par Cgs » ven. 26 janv. 2018, 13:40
Bonjour,
Arthus a écrit : ↑jeu. 18 janv. 2018, 16:27
Or, on sait que la matière n'est pas éternelle au vu des dernières théories (le Big bang) et des récentes observations (fond cosmologique, éloignement des galaxies et étude de leur vitesse, etc.). Et même philosophiquement, tenir que la matière est incréée, mais néanmoins soumise au temps (ce qui est évident, puisque la matière subit l'entropie liée au temps qui passe), semble paradoxal et incohérent.
Je ne comprend pas votre argument car le le Big Bang, ou l'éloignement des galaxies, ne disent rien en ce qui concerne la disparition ou la création de matière.
Le point important, c'est qu'on observe toujours conservation d'une quantité mesurable entre l'état initial et l'état final dans tous les phénomènes. Il en découle (si on fait l'impasse sur les problèmes philosophiques que cela pose) que la matière ne disparaît jamais, ni n'est jamais créée, et qu'aux yeux de la science, la matière est bel et bien éternelle.
Imaginez un scientifique qui verrait une quantité mesurable s'évanouir dans la nature. Quelle serait sa réaction ? Il me semble qu'il considérerait ce résultat avec une extrême prudence, et qu'il chercherait toute les autres pistes d'explications, plutôt que de s’écrier " Enfin, nous avons retrouvé ce que disent toute nos données, que la matière est périssable !". Pourquoi ?
Parce que le consensus scientifique est très clairement en faveur d'une matière incréée, et que cet homme devrait remettre en question la quasi totalité des connaissances actuelles.
La force de la philosophie matérialiste, c'est qu'elle tire les conclusions logiques de cette observation scientifique.
En effet, on peut ensuite s'interroger sur ce qu'implique philosophiquement une matière incréé, et si il n'y pas des contradictions avec d'autre observations scientifiques, mais dire que la science considère la matière comme périssable est une erreur.
Votre argument, si je le résume bien, consiste à dire que la matière est éternelle, car elle ne disparaît jamais, ni ne se crée jamais, elle ne fait que se transformer (vous reprenez, dans un autre contexte, la célèbre formule de Lavoisier). Je vais être plus précis pour montrer que cette idée est fausse et que le consensus scientifique est au contraire, pour ceux qui se penchent vraiment sur les publications scientifiques sérieuses, pour un univers créé et donc non éternel.
Commençons par rappeler la définition de l'univers. C'est toute ce qui existe sur le plan matériel : la matière (particules, atomes de la classification de Mendeleïev), ses composés (molécules), les lois physiques (dont les 4 interactions fondamentales : gravitationnelle, nucléaire forte, nucléaire faible et électromagnétique) ; par extension, l'univers regroupe les galaxies, planètes, étoiles et tout ce qu'il y a dessus.
On date l'âge de l'univers à environ 13,6 milliards d'années avec les outils de mesure d'aujourd'hui.
(une référence parmi tant d'autres :
http://adsabs.harvard.edu/full/1987ApJ...315L..77W )
Remarquez que si l'univers a un âge, la matière faisant partie de l'univers, la matière a aussi un âge et ne peut donc être éternelle. D'où mes assertions ci-dessus car si on a un âge, c'est qu'on n'est pas là de toute éternité...
Soyons plus précis. Comment est-on arrivé à cette conclusion, à la théorie du Big bang comme étant la plus probable dans le paradigme scientifique actuel ?
Ceci a commencé dans les années 30 avec des scientifiques comme Edwin Hubble et père (oui, un scientifique prêtre, ça existe!) Georges Lemaître. Ceci dans un contexte particulier où la physique newtonienne commence à être généralisée en théorie de la relativité générale imputée à Einstein.
Lemaître et Hubble ont expérimenté et théorisé, dans le cadre de la théorie générale de la relativité, plusieurs choses :
l'observation de galaxies autres que celle où évolue le système solaire, avec des télescopes révolutionnaires pour l'époque.
l'observation que l'univers est en expansion. L'observation de l'éloignement des galaxies entre elles a pu non seulement montrer que l'univers était en expansion, mais également que la vitesse de cette expansion était proportionnelle à la distance qui nous en sépare. Plus elles sont éloignées de nous , plus elles s'éloignent rapidement.
En fait, avant ces observations, Lemaître a proposé une théorie audacieuse en 1927 : un commencement originel à l'univers sous la forme d'une explosion primordiale, qui expliquerait cette expansion qui s'accélère. Cette théorie sera appelée par moquerie Big Bang, mais sera assez vite confirmée par la mesure du fond diffus cosmologique par Penzias et Wilson en 1964. Ces ingénieurs de Bell ont mesuré avec leur antenne une sorte de bruit de fond (sous forme de rayonnement électromagnétique) qui irrigue tout l'univers.
L'étude de ce fond diffus a permis de comprendre ce qui s'est probablement passé 380 000 ans après l'origine de l'univers. Ces grâce à ces études que l'on sait désormais qu'à cette époque, l'univers était dense et chaud et qu'on a pu remonter jusqu'à l'ère de Planck (10^-43 sec après le big bang) où les lois physiques n'étaient pas encore formées. On sait ainsi que la matière telle qu'on la connaît n'a pas toujours existé (il n'y avait pas d'atomes au début car les interactions nucléaires forte et faible n'existaient pas encore). Vous allez me dire, mais elle existait en potentialité, dans les particules qui s'organisaient entre elles pour former la matière. Certes oui. Mais cela ne change rien sur le fait qu'il y a eu un moment où l'univers a eu une impulsion originelle.
Sur le strict point de vue scientifique, on ne sait pas d'ailleurs si l'univers est éternel ou pas, car on ne peut pas observer au-delà de l'ère de Planck. Mais les observations scientifiques et un peu de logique amènent au fait que l'idée grecque d'un univers éternel ne peut plus être tenue.
En effet, avec le second principe de la thermodynamique, mise en évidence par Carnot et Clausius au XIXème siècle, selon lequel tout s'use dans l'univers, si on observe une augmentation globale de l'entropie dans l'univers (l'univers est beaucoup moins chaud qu'avant et les étoiles épuisent leur énergie dans le temps), on en conclut logique que l'univers aura une fin. Et s'il a une fin, il a forcément un début, donc l'univers, et la matière qu'il contient, n'est pas éternel.
Et même philosophiquement, tenir que la matière est incréée, mais néanmoins soumise au temps (ce qui est évident, puisque la matière subit l'entropie liée au temps qui passe), semble paradoxal et incohérent
Le paradoxe est ici artificiel, car c'est la façon dont vous tournez la phrase qui en est la cause. On pourrais aussi bien dire que c'est le temps et l'entropie qui sont soumis à la matière, sans que ce soit ni plus juste, ni plus faux. D'ailleurs le temps et l'entropie peuvent entrer dans la définition de matière que vous avez donné au début de ce fil.
L'entropie peut en effet entrer dans la définition large de la matière, puisque c'est une loi de l'univers. En revanche, pour le temps, je ne suis pas d'accord. Le temps peut être défini comme l'instant, un état, mis en mouvement. Rien à voir avec la matière, ou alors tout est matière...
Tout ce que nous observons est soumis au temps et à l'entropie. Si la matière est incréée, c'est-à-dire qu'elle a toujours existé, comment peut-elle être soumise au temps et à ses conséquences en terme d'entropie ? Le second principe de la thermodynamique énonce le caractère irréversible de l'usure qu'imprime le temps sur la matière. Une matière éternelle qui s'use me semble paradoxal.
Ou peut-être, dans votre idée, une fois la matière complètement usée, elle se transforme et reprend une autre forme, ce qui lui donnerait un caractère éternel. Certes, mais pour se transformer, il faut de l'information extérieure, car l'entropie désorganise, augmente le désordre. Donc la matière ne peut contrer l'entropie et le temps par elle-même, chose qu'elle pourrait faire si elle était effectivement éternelle.
Bien à vous,
Bonjour,
[quote=Arthus post_id=376087 time=1516285629 user_id=16534]
[quote]Or, on sait que la matière n'est pas éternelle au vu des dernières théories (le Big bang) et des récentes observations (fond cosmologique, éloignement des galaxies et étude de leur vitesse, etc.). Et même philosophiquement, tenir que la matière est incréée, mais néanmoins soumise au temps (ce qui est évident, puisque la matière subit l'entropie liée au temps qui passe), semble paradoxal et incohérent.[/quote]
Je ne comprend pas votre argument car le le Big Bang, ou l'éloignement des galaxies, ne disent rien en ce qui concerne la disparition ou la création de matière.
Le point important, c'est qu'on observe toujours conservation d'une quantité mesurable entre l'état initial et l'état final dans tous les phénomènes. Il en découle (si on fait l'impasse sur les problèmes philosophiques que cela pose) que la matière ne disparaît jamais, ni n'est jamais créée, et qu'aux yeux de la science, la matière est bel et bien éternelle.
Imaginez un scientifique qui verrait une quantité mesurable s'évanouir dans la nature. Quelle serait sa réaction ? Il me semble qu'il considérerait ce résultat avec une extrême prudence, et qu'il chercherait toute les autres pistes d'explications, plutôt que de s’écrier " Enfin, nous avons retrouvé ce que disent toute nos données, que la matière est périssable !". Pourquoi ?
Parce que le consensus scientifique est très clairement en faveur d'une matière incréée, et que cet homme devrait remettre en question la quasi totalité des connaissances actuelles.
La force de la philosophie matérialiste, c'est qu'elle tire les conclusions logiques de cette observation scientifique.
En effet, on peut ensuite s'interroger sur ce qu'implique philosophiquement une matière incréé, et si il n'y pas des contradictions avec d'autre observations scientifiques, mais dire que la science considère la matière comme périssable est une erreur.
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Votre argument, si je le résume bien, consiste à dire que la matière est éternelle, car elle ne disparaît jamais, ni ne se crée jamais, elle ne fait que se transformer (vous reprenez, dans un autre contexte, la célèbre formule de Lavoisier). Je vais être plus précis pour montrer que cette idée est fausse et que le consensus scientifique est au contraire, pour ceux qui se penchent vraiment sur les publications scientifiques sérieuses, pour un univers créé et donc non éternel.
Commençons par rappeler la définition de l'univers. C'est toute ce qui existe sur le plan matériel : la matière (particules, atomes de la classification de Mendeleïev), ses composés (molécules), les lois physiques (dont les 4 interactions fondamentales : gravitationnelle, nucléaire forte, nucléaire faible et électromagnétique) ; par extension, l'univers regroupe les galaxies, planètes, étoiles et tout ce qu'il y a dessus.
On date l'âge de l'univers à environ 13,6 milliards d'années avec les outils de mesure d'aujourd'hui.
(une référence parmi tant d'autres : http://adsabs.harvard.edu/full/1987ApJ...315L..77W )
Remarquez que si l'univers a un âge, la matière faisant partie de l'univers, la matière a aussi un âge et ne peut donc être éternelle. D'où mes assertions ci-dessus car si on a un âge, c'est qu'on n'est pas là de toute éternité...
Soyons plus précis. Comment est-on arrivé à cette conclusion, à la théorie du Big bang comme étant la plus probable dans le paradigme scientifique actuel ?
Ceci a commencé dans les années 30 avec des scientifiques comme Edwin Hubble et père (oui, un scientifique prêtre, ça existe!) Georges Lemaître. Ceci dans un contexte particulier où la physique newtonienne commence à être généralisée en théorie de la relativité générale imputée à Einstein.
Lemaître et Hubble ont expérimenté et théorisé, dans le cadre de la théorie générale de la relativité, plusieurs choses :
:arrow: l'observation de galaxies autres que celle où évolue le système solaire, avec des télescopes révolutionnaires pour l'époque.
:arrow: l'observation que l'univers est en expansion. L'observation de l'éloignement des galaxies entre elles a pu non seulement montrer que l'univers était en expansion, mais également que la vitesse de cette expansion était proportionnelle à la distance qui nous en sépare. Plus elles sont éloignées de nous , plus elles s'éloignent rapidement.
En fait, avant ces observations, Lemaître a proposé une théorie audacieuse en 1927 : un commencement originel à l'univers sous la forme d'une explosion primordiale, qui expliquerait cette expansion qui s'accélère. Cette théorie sera appelée par moquerie Big Bang, mais sera assez vite confirmée par la mesure du fond diffus cosmologique par Penzias et Wilson en 1964. Ces ingénieurs de Bell ont mesuré avec leur antenne une sorte de bruit de fond (sous forme de rayonnement électromagnétique) qui irrigue tout l'univers.
L'étude de ce fond diffus a permis de comprendre ce qui s'est probablement passé 380 000 ans après l'origine de l'univers. Ces grâce à ces études que l'on sait désormais qu'à cette époque, l'univers était dense et chaud et qu'on a pu remonter jusqu'à l'ère de Planck (10^-43 sec après le big bang) où les lois physiques n'étaient pas encore formées. On sait ainsi que la matière telle qu'on la connaît n'a pas toujours existé (il n'y avait pas d'atomes au début car les interactions nucléaires forte et faible n'existaient pas encore). Vous allez me dire, mais elle existait en potentialité, dans les particules qui s'organisaient entre elles pour former la matière. Certes oui. Mais cela ne change rien sur le fait qu'il y a eu un moment où l'univers a eu une impulsion originelle.
Sur le strict point de vue scientifique, on ne sait pas d'ailleurs si l'univers est éternel ou pas, car on ne peut pas observer au-delà de l'ère de Planck. Mais les observations scientifiques et un peu de logique amènent au fait que l'idée grecque d'un univers éternel ne peut plus être tenue.
En effet, avec le second principe de la thermodynamique, mise en évidence par Carnot et Clausius au XIXème siècle, selon lequel tout s'use dans l'univers, si on observe une augmentation globale de l'entropie dans l'univers (l'univers est beaucoup moins chaud qu'avant et les étoiles épuisent leur énergie dans le temps), on en conclut logique que l'univers aura une fin. Et s'il a une fin, il a forcément un début, donc l'univers, et la matière qu'il contient, n'est pas éternel.
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[quote]Et même philosophiquement, tenir que la matière est incréée, mais néanmoins soumise au temps (ce qui est évident, puisque la matière subit l'entropie liée au temps qui passe), semble paradoxal et incohérent[/quote]
Le paradoxe est ici artificiel, car c'est la façon dont vous tournez la phrase qui en est la cause. On pourrais aussi bien dire que c'est le temps et l'entropie qui sont soumis à la matière, sans que ce soit ni plus juste, ni plus faux. D'ailleurs le temps et l'entropie peuvent entrer dans la définition de matière que vous avez donné au début de ce fil.
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L'entropie peut en effet entrer dans la définition large de la matière, puisque c'est une loi de l'univers. En revanche, pour le temps, je ne suis pas d'accord. Le temps peut être défini comme l'instant, un état, mis en mouvement. Rien à voir avec la matière, ou alors tout est matière...
Tout ce que nous observons est soumis au temps et à l'entropie. Si la matière est incréée, c'est-à-dire qu'elle a toujours existé, comment peut-elle être soumise au temps et à ses conséquences en terme d'entropie ? Le second principe de la thermodynamique énonce le caractère irréversible de l'usure qu'imprime le temps sur la matière. Une matière éternelle qui s'use me semble paradoxal.
Ou peut-être, dans votre idée, une fois la matière complètement usée, elle se transforme et reprend une autre forme, ce qui lui donnerait un caractère éternel. Certes, mais pour se transformer, il faut de l'information extérieure, car l'entropie désorganise, augmente le désordre. Donc la matière ne peut contrer l'entropie et le temps par elle-même, chose qu'elle pourrait faire si elle était effectivement éternelle.
Bien à vous,