par Cinci » jeu. 15 juin 2017, 17:21
Pour l'agrément de tout le monde ...
Je rajouterais bien quelques remarques d'André Myre le
maudit, jésuite en rupture de ban et membre d'une génération de "vieux" répudiée par ChristianK
"... il se pose pour le chrétien un problème qui est certes vécu par d'autres mais qui prend pour lui une acuité particulière, c'est celui de la façon dont le passé doit aujourd'hui influencer le présent. Il ne faut pas avoir fréquenter la Bible bien longtemps pour se rendre compte des immenses problèmes qu'elle pose, problèmes à la fois de compréhension de ce passé bien précis et de traduction pour aujourd'hui, en gestes aussi bien qu'en paroles, de ce passé à jamais révolu. Bien comprendre la Bible est déjà difficile; savoir quoi en faire aujourd'hui est infiniment complexe. Et pourtant on n'y échappe pas.
Ils sont nombreux les chrétiens, par exemple. qui n'ont aucun scrupule à consommer porc ou boudin; pourtant, ils vont directement à l'encontre de prescriptions aussi bien de l'Ancien que du Nouveau Testament (Lv 17,10; 11, 7-8; Actes 15,; 20, 29) Suivant quel principe faudrait-il, en référence à ces versets de Ac 15, se garder d'un côté des "unions illégitimes", tout en se permettant des libertés vis à vis du sang? N'est-il pas étonnant qu'on soit fidèle à condamner le divorce à la suite de Mt 5,31-32, mais qu'on ait aucun scrupule à prêter serment ("sur les Saints Évangiles") malgré la défense explicite des versets suivants (Mt 5,33-37).
On ne se contente donc pas de comprendre, on interprète, on fait des choix, on modifie, on retraduit. Et, encore une fois, on ne peut pas y échapper. D'ailleurs, la Bible elle-même n'y échappe pas; elle est même un immense effort de retraduction et d'interprétation. Il ne pouvait en être autrement , dès lors que la révélation était destinée à vivre dans le temps et l'espace.
On ne parle plus, on ne vit plus , on ne s'exprime plus de la même façon avec le passage du temps. Il faut donc continuellement décanter l'essentiel de l'accessoire, le visage personnel de Dieu de ses expressions dans le temps, sa volonté toujours présente de ses manifestations passées. Par conséquent, c'est se faire illusion que de penser qu'il suffit de se demander ce qu'a dit Dieu hier [...] "
Source : André Myre, "Heureux les pauvres. Histoire d'une parole passée et future d'une parole" dans Cri de Dieu, espoir des pauvres, Les pauvres dans la Bible, p. 68
Et enfin pour ceux qui aiment détester l'Ancien Testament ...
tous ceux qui ne se reconnaissent pas dans le vieux grimoire ...
"... au coeur de leur détresse socio-économique et en attendant que soient proclamées les Béatitudes évangéliques, les pauvres de l'Ancien Testament ont connu une espérance qu'expriment chacun à leur façon, "la Loi, les Prophètes et les autres Écrits". De ce point de vue, la Loi, c'est le droit des pauvres; les Prophètes sont la voix des pauvres ; et les autres Écrits disent la joie des pauvres. Parce qu'ils ont un droit, une voix et une joie, les pauvres de l'Ancien Testament peuvent, comme Abraham, espérer contre tout espérance (Rm 4,18) .
Le droit des pauvres
Les sociétés sédentaires du Moyen-Orient ont toutes eu à faire face au problème des inégalités. Le concept de propriété privée et l'estompement des liens claniques, qu'impliquent la sédentarisation, engendrent facilement la capitalisation, qui fait les riches, et l'isolement, qui fait les pauvres. C'est ainsi qu'apparaissent les exploités et les faibles que le
livre de Job (
24, 2-11) décrit de façon saisissante :
"On déplace les bornes,
on fait paître des troupeaux volés,
c'est l'âme des orphelins qu'on emmène,
c'est le boeuf de la veuve qu'on retient en gage.
On écarte de la route les indigents,
tous les pauvres du pays n'ont plus qu'à se cacher.
Tels des onagres dans le désert,
ils partent au travail dès l'aube, en quête de pâture.
Et c'est la steppe qui doit nourrir leurs petits.
Dans les champs, ils se coupent du fourrage,
et ils grappillent la vigne du méchant.
La nuit, ils la passent nu, faute de vêtement,
ils n'ont pas de couverture quand il fait froid.
Ils sont trempés par la pluie des montagnes,
faute d'abri, ils étreignent le rocher.
On arrache l'orphelin à la mamelle,
du pauvre on exige des gages.
On le fait marcher nu, privé de vêtements,
et aux affamés ont fait porter des gerbes.
Dans les enclos des autres, ils pressent de l'huile,
et ceux qui foulent au pressoir ont soif."
-
Job 24, 2-11
On voit ici, en termes concrets qui font image, l'oppression des pauvres incapables de payer leurs dettes, l'intransigeance des riches qui n'ont pitié de personne, l'indigence qui va jusqu'à priver du nécessaire et l'esclavage de la main d'oeuvre sans droits qu'exploitent les grands propriétaires terriens.
Pareille situation était insupportable.
En Mésopotamie, plus de deux mille ans avant Jésus-Christ, des rois comme Urukagina (25e siècle) et Urammu (21e siècle) se vantaient déjà d'avoir arraché la veuve , l'orphelin et l'économiquement faible des griffes de ceux qui les opprimaient.
Mais il faut surtout citer Hammurapi, roi fondateur du premier empire babylonien au 18e siècle avant Jésus-Christ, dont le code s'ouvre sur l'idée que ses lois sont données "pour que le fort ne puisse pas opprimer le faible". Pour Hammurapi, comme pour tous les sémites, la justice n'est pas une simple règle s'appliquant à tous indistinctement ou une froide divinité, ayant balance en mains et yeux bandés, mais une véritable passion pour ceux qu'énuméra le roi Assurbanipal, au 7e siècle avant Jésus-Christ : " ... l'humble, le débile, l'affligé, le pauvre, celle dont le fils est prisonnier ... celui dont la famille est éloignée, dont la cité est au loin, le berger dans la frayeur de la steppe, le gardien des brebis au milieu des ennemis ..."
En Egypte, les textes législatifs sont plus rares, mais on peut voir quel pouvait être l'idéal d'un pharaon en lisant la description, évidemment dithyrambique, du jour où Ramsès IV fut intronisé :
Ceux qui étaient affamés se rassasiaient gaiement
ceux qui étaient assoiffés s'enivrent
Ceux qui étaient nus sont revêtus de lin fin
ceux qui étaient en guenilles portent des habits blancs
ceux qui étaient en prison sont mis en liberté
ceux qui étaient affligés se trouvent en joie ...
A Ugarit, la Légende du roi Keret résume comme suit les reproches qu'on adresse au roi :
Tu n'as pas jugé le jugement de la veuve
tu n'as pas fait droit aux malheureux
tu n'as pas chassé ceux qui dépouillent le pauvre
tu n'as pas nourri l'orphelin devant toi
la veuve derrière ton dos
te montrant un frère pour le malade,
compagnon de son lit de souffrance
On le voit par la négative, ce que devait être un roi selon le coeur des dieux [...]
Israël fera de la sollicitude envers les pauvres une de ses plus constantes préoccupations qu'on retrouve comme un leitmotiv dans ses plus grands recueils législatifs. Il ne faut pas s'étonner de trouver un sens extraodinaire de l'inconvenance de l'injustice et de l'esclavage chez un peuple qui tient sa liberté de la libération d'Égypte accordée par Dieu à ses ancêtres. Les grands recueils législatifs d'Israël sont rattachés par la Bible à la personne de Moïse et
l'expérience de l'Exode. Isrsaël ne doit pas oublier qu'il a été pauvre, étranger et même esclave en Égypte et qu'il lui incombe ainsi un devoir particulier envers les démunis.
Le sol d'Israël est propriété exclusive de Yavhé (Jos 22,19; Ps 85,2; Jr 16,18; Ez 35.5; Os 9,3) : "La terre m'appartient et vous n'êtes pour moi que des étrangers et des hôtes" (Lv 25.23). Les usagers humains de la terre de Dieu, fussent-ils de puissants propriétaires, doivent se rappeler que le sol ne leur appartient pas en propre. Dieu le leur prête et, s'ils ont droit au fruit de leur travail, n'importe qui, mais les pauvres par-dessus tout, a droit aux fruits de la terre pour se nourrir en cas de besoin :"Si tu entres dans la vigne de ton prochain, tu mangeras du raisin autant que tu veux, à satiété; mais tu ne dois pas en emporter. Si tu entres dans les moissons de ton prochain, tu pourras arracher des épis à la main, mais tu ne feras pas passer la faucille dans les moissons de ton prochain" (Deut 23,25-26)
En somme, personne n'a le droit de s'enrichir avec le travail des autres, mais tout le monde a le droit de se nourrir du sol qui n'appartient qu'à Yavhé. On ne fait pas la charité en laissant des épis à glaner, des olives à gauler et des vignes à grapiller. On respecte tout simplement la propriété de Dieu et le droit de ses protégés.
Source :
Jean Martucci, "L'espérance des pauvres", dans
Cri de Dieu, espoir des pauvres, p. 40
Maintenant
La question qui se pose est celle du pourquoi de l'amour privilégié de Dieu pour les pauvres. Qu'ont-ils donc de spécial pour que de telles promesses leur soient faites?
A cela, il faut répondre que dans le Proche-Orient ancien c'est un des principaux devoir du roi que d'assurer que justice soit rendue aux pauvres. Un bon roi fait en sorte que les pauvres soient protégés des profiteurs à l'appétit vorace. Ce n'est pas que ces petits soient de meilleurs sujets que les autres, mais ils ont davantage besoin de l'attention du souverain. En Israël, comme ailleurs, toutefois, malgré la Loi et la révélation de l'amour de Dieu pour les pauvres, les souverains ne firent pas beaucoup pour les défavorisés; c'est une raison entre autres pour laquelle on en vint peu à peu à projeter dans l'avenir une intervention bouleversante de Dieu pour les siens. Le Roi par excellence fera en ce jour-là éclater sa gloire et sa justice et, tout naturellement, ce seront les pauvres qui seront l'objet de son attention particulière, puisque ce sont eux qui souffrent de déni de justice.
Or, c'est ce Dieu que Jésus vient annoncer ; et quoi de plus naturel que de l'annoncer à ceux qui en ont le plus besoin, à ceux qu'il aime en priorité et pour qui, de fait, il vient? C'est donc ce à quoi Jésus s'emploie dans sa prédication comme dans son activité. Il veut redonner. espoir à ceux qui par définition n'en ont pas. Alors, il s'éloigne des grands centres, où vivent les lettrés et les gens à l'aise (ces gens-là ont moins besoin d'espérance, ils savent se débrouiller dans la vie) ; et il parcourt le pays où se trouvent les petites gens qui n'ont pas de recours contre les gros. Il mange avec les publicains - qui sont ostracisés, méprisés (Mc 2,15-17); et il proclame que Dieu les aime davantage que les pharisiens, lesquels sont certes du bon monde. mais qui ont moins besoin d'aide (Lc 18, 9-14). On le traitera donc de glouton et d'ivrogne, d'homme de mauvaises fréquentations (Mt 11,19) . Il n'hésitera pas à dire, au grand scandale des bonnes gens, que les prostituées seront parmi les premiers à accepter le Règne de Dieu (Mt 21,31). Il fera des choix : ne pouvant s'adresser à tout le monde en même temps, il renoncera à s'occuper de ceux pour qui les choses vont bien pour rejoindre ceux pour qui tout est perdu (Lc 15, 4-7). C'est donc vers eux qu'il ira, eux qu'il guérira, à eux qu'il dira que Dieu les aime jusqu'à leur pardonner, jusqu'à vouloir être leur Roi. De la sorte, dans sa vie même, Jésus donne corps à une ligne de force importante de l'Ancien Testament, il donne un visage à Dieu, il le révèle.
Source : André Myre, id.
Pour l'agrément de tout le monde ...
Je rajouterais bien quelques remarques d'André Myre le [i]maudit, jésuite en rupture de ban et membre d'une génération de "vieux"[/i] répudiée par ChristianK
;)
[color=#0000FF]"... il se pose pour le chrétien un problème qui est certes vécu par d'autres mais qui prend pour lui une acuité particulière, c'est celui de la façon dont le passé doit aujourd'hui influencer le présent. Il ne faut pas avoir fréquenter la Bible bien longtemps pour se rendre compte des immenses problèmes qu'elle pose, problèmes à la fois de compréhension de ce passé bien précis et de traduction pour aujourd'hui, en gestes aussi bien qu'en paroles, de ce passé à jamais révolu. Bien comprendre la Bible est déjà difficile; savoir quoi en faire aujourd'hui est infiniment complexe. Et pourtant on n'y échappe pas.
Ils sont nombreux les chrétiens, par exemple. qui n'ont aucun scrupule à consommer porc ou boudin; pourtant, ils vont directement à l'encontre de prescriptions aussi bien de l'Ancien que du Nouveau Testament (Lv 17,10; 11, 7-8; Actes 15,; 20, 29) Suivant quel principe faudrait-il, en référence à ces versets de Ac 15, se garder d'un côté des "unions illégitimes", tout en se permettant des libertés vis à vis du sang? N'est-il pas étonnant qu'on soit fidèle à condamner le divorce à la suite de Mt 5,31-32, mais qu'on ait aucun scrupule à prêter serment ("sur les Saints Évangiles") malgré la défense explicite des versets suivants (Mt 5,33-37).
On ne se contente donc pas de comprendre, on interprète, on fait des choix, on modifie, on retraduit. Et, encore une fois, on ne peut pas y échapper. D'ailleurs, la Bible elle-même n'y échappe pas; elle est même un immense effort de retraduction et d'interprétation. Il ne pouvait en être autrement , dès lors que la révélation était destinée à vivre dans le temps et l'espace.
On ne parle plus, on ne vit plus , on ne s'exprime plus de la même façon avec le passage du temps. Il faut donc continuellement décanter l'essentiel de l'accessoire, le visage personnel de Dieu de ses expressions dans le temps, sa volonté toujours présente de ses manifestations passées. Par conséquent, c'est se faire illusion que de penser qu'il suffit de se demander ce qu'a dit Dieu hier [...] "
Source : [b]André Myre[/b], "Heureux les pauvres. Histoire d'une parole passée et future d'une parole" dans [u]Cri de Dieu, espoir des pauvres, Les pauvres dans la Bible[/u], p. 68 [/color]
Et enfin pour ceux qui aiment détester l'Ancien Testament ... [i]tous ceux qui ne se reconnaissent pas dans le vieux grimoire[/i] ...
"... au coeur de leur détresse socio-économique et en attendant que soient proclamées les Béatitudes évangéliques, les pauvres de l'Ancien Testament ont connu une espérance qu'expriment chacun à leur façon, "la Loi, les Prophètes et les autres Écrits". De ce point de vue, la Loi, c'est le droit des pauvres; les Prophètes sont la voix des pauvres ; et les autres Écrits disent la joie des pauvres. Parce qu'ils ont un droit, une voix et une joie, les pauvres de l'Ancien Testament peuvent, comme Abraham, espérer contre tout espérance (Rm 4,18) .
[b]Le droit des pauvres
[/b]
Les sociétés sédentaires du Moyen-Orient ont toutes eu à faire face au problème des inégalités. Le concept de propriété privée et l'estompement des liens claniques, qu'impliquent la sédentarisation, engendrent facilement la capitalisation, qui fait les riches, et l'isolement, qui fait les pauvres. C'est ainsi qu'apparaissent les exploités et les faibles que le [b]livre de Job[/b] ([b]24, 2-11[/b]) décrit de façon saisissante :
"On déplace les bornes,
on fait paître des troupeaux volés,
c'est l'âme des orphelins qu'on emmène,
c'est le boeuf de la veuve qu'on retient en gage.
On écarte de la route les indigents,
tous les pauvres du pays n'ont plus qu'à se cacher.
Tels des onagres dans le désert,
ils partent au travail dès l'aube, en quête de pâture.
Et c'est la steppe qui doit nourrir leurs petits.
Dans les champs, ils se coupent du fourrage,
et ils grappillent la vigne du méchant.
La nuit, ils la passent nu, faute de vêtement,
ils n'ont pas de couverture quand il fait froid.
Ils sont trempés par la pluie des montagnes,
faute d'abri, ils étreignent le rocher.
On arrache l'orphelin à la mamelle,
du pauvre on exige des gages.
On le fait marcher nu, privé de vêtements,
et aux affamés ont fait porter des gerbes.
Dans les enclos des autres, ils pressent de l'huile,
et ceux qui foulent au pressoir ont soif."
- [b]Job 24, 2-11[/b]
On voit ici, en termes concrets qui font image, l'oppression des pauvres incapables de payer leurs dettes, l'intransigeance des riches qui n'ont pitié de personne, l'indigence qui va jusqu'à priver du nécessaire et l'esclavage de la main d'oeuvre sans droits qu'exploitent les grands propriétaires terriens.
Pareille situation était insupportable.
En Mésopotamie, plus de deux mille ans avant Jésus-Christ, des rois comme Urukagina (25e siècle) et Urammu (21e siècle) se vantaient déjà d'avoir arraché la veuve , l'orphelin et l'économiquement faible des griffes de ceux qui les opprimaient.
Mais il faut surtout citer Hammurapi, roi fondateur du premier empire babylonien au 18e siècle avant Jésus-Christ, dont le code s'ouvre sur l'idée que ses lois sont données "pour que le fort ne puisse pas opprimer le faible". Pour Hammurapi, comme pour tous les sémites, la justice n'est pas une simple règle s'appliquant à tous indistinctement ou une froide divinité, ayant balance en mains et yeux bandés, mais une véritable passion pour ceux qu'énuméra le roi Assurbanipal, au 7e siècle avant Jésus-Christ : " ... l'humble, le débile, l'affligé, le pauvre, celle dont le fils est prisonnier ... celui dont la famille est éloignée, dont la cité est au loin, le berger dans la frayeur de la steppe, le gardien des brebis au milieu des ennemis ..."
En Egypte, les textes législatifs sont plus rares, mais on peut voir quel pouvait être l'idéal d'un pharaon en lisant la description, évidemment dithyrambique, du jour où Ramsès IV fut intronisé :
[i]Ceux qui étaient affamés se rassasiaient gaiement
ceux qui étaient assoiffés s'enivrent
Ceux qui étaient nus sont revêtus de lin fin
ceux qui étaient en guenilles portent des habits blancs
ceux qui étaient en prison sont mis en liberté
ceux qui étaient affligés se trouvent en joie ...[/i]
A Ugarit, la Légende du roi Keret résume comme suit les reproches qu'on adresse au roi :
[i]Tu n'as pas jugé le jugement de la veuve
tu n'as pas fait droit aux malheureux
tu n'as pas chassé ceux qui dépouillent le pauvre
tu n'as pas nourri l'orphelin devant toi
la veuve derrière ton dos
te montrant un frère pour le malade,
compagnon de son lit de souffrance[/i]
On le voit par la négative, ce que devait être un roi selon le coeur des dieux [...]
Israël fera de la sollicitude envers les pauvres une de ses plus constantes préoccupations qu'on retrouve comme un leitmotiv dans ses plus grands recueils législatifs. Il ne faut pas s'étonner de trouver un sens extraodinaire de l'inconvenance de l'injustice et de l'esclavage chez un peuple qui tient sa liberté de la libération d'Égypte accordée par Dieu à ses ancêtres. Les grands recueils législatifs d'Israël sont rattachés par la Bible à la personne de Moïse et [u]l'expérience de l'Exode[/u]. Isrsaël ne doit pas oublier qu'il a été pauvre, étranger et même esclave en Égypte et qu'il lui incombe ainsi un devoir particulier envers les démunis.
Le sol d'Israël est propriété exclusive de Yavhé (Jos 22,19; Ps 85,2; Jr 16,18; Ez 35.5; Os 9,3) : "La terre m'appartient et vous n'êtes pour moi que des étrangers et des hôtes" (Lv 25.23). Les usagers humains de la terre de Dieu, fussent-ils de puissants propriétaires, doivent se rappeler que le sol ne leur appartient pas en propre. Dieu le leur prête et, s'ils ont droit au fruit de leur travail, n'importe qui, mais les pauvres par-dessus tout, a droit aux fruits de la terre pour se nourrir en cas de besoin :"Si tu entres dans la vigne de ton prochain, tu mangeras du raisin autant que tu veux, à satiété; mais tu ne dois pas en emporter. Si tu entres dans les moissons de ton prochain, tu pourras arracher des épis à la main, mais tu ne feras pas passer la faucille dans les moissons de ton prochain" (Deut 23,25-26)
En somme, personne n'a le droit de s'enrichir avec le travail des autres, mais tout le monde a le droit de se nourrir du sol qui n'appartient qu'à Yavhé. On ne fait pas la charité en laissant des épis à glaner, des olives à gauler et des vignes à grapiller. On respecte tout simplement la propriété de Dieu et le droit de ses protégés.
Source : [b]Jean Martucci[/b], "L'espérance des pauvres", dans [u]Cri de Dieu, espoir des pauvres[/u], p. 40
Maintenant
[color=#0000FF]La question qui se pose est celle du pourquoi de l'amour privilégié de Dieu pour les pauvres. Qu'ont-ils donc de spécial pour que de telles promesses leur soient faites?
A cela, il faut répondre que dans le Proche-Orient ancien c'est un des principaux devoir du roi que d'assurer que justice soit rendue aux pauvres. Un [b]bon roi[/b] fait en sorte que les pauvres soient protégés des profiteurs à l'appétit vorace. Ce n'est pas que ces petits soient de meilleurs sujets que les autres, mais ils ont davantage besoin de l'attention du souverain. En Israël, comme ailleurs, toutefois, malgré la Loi et la révélation de l'amour de Dieu pour les pauvres, les souverains ne firent pas beaucoup pour les défavorisés; c'est une raison entre autres pour laquelle on en vint peu à peu à projeter dans l'avenir une intervention bouleversante de Dieu pour les siens. Le Roi par excellence fera en ce jour-là éclater sa gloire et sa justice et, tout naturellement, ce seront les pauvres qui seront l'objet de son attention particulière, puisque ce sont eux qui souffrent de déni de justice.
Or, c'est ce Dieu que Jésus vient annoncer ; et quoi de plus naturel que de l'annoncer à ceux qui en ont le plus besoin, à ceux qu'il aime en priorité et pour qui, de fait, il vient? C'est donc ce à quoi Jésus s'emploie dans sa prédication comme dans son activité. Il veut redonner. espoir à ceux qui par définition n'en ont pas. Alors, il s'éloigne des grands centres, où vivent les lettrés et les gens à l'aise (ces gens-là ont moins besoin d'espérance, ils savent se débrouiller dans la vie) ; et il parcourt le pays où se trouvent les petites gens qui n'ont pas de recours contre les gros. Il mange avec les publicains - qui sont ostracisés, méprisés (Mc 2,15-17); et il proclame que Dieu les aime davantage que les pharisiens, lesquels sont certes du bon monde. mais qui ont moins besoin d'aide (Lc 18, 9-14). On le traitera donc de glouton et d'ivrogne, d'homme de mauvaises fréquentations (Mt 11,19) . Il n'hésitera pas à dire, au grand scandale des bonnes gens, que les prostituées seront parmi les premiers à accepter le Règne de Dieu (Mt 21,31). Il fera des choix : ne pouvant s'adresser à tout le monde en même temps, il renoncera à s'occuper de ceux pour qui les choses vont bien pour rejoindre ceux pour qui tout est perdu (Lc 15, 4-7). C'est donc vers eux qu'il ira, eux qu'il guérira, à eux qu'il dira que Dieu les aime jusqu'à leur pardonner, jusqu'à vouloir être leur Roi. De la sorte, dans sa vie même, Jésus donne corps à une ligne de force importante de l'Ancien Testament, il donne un visage à Dieu, il le révèle.
Source : [b]André Myre[/b], id. [/color]