ne vous connais pas du tout. Je n'ai pas la moindre idée de qui est comment vous êtes. Mais je vous aime justement parce que je sais que vous êtes aimée par Dieu. Si votre âme est assez chère pour Dieu pour que Lui se soit immolé pour vous, si votre âme est assez chère pour que maintenant il fasse un patient effort pour que son sacrifice ne fut pas inutile, alors votre âme est chère pour moi aussi et c'est pourquoi, sans vous connaître, je dis «chère soeur».
[quote]Ensuite, vient un autre problème. Celui de l’intolérance. En postulant qu’il n’y a qu’une seule vérité, j’empiète sur la conscience des autres et je veux leur imposer ma foi – même si ce n’est pas fait frontalement : j’aimerais qu’ils croient la même chose que moi. Et s’ils n’y croient pas, un sort malheureux leur sera réservé, disent certains chrétiens. Or, ne faut-il pas aimer l’humanité dans toute sa diversité et toute sa richesse de points de vue ? et est-ce bien aimer son prochain de ne pas respecter ce qu’il a de plus intime en lui, ses idéaux, ses convictions personnelles ?[/quote]
Personne ne dit de ne pas respecter les idéaux et les convictions personnelles de l'autrui. Il a le même droit que moi d'avoir des idéaux, d'avoir des convictions. La liberté dont Dieu m'a doté lorsqu'il bâtit mon âme, c'est le liberté dont il l'a doté aussi. Mais cela ne veut pas dire que je suis d'accord forcément avec ses idéaux et convictions, cela ne veut pas dire que j'aime la façon dont il emploie cette liberté.
[quote]Il y a encore un autre problème. Celui de l’enfer. Je ne peux pas imaginer ne serait-ce qu’une seule seconde que certains hommes et certaines femmes iront en enfer. Je trouve cela inhumain. Et je ne comprends pas qu’une peine éternelle soit donnée à ceux qui auront commis un mal fini sur Terre. [/quote]
Mais pour qu'un récompense éternelle soit donnée à ceux qui ont fait un bien fini sur Terre, cela vous comprenez ?
[quote] que répondrez-vous à quelqu’un qui ne réussit pas à aimer Dieu ? [/quote]
Je répondrais que c'est la preuve qu'il ne Le connaît pas. Or, on ne peut pas aimer un Dieu inconnu. Je peux vous aimer sans vous connaître en vertu du fait que vous êtes aimée par Celui que j'aime plus que moi-même. Mais comment aimer Celui-là sans le connaître? En vertu de quoi? Impossible. C'est pourquoi les trois vertus théologales ont été imaginés comme un arbre dont la couronne est l'amour théologal (=l'amour qui nous lie à Dieu). La racine est la foi. La foi c'est connaître de plus en plus de choses concernant Dieu. Quand vous arriverez à connaître Dieu, l'amour de Dieu s'allumera d'une flamme que rien au monde ne pourra plus éteindre.
Vous avez, probablement, quelques amis ? Vous les aimez, je pense, du moment où vous les considérez des amis. Pourtant, ils ont des imperfections, il y a en chacun de vos amis une chose, voire plusieurs, que vous aimeriez corrigée, un trait que vous aimeriez retouché. Vos amis ne sont irréprochables et, malgré ça, vous les aimez parce que vous savez que dans chacun la bonne partie prévale sur la retouchable. En plus, peut-être que vous les aimez aussi parce qu'il vous ont aidés une fois, quand vous avez eu besoin, car c'est alors que l'amitié est mise à l'épreuve. Mais s'il y avait, dans ce monde, quelqu'un qui n'a aucune imperfection, quelqu'un de vraiment parfait. Comment ne pas vouloir être l'amie d'un pareil être singulier ? Comment, d'autant plus si vous apprenez qu'il vous aime à son tour ? Et que direz-vous si vous apprenez qu'il vous a aimé depuis toujours, avant que vous soyez même née ? Comment ne pas l'aimer si vous apprenez pas seulement qu'il vous aime, mais que, avec une patience dont seul au monde est capable, il a attendu des années et des dizaines d'années qu'il ait un retour de votre part à cet amour. Mais, si un jour il vous arrive d'apprendre que cet amour a été prouvé par la plus dure des preuves, le don de sa vie, alors même si vous avez un coeur de pierre il n'est pas possible de dire non à un tel amour et de ne pas désirer la compagne d'un tel ami pour tout le reste de votre vie, pour l'éternité.