par Cinci » mar. 28 mai 2019, 6:02
Une autre page intéressante de Messori, et avec laquelle je serais d'accord à l'encontre de certains professeurs.
Les ossements du crucifié
En 1976, Le Monde proposa à d'éminents représentants des églises chrétiennes, catholiques, protestantes et orthodoxes, la question suivante : "Qu'en serait-il de votre foi si le pic d'un archéologue, en quelque endroit de l'antique Palestine, déterrait le squelette de Jésus de Nazareth ?"
Voici un échantillon des réponses que les lecteurs du célèbre quotidien purent lire, qui en disent long sur cet étouffant climat - de "spiritualisation", et de "dématérialisation" de l'événement pascal.
François Quéré : "Cela ne me troublerait pas du tout. Ma foi ne dépend pas d'un tombeau vide ou plein. Retrouver quelques ossements ne susciterait pas le moindre doute en moi,"
Marc Oraison, prêtre catholique, et également médecin et psychanalyste : "La découverte du squelette de Jésus renforcerait ma croyance, car elle détruirait le mythe de la réanimation du cadavre, La présence des ossements du Nazaréen renforcerait ma foi, qui, pour exister, doit parfaitement être indémontrable."
Georges Crespy, professeur à la Faculté de théologie protestante de Montpellier : "Cela ne m'empêcherait pas de croire à la résurrection. Et même, une telle découverte libérerait probablement la foi, la poussant à ne plus faire confiance à ce qu'on voit."
Mais un curé inconnu, pas professeur pour un sou, un pauvre chrétien accoutumé à respirer, non l'air conditionné des bibliothèques, mais celui des tranchées pastorales, au contact des fidèles tout ordinaires, a osé répondre à la même demande :"Les ossements de Jésus ? A les voir devant moi, je me sentirais irrémédiablement perdu. Je crois que cela me prouverait l'illusion de ma foi antérieure." Et Jean Guitton, catholique et académicien français, qui a réfléchi tout au long de sa vie aux possibilités pour l.homme d'aujourd'hui de continuer à croire : "En cas d'une découverte de ce genre, j'écrirai dans mon testament : j'ai été trompé et j'en ai trompé d'autres.
En effet, selon tel ou tel bibliste et théologien contemporain, il serait possible de "garder la foi" même si le corps du Christ avait pourri dans un sépulcre ou une fosse commune. Les ossements de Jésus pourraient gésir en quelque endroit de Palestine, sans que cela empêche de croire à la Résurrection, du moins selon eux au sens du salut, contenu dans la confiance mise par Dieu en cet homme.
Il serait possible donc de se dire encore "chrétien" dans ces circonstances ? Oui, affirment-ils, mais en adoptant les théories, les schémas, les lubies les plus extravagantes de ces savants modernes, jusqu'à celle, bien tentante, d'épater le bourgeois, de se montrer non conformiste. Et surtout de les rejoindre dans cette détestation "gnostique", toujours renaissante, pour la chair et la vie concrète. Mais, pour nous en tenir au bon sens et aux textes, constatons maintenant que cette façon de penser n'est pas du tout celle du Nouveau Testament.
Justement la fidélité au Nouveau Testament nous oblige à ne pas suivre les hypothèses "spiritualistes" qui dénient au corps son importance, puisque en ce cas, l'esprit se révèle dans le signifié, le symbole.
Il faut nous y opposer, tout comme Karl Barth protestant s'oppose à son collègue et confrère protestant Rudolf Bultmann et à tous les théologiens "démythisateurs". Il s'exclame : "S'opposer à la Résurrection du corps de Jésus, d'entre les morts, c'est, pour un chrétien, rejeter Dieu lui-même dans sa révélation." Il faut nous y opposer, avec le catholique Jean Daniélou : "La doctrine de Bultmann et d'autres théologien et exégètes selon lesquels la Résurrection de la chair est un mythe, signifiant seulement le renouvellement intérieur opéré par la foi, est très proche des conceptions gnostiques, combattues par saint Paul." La gnose en effet tend à rejeter le corps, cet objet négatif, sinon honteux : de toute façon, simple support - simple revêtement de l'esprit, qui seul mérite notre attention.
Le christianisme, au contraire, a toujours envisagé l'homme tout entier, composé inextricable de matière et d'esprit, de corps et d'âme : caro, cardo est salutis ; la chair est le pivot, le gond du salut, dit Tertullien, apologète du début du christianisme, faisant allusion justement par ces mots à la Résurrection de Jésus.
Seul celui qui ne connaît pas les textes - ou qui les met sens dessus dessous par ses théories - peut dire que le Nouveau Testament ne s'intéresse pas au côté matériel des expériences de Pâques. C'est tout le contraire qui est vrai, au point que, pour définir ce dont parlent les évangélistes, le mot "apparition" semble impropre. Car il suggère un phénomène touchant seulement la vue. Le Ressuscité est décrit par les Évangiles, participant à la vie de ses amis, sous tous ses aspects, tout comme avant la mort en croix.
Il y participe, d'abord par la nourriture : s'alimenter semble une constante des "apparitions", ce qui nous oblige bien aux guillemets lorsqu'on emploie cette malencontreuse expression. "Avez-vous ici quelque chose à manger ?" demande le Ressuscité, lors de sa première réapparition devant sa communauté - et il demande cela justement parce que "dans leur joie et leur stupeur, ils hésitaient encore à croire". Alors : "Ils lui présentèrent un morceau de poisson grillé. Il le prit et mangea devant eux" (Luc 24, 41-43). A Emmaüs, il se met à table avec les deux disciples et c'est là précisément, à la fraction du pain qu'ils le reconnurent. En apparaissant près du lac de Tibériade, il demande à manger, une fois encore, et prépare même de ses mains, un repas pour ses Apôtres, de retour de la pêche. "Lorsqu'ils furent descendus à terre, ils virent là des charbons allumés, du poisson mis dessus, et du pain. Jésus leur dit : "Apportez de ces poissons que vous venez de prendre ..." Jésus leur dit : "Venez et mangez". Un peu plus loin, l'évangéliste témoin du fait, nous assure que le Seigneur, lui aussi, se nourrit avec eux : "Lorsqu'ils eurent mangé ..." (Jn 21, 9-10)
L'insistance sur la nourriture va au point de faire passer cet aspect "matériel" jusque dans le kérygme, la prédication officielle de l'Église. Pierre proclame sa foi à Césarée : "Dieu l'a ressuscité le troisième jour, et lui a donné de se faire voir, non à tout le peuple, mais aux témoins choisis d'avance par Dieu, à nous qui avons mangé et bu avec lui, après sa Résurrection d'entre les morts." (Actes 10, 41) Donc, le fait de s'être sustenté avec lui est pour le chef des Apôtres, une des qualités requises, méritant considération, et garantie de la vérité de la Résurrection.
Il y a une autre preuve tangible, offerte par le Ressuscité lui-même à ceux qui rejetaient déjà le scandaleux "matérialisme" de l'événement. Luc écrit : "Ils pensaient voir un esprit". Mais il leur dit : "Pourquoi vous troublez-vous, et pourquoi des doutes s'élèvent-ils dans vos coeurs ? Voyez mes mains et mes pieds, c'est bien moi. Touchez-moi, et considérez qu'un esprit n'a ni chair ni os comme vous voyez que j'en ai." Ce touchez-moi est dans l'original. L'impératif du verbe grec pselafao signifie au sens littéral "tâter, palper", et suggère donc une réalité bien "matérielle" et pas evanescente du tout.
Jean encore, si "spirituel", au début de la première lettre qui porte son nom, emploiera le même mot que Luc, "palper" lors d'une discussion avec certains gnostiques de son temps, désireux de faire disparaître les preuves matérielles de la Résurrection. "Ce qui était dès le commencement, ce que nous avons entendu, ce que nous avons vu de nos yeux, ce que nous avons contemplé et ce que nos mains ont touché, du Verbe de Vie (epselafesan) ... ce que nous avons vu et entendu, nous vous l'annonçons,afin que vous soyez en communion avec nous ..." (1 Jn 1,1 et s.)
Par conséquent, l'objet du témoignage de Pâques n'a rien à voir avec une phrase du genre : "... de quelque manière, ce Crucifié est toujours vivant". Le témoignage du Nouveau Testament est d'accord, d'emblée et sans aucune hésitation, sur la réalité physique corporelle du Ressuscité.
p.98
Une autre page intéressante de Messori, et avec laquelle je serais d'accord à l'encontre de certains professeurs.
[b]Les ossements du crucifié
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En 1976, [i]Le Monde[/i] proposa à d'éminents représentants des églises chrétiennes, catholiques, protestantes et orthodoxes, la question suivante : "Qu'en serait-il de votre foi si le pic d'un archéologue, en quelque endroit de l'antique Palestine, déterrait le squelette de Jésus de Nazareth ?"
Voici un échantillon des réponses que les lecteurs du célèbre quotidien purent lire, qui en disent long sur cet étouffant climat - de "spiritualisation", et de "dématérialisation" de l'événement pascal.
François Quéré : "Cela ne me troublerait pas du tout. Ma foi ne dépend pas d'un tombeau vide ou plein. Retrouver quelques ossements ne susciterait pas le moindre doute en moi,"
Marc Oraison, prêtre catholique, et également médecin et psychanalyste : "La découverte du squelette de Jésus renforcerait ma croyance, car elle détruirait le mythe de la réanimation du cadavre, La présence des ossements du Nazaréen renforcerait ma foi, qui, pour exister, doit parfaitement être indémontrable."
Georges Crespy, professeur à la Faculté de théologie protestante de Montpellier : "Cela ne m'empêcherait pas de croire à la résurrection. Et même, une telle découverte libérerait probablement la foi, la poussant à ne plus faire confiance à ce qu'on voit."
Mais un curé inconnu, pas professeur pour un sou, un pauvre chrétien accoutumé à respirer, non l'air conditionné des bibliothèques, mais celui des tranchées pastorales, au contact des fidèles tout ordinaires, a osé répondre à la même demande :"Les ossements de Jésus ? A les voir devant moi, je me sentirais irrémédiablement perdu. Je crois que cela me prouverait l'illusion de ma foi antérieure." Et Jean Guitton, catholique et académicien français, qui a réfléchi tout au long de sa vie aux possibilités pour l.homme d'aujourd'hui de continuer à croire : "En cas d'une découverte de ce genre, j'écrirai dans mon testament : [i] j'ai été trompé et j'en ai trompé d'autres[/i].
En effet, selon tel ou tel bibliste et théologien contemporain, il serait possible de "garder la foi" même si le corps du Christ avait pourri dans un sépulcre ou une fosse commune. Les ossements de Jésus pourraient gésir en quelque endroit de Palestine, sans que cela empêche de croire à la Résurrection, du moins selon eux au sens du salut, contenu dans la confiance mise par Dieu en cet homme.
Il serait possible donc de se dire encore "chrétien" dans ces circonstances ? Oui, affirment-ils, mais en adoptant les théories, les schémas, les lubies les plus extravagantes de ces savants modernes, jusqu'à celle, bien tentante, d'épater le bourgeois, de se montrer non conformiste. Et surtout de les rejoindre dans cette détestation "gnostique", toujours renaissante, pour la chair et la vie concrète. Mais, pour nous en tenir au bon sens et aux textes, constatons maintenant que cette façon de penser n'est pas du tout celle du Nouveau Testament.
Justement la fidélité au Nouveau Testament nous oblige à ne pas suivre les hypothèses "spiritualistes" qui dénient au corps son importance, puisque en ce cas, l'esprit se révèle dans le signifié, le symbole.
Il faut nous y opposer, tout comme Karl Barth protestant s'oppose à son collègue et confrère protestant Rudolf Bultmann et à tous les théologiens "démythisateurs". Il s'exclame : "S'opposer à la Résurrection du corps de Jésus, d'entre les morts, c'est, pour un chrétien, rejeter Dieu lui-même dans sa révélation." Il faut nous y opposer, avec le catholique Jean Daniélou : "La doctrine de Bultmann et d'autres théologien et exégètes selon lesquels la Résurrection de la chair est un mythe, signifiant seulement le renouvellement intérieur opéré par la foi, est très proche des conceptions gnostiques, combattues par saint Paul." La gnose en effet tend à rejeter le corps, cet objet négatif, sinon honteux : de toute façon, simple support - simple revêtement de l'esprit, qui seul mérite notre attention.
Le christianisme, au contraire, a toujours envisagé l'homme tout entier, composé inextricable de matière et d'esprit, de corps et d'âme : [i]caro, cardo est salutis[/i] ; la chair est le pivot, le gond du salut, dit Tertullien, apologète du début du christianisme, faisant allusion justement par ces mots à la Résurrection de Jésus.
Seul celui qui ne connaît pas les textes - ou qui les met sens dessus dessous par ses théories - peut dire que le Nouveau Testament ne s'intéresse pas au côté matériel des expériences de Pâques. C'est tout le contraire qui est vrai, au point que, pour définir ce dont parlent les évangélistes, le mot "apparition" semble impropre. Car il suggère un phénomène touchant seulement la vue. Le Ressuscité est décrit par les Évangiles, participant à la vie de ses amis, sous tous ses aspects, tout comme avant la mort en croix.
Il y participe, d'abord par la nourriture : s'alimenter semble une constante des "apparitions", ce qui nous oblige bien aux guillemets lorsqu'on emploie cette malencontreuse expression. "Avez-vous ici quelque chose à manger ?" demande le Ressuscité, lors de sa première réapparition devant sa communauté - et il demande cela justement parce que "dans leur joie et leur stupeur, ils hésitaient encore à croire". Alors : "Ils lui présentèrent un morceau de poisson grillé. Il le prit et mangea devant eux" (Luc 24, 41-43). A Emmaüs, il se met à table avec les deux disciples et c'est là précisément, à la fraction du pain qu'ils le reconnurent. En apparaissant près du lac de Tibériade, il demande à manger, une fois encore, et prépare même de ses mains, un repas pour ses Apôtres, de retour de la pêche. "Lorsqu'ils furent descendus à terre, ils virent là des charbons allumés, du poisson mis dessus, et du pain. Jésus leur dit : "Apportez de ces poissons que vous venez de prendre ..." Jésus leur dit : "Venez et mangez". Un peu plus loin, l'évangéliste témoin du fait, nous assure que le Seigneur, lui aussi, se nourrit avec eux : "Lorsqu'ils eurent mangé ..." (Jn 21, 9-10)
L'insistance sur la nourriture va au point de faire passer cet aspect "matériel" jusque dans le kérygme, la prédication officielle de l'Église. Pierre proclame sa foi à Césarée : "Dieu l'a ressuscité le troisième jour, et lui a donné de se faire voir, non à tout le peuple, mais aux témoins choisis d'avance par Dieu, à nous [i]qui avons mangé et bu avec lui[/i], après sa Résurrection d'entre les morts." (Actes 10, 41) Donc, le fait de s'être sustenté avec lui est pour le chef des Apôtres, une des qualités requises, méritant considération, et garantie de la vérité de la Résurrection.
Il y a une autre preuve tangible, offerte par le Ressuscité lui-même à ceux qui rejetaient déjà le scandaleux "matérialisme" de l'événement. Luc écrit : "Ils pensaient voir un esprit". Mais il leur dit : "Pourquoi vous troublez-vous, et pourquoi des doutes s'élèvent-ils dans vos coeurs ? Voyez mes mains et mes pieds, c'est bien moi. [i]Touchez-moi[/i], et considérez qu'un esprit n'a ni chair ni os comme vous voyez que j'en ai." Ce touchez-moi est dans l'original. L'impératif du verbe grec pselafao signifie au sens littéral "tâter, palper", et suggère donc une réalité bien "matérielle" et pas evanescente du tout.
Jean encore, si "spirituel", au début de la première lettre qui porte son nom, emploiera le même mot que Luc, "palper" lors d'une discussion avec certains gnostiques de son temps, désireux de faire disparaître les preuves matérielles de la Résurrection. "Ce qui était dès le commencement, ce que nous avons entendu, ce que nous avons vu de nos yeux, ce que nous avons contemplé et ce que nos mains ont touché, du Verbe de Vie (epselafesan) ... ce que nous avons vu et entendu, nous vous l'annonçons,afin que vous soyez en communion avec nous ..." (1 Jn 1,1 et s.)
Par conséquent, l'objet du témoignage de Pâques n'a rien à voir avec une phrase du genre : "... de quelque manière, ce Crucifié est toujours vivant". Le témoignage du Nouveau Testament est d'accord, d'emblée et sans aucune hésitation, sur la réalité physique corporelle du Ressuscité.
p.98