par Héraclius » mar. 17 oct. 2017, 14:22
Cher Ocelot,
Cela fait plusieurs années que je me pose, en substance, les mêmes questions que les vôtres. J'en ai même fini par en faire plus ou moins le sujet de mes études.
De ces quelques années de pauvre recherche, je n'ai retiré aucune certitude. Le doute ne m'a pas quitté, et je pense que je l'emporterai dans la tombe. Cependant, cela n'a pas été vain pour autant ; ma foi est toujours un pari, un saut dans le vide, mais c'est si j'ose dire un pari calculé, rationnel.
Alors au-delà de réponse ponctuelles que je peux m'efforcer de vous donner, je veux vous encourager à creuser, à chercher. Le Catholicisme est, je le crois, la religion de la raison par excellence. Le doute intellectuel n'est certainement pas un péché. C'est une épreuve qui produit des fruits excellents ; elle nous force à informer notre foi, à transformer nos vagues croyances en une théologie systématique et rationnelle. Elle afine notre apologétique, et nous permet de transmettre ce que nous avons reçu.
Le premier obstacle est la conciliation des récits bibliques à la science. Si on commence à affirmer que tel ou tel évènement doit être considéré comme une allégorie parce que ce n'est pas crédible scientifiquement, que dire de la conception virginale et de la résurrection ? La Bible ne serait dès lors qu'une simple fable. Je ne vois pas comment on pourrait s'abandonner dedans à moins d'être insensé...
Votre question est très juste. Simplement, il faut bien comprendre que nous ne lisons pas les Saintes Ecritures à nu.
Déjà, à l'intérieur même du texte sacré, on trouve des indices quant à l'interprétation première d'un texte. Concrètement, on lit un texte à l'aune de son genre littéraire. Un receuil de poèmes ne se lit pas comme un récit historique, qui ne se lit pas comme une fresque mythique, qui n'a rien à voir avec un conte populaire, lequel a peu en commun avec une compilation d'aphorismes, une prophétie apocalytique ou un essai littéraire. Or la Bible contient un peu de tout cela ! L'histoire de Jonas n'a vraisemblablement rien d'historique ; mais on s'en fiche, sa vérité se trouve à un autre plan que celui de la factualité historique. C'est une question de genre littéraire.
Il faut bien comprendre que la Bible ne se présente pas comme le Coran, comme un texte révélé, dicté par Dieu. La doctrine de l'inspiration est autrement plus complexe, parce qu'elle souligne le fait que l'auteur humain du texte est authentiquement auteur, avec ses limitations, son contexte historique, son style, ses connaissances...
D'autre part, nous ne lisons pas le texte sacré seul. Nous le lisons avec la Tradition de l'Eglise comme contexte normatif de l'interprétation, et à l'écoute du Magistère comme garant de droit divin de cette interrétation. Contrairement à ce que pense certain protestants, nous savons que tout texte est equivoque, qu'il n'exprime pas de lui-même un sens unique, mais qu'il est toujours sujet à l'interprétation ; c'est pour cela que Le Christ a veillé à nous donner un interprète infaillible de la Révélation en nous donnant l'Eglise hiérarchique. L'autorité de l'Eglise est même antérieure à celle de l'Ecriture ; c'est parce que l'Eglise nous le demande que nous croyons dans la Bible, pas l'inverse - il y a eu des apôtres avant le Nouveau Testament.
Don concrètement, lorsque l'on parle de la Création en 6 jours, on parle d'un texte qui est interprété métaphoriquement deuis Augustin et Origène, et l'Eglise dans son Magistère nous autorise parfaitement à ne pas le lire littéralement. Pour ce qui est des évenements de la vie de Notre-Seigneur décrits dans les Saints Evangiles, par contre, nous devons tenir de fide que le texte nous parle d'évenements historiques.
Bon, pour ce qui est des miracles, personnelement je ne crois as qu'ils nous sont donnés comme des preuves. Certains sont troublants, certes, comme la Danse du Soleil de Fatima qui a eu lieu il y a tout juste 100 ans, l'incorruptibilité de corps de saints morts de la gangrène, les différents miracles eucharistiques et leurs études scientifiques... Mais ce sont moins des preuves que des indices qui pointe aux réalités d'en haut.
L'existence de Dieu, ou d'un Être nécessaire acte pur créateur ex-nihilo d'un univers intelligible, me semble personnelement assez certaine, mais surtout sur la base d'une réflexion philosophique, métaphysique. Vous dites que cela vous semble trop abstrait, et je vous comprends ; mais il y a quelque chose d'existentiel, littéralement, dans la preuve par la contingence des étants. Lorsqu'on la comprends, elle se révèle comme extrêmement concrète, elle nous confronte au fait brut de la composition de l'essence et de l'existence dans chaque être et au mystère de l'omniprésence créatrice. Je vous conseille de creuser dans cette direction.
En vrac, il existe beaucoup de type d'arguments non-évoqués. La question historique des témoignages de la résurrection du Christ est un aspect de la question. Les arguments négatifs, comme l'argument moral ou les arguments post-moderne au sens large, sont absolument fondamentaux.
Après au coeur de ma propre foi ne se trouve pas un argument philosophique, mais la conviction que, comme l'écrivait Hans-Urs Von Balthasar, l'
Amour seul est digne de foi. La foi est la réponse qui succède une phénoménologie de l'amour tel que nous le décrit le Christ, la charité sacrificielle du don total. La foi est le fruit de la contemplation du Mystère de la Croix qui amène l'homme à considérer que le Splendeur insoutenable de la Vie du Christ ne peut qu'être une participation à l'absolu, au transcentaux du Beau, du Bien et du Vrai. La Sainte Humanité du Dieu fait chair prétend certainement être l'icône d'une telle réalité ; alors lorsque nous la regardons en face, est-ce que cette prétention s'effondre ou est-ce qu'elle nous convoque à la contemplation et à l'imitation ?
En tout cas continuez à chercher, c'est le plus important. Lisez les grands théologiens et les grands athées. Lisez Thomas d'Aquin, Dostoïesvski, Ratzinger, Balthasar, Augustin, de Lubac... Faite de la philosohie et de la théologie. Si vous vous êtes de ceux qui veulent une structure rationnelle à votre foi, donnez-vous en les moyens.
En Jésus-Christ,
Héraclius -
Cher Ocelot,
Cela fait plusieurs années que je me pose, en substance, les mêmes questions que les vôtres. J'en ai même fini par en faire plus ou moins le sujet de mes études.
De ces quelques années de pauvre recherche, je n'ai retiré aucune certitude. Le doute ne m'a pas quitté, et je pense que je l'emporterai dans la tombe. Cependant, cela n'a pas été vain pour autant ; ma foi est toujours un pari, un saut dans le vide, mais c'est si j'ose dire un pari calculé, rationnel.
Alors au-delà de réponse ponctuelles que je peux m'efforcer de vous donner, je veux vous encourager à creuser, à chercher. Le Catholicisme est, je le crois, la religion de la raison par excellence. Le doute intellectuel n'est certainement pas un péché. C'est une épreuve qui produit des fruits excellents ; elle nous force à informer notre foi, à transformer nos vagues croyances en une théologie systématique et rationnelle. Elle afine notre apologétique, et nous permet de transmettre ce que nous avons reçu.
[quote]Le premier obstacle est la conciliation des récits bibliques à la science. Si on commence à affirmer que tel ou tel évènement doit être considéré comme une allégorie parce que ce n'est pas crédible scientifiquement, que dire de la conception virginale et de la résurrection ? La Bible ne serait dès lors qu'une simple fable. Je ne vois pas comment on pourrait s'abandonner dedans à moins d'être insensé...[/quote]
Votre question est très juste. Simplement, il faut bien comprendre que nous ne lisons pas les Saintes Ecritures à nu.
Déjà, à l'intérieur même du texte sacré, on trouve des indices quant à l'interprétation première d'un texte. Concrètement, on lit un texte à l'aune de son genre littéraire. Un receuil de poèmes ne se lit pas comme un récit historique, qui ne se lit pas comme une fresque mythique, qui n'a rien à voir avec un conte populaire, lequel a peu en commun avec une compilation d'aphorismes, une prophétie apocalytique ou un essai littéraire. Or la Bible contient un peu de tout cela ! L'histoire de Jonas n'a vraisemblablement rien d'historique ; mais on s'en fiche, sa vérité se trouve à un autre plan que celui de la factualité historique. C'est une question de genre littéraire.
Il faut bien comprendre que la Bible ne se présente pas comme le Coran, comme un texte révélé, dicté par Dieu. La doctrine de l'inspiration est autrement plus complexe, parce qu'elle souligne le fait que l'auteur humain du texte est authentiquement auteur, avec ses limitations, son contexte historique, son style, ses connaissances...
D'autre part, nous ne lisons pas le texte sacré seul. Nous le lisons avec la Tradition de l'Eglise comme contexte normatif de l'interprétation, et à l'écoute du Magistère comme garant de droit divin de cette interrétation. Contrairement à ce que pense certain protestants, nous savons que tout texte est equivoque, qu'il n'exprime pas de lui-même un sens unique, mais qu'il est toujours sujet à l'interprétation ; c'est pour cela que Le Christ a veillé à nous donner un interprète infaillible de la Révélation en nous donnant l'Eglise hiérarchique. L'autorité de l'Eglise est même antérieure à celle de l'Ecriture ; c'est parce que l'Eglise nous le demande que nous croyons dans la Bible, pas l'inverse - il y a eu des apôtres avant le Nouveau Testament.
Don concrètement, lorsque l'on parle de la Création en 6 jours, on parle d'un texte qui est interprété métaphoriquement deuis Augustin et Origène, et l'Eglise dans son Magistère nous autorise parfaitement à ne pas le lire littéralement. Pour ce qui est des évenements de la vie de Notre-Seigneur décrits dans les Saints Evangiles, par contre, nous devons tenir de fide que le texte nous parle d'évenements historiques.
Bon, pour ce qui est des miracles, personnelement je ne crois as qu'ils nous sont donnés comme des preuves. Certains sont troublants, certes, comme la Danse du Soleil de Fatima qui a eu lieu il y a tout juste 100 ans, l'incorruptibilité de corps de saints morts de la gangrène, les différents miracles eucharistiques et leurs études scientifiques... Mais ce sont moins des preuves que des indices qui pointe aux réalités d'en haut.
L'existence de Dieu, ou d'un Être nécessaire acte pur créateur ex-nihilo d'un univers intelligible, me semble personnelement assez certaine, mais surtout sur la base d'une réflexion philosophique, métaphysique. Vous dites que cela vous semble trop abstrait, et je vous comprends ; mais il y a quelque chose d'existentiel, littéralement, dans la preuve par la contingence des étants. Lorsqu'on la comprends, elle se révèle comme extrêmement concrète, elle nous confronte au fait brut de la composition de l'essence et de l'existence dans chaque être et au mystère de l'omniprésence créatrice. Je vous conseille de creuser dans cette direction.
En vrac, il existe beaucoup de type d'arguments non-évoqués. La question historique des témoignages de la résurrection du Christ est un aspect de la question. Les arguments négatifs, comme l'argument moral ou les arguments post-moderne au sens large, sont absolument fondamentaux.
Après au coeur de ma propre foi ne se trouve pas un argument philosophique, mais la conviction que, comme l'écrivait Hans-Urs Von Balthasar, l'[i]Amour seul est digne de foi[/i]. La foi est la réponse qui succède une phénoménologie de l'amour tel que nous le décrit le Christ, la charité sacrificielle du don total. La foi est le fruit de la contemplation du Mystère de la Croix qui amène l'homme à considérer que le Splendeur insoutenable de la Vie du Christ ne peut qu'être une participation à l'absolu, au transcentaux du Beau, du Bien et du Vrai. La Sainte Humanité du Dieu fait chair prétend certainement être l'icône d'une telle réalité ; alors lorsque nous la regardons en face, est-ce que cette prétention s'effondre ou est-ce qu'elle nous convoque à la contemplation et à l'imitation ?
En tout cas continuez à chercher, c'est le plus important. Lisez les grands théologiens et les grands athées. Lisez Thomas d'Aquin, Dostoïesvski, Ratzinger, Balthasar, Augustin, de Lubac... Faite de la philosohie et de la théologie. Si vous vous êtes de ceux qui veulent une structure rationnelle à votre foi, donnez-vous en les moyens.
En Jésus-Christ,
Héraclius -